Démystifier le monde des drogues dans Saint-Roch

Surdoses, dangerosité des produits vendus, ressources d'aide débordées... Le sujet des drogues fait régulièrement la manchette depuis la pandémie, notamment au centre-ville de Québec. Une rencontre citoyenne se tenait lundi dernier dans le sous-sol de l'église Saint-Roch, pour faire un état des lieux de la situation, mais surtout, pour démystifier l'univers de la consommation.

Démystifier le monde des drogues dans Saint-Roch | 8 novembre 2023 | Article par Simon Bélanger

Une quatrième rencontre citoyenne organisée par l'Engrenage Saint-Roch autour des enjeux de cohabitation se tenait dans le sous-sol de l'église, le 6 novembre dernier, sur le thème des drogues.

Crédit photo: Simon Bélanger - Monsaintroch

Surdoses, dangerosité des produits vendus, ressources d’aide débordées… Le sujet des drogues fait régulièrement la manchette depuis la pandémie, notamment au centre-ville de Québec. Une rencontre citoyenne se tenait lundi dernier dans le sous-sol de l’église Saint-Roch, pour faire un état des lieux de la situation, mais surtout, pour démystifier l’univers de la consommation.

Cette rencontre était l’initiative de la Table de quartier Engrenage Saint-Roch, qui tenait ainsi un quatrième événement portant sur des enjeux de cohabitation et d’itinérance dans Saint-Roch.

Le tout avait débuté en décembre 2022 par une rencontre portant spécifiquement sur le portrait de l’itinérance dans le quartier. À l’hiver 2023, on présentait les rôles joués par différents acteurs autour de ces enjeux. Une troisième rencontre se tenait au printemps, qui se consacrait plutôt aux perspectives d’action.

« Finalement, comme la question des drogues était vraiment transversale dans les questionnements exprimés, on s’est dit que ce pourrait être une rencontre thématique autour des drogues », explique d’entrée de jeu Marie-Noëlle Béland, directrice générale de l’Engrenage.

De nombreux enjeux se sont invités pendant la soirée : santé mentale, itinérance, décriminalisation, préjugés, incertitude économique, etc.

Drogues légales vs illégales

Au cours de la soirée, qui se tenait devant près d’une quarantaine de personnes, quatre panélistes ont répondu à quelques questions posées par Marie-Noëlle Béland. D’autres ont plus tard été suggérées par les différents sous-groupes réunis par table.

Une première nuance a été apportée d’entrée de jeu par les panélistes, afin d’encadrer la définition même de « drogues ».

« Quand on parle des drogues, on a tendance à penser à la cocaïne, à l’héroïne, au speed. Mais on peut parler de café, d’alcool, de tabac, des drogues qui sont légales et plus acceptées dans notre société », précise d’entrée de jeu la Dre Anne-Frédérique Lambert-Slythe, médecin-conseil à la Direction de santé publique du CIUSSS de la Capitale-Nationale.

Mario Gagnon, directeur général de l’organisme communautaire Point de repères, ajoute qu’il existe une «stigmatisation» autour des drogues dite illégales. Il précise que Point de repères utilise une approche de réduction des méfaits.

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Celle-ci «consiste à minimiser les conséquences négatives liées à la consommation plutôt que de vouloir éliminer le comportement lui-même», précise le CIUSS de la Capitale-Nationale sur son site.

Marie-Noëlle Béland, directrice générale de l’Engrenage, animait la soirée, qui réunissait Mario Gagnon (Point de repères), Félixe et Taï (Association pour la défense des droits et l’inclusion des personnes qui consomment des drogues au Québec) et la Dre Anne-Frédérique Lambert-Slythe (médecin-conseil à la Direction de santé publique du CIUSSS de la Capitale-Nationale).
Crédit photo: Simon Bélanger - Monsaintroch

Modification de la consommation

Dans les dernières années, notamment depuis la pandémie de COVID-19, les habitudes de consommation ont changé. Les drogues illégales vendues sur le marché sont plus dangereuses.

Selon Taï, de l’Association pour la défense des droits et l’inclusion des personnes qui consomment des drogues au Québec (ADDICQ), il y aurait aussi davantage de polyconsommation (gens qui vont mélanger plusieurs drogues).

En raison de la dangerosité de plusieurs produits qui se trouvent sur le marché noir, la clinique SABSA procède maintenant à la vérification de substances, à la demande des consommateurs. Cet outil permet notamment de détecter la présence ou non d’opioïdes. De plus, l’Interzone, situé dans les anciens locaux de SABSA, offre depuis 2021 un site de consommation supervisée.

Plusieurs panélistes souhaiterait cependant aller plus loin, évoquant l’idée de l’approvisionnement plus sécuritaire, déjà testé du côté de Vancouver. Celui-ci consiste à approvisionner les consommateurs avec des substances déjà contrôlées et testées.

« Au moins, on pourrait savoir ce qu’il y a dans nos substances s’il y avait un approvisionnement, un endroit où s’en procurer, en étant sûr de ce que tu consommes », ajoute Félixe, qui représentait aussi l’ADDICQ.

Mario Gagnon précise finalement que la méthode de consommation a changé, puisque son organisme distribue désormais beaucoup plus de «pipes à crack», ce qui laisse supposer que la consommation par inhalation est maintenant plus populaire et que celle par injection est en perte de vitesse, comme la distribution de seringues a baissé.

«Tempête parfaite»

La hausse du coût de la vie, la crise du logement, détérioration des ressources et des services… Tous ces problèmes auraient contribué à mener à la situation plus difficile vécue actuellement, non seulement dans Saint-Roch, mais ailleurs aussi.

Mario Gagnon, DG de Point de repères, qualifie d’ailleurs le moment de «tempête parfaite », même s’il estime que celle-ci était hautement prévisible.

« Ça fait des années qu’on le voit venir. […] On a pris un sacré retard dans la région, pour les problématiques de santé mentale, les traitements en dépendance», déplore M. Gagnon.

Même si différents organismes existent pour accompagner les personnes qui souhaitent demander de l’aide, en raison de différentes dépendances, il peut être difficile d’y avoir accès. La ressource peut être fermée au moment où on en a besoin, les organismes sont aux prises avec une pénurie de main-d’œuvre, la demande peut être trop forte, etc.

« J’ai dû essayer d’avoir recours à des centres de traitement. Mais l’accès est tellement difficile que j’ai dû abandonner et faire les sevrages par moi-même, parce qu’il n’y a pas assez de ressources », se souvient Félixe.

Taï ajoute également qu’il n’est pas facile de parler de sa propre consommation, puisque ce phénomène est encore teinté par les préjugés.

Finalement, il est difficile d’avoir des données précises sur le sujet, notamment celles qui lient l’itinérance à la consommation. Cet état de fait s’explique notamment par le caractère illicite de la consommation. Toutefois, les statistiques indiquent qu’environ 25% des personnes qui s’injectent des drogues sont sans domicile fixe.

Plaidoyer pour la décriminalisation

Pour Mario Gagnon, comme pour les autres panélistes, la solution passerait par la décriminalisation des drogues. Il estime cependant qu’il faudra une bonne dose de « courage politique » pour défendre ce projet.

« On continue encore de penser que les approches répressives vont venir à bout de la consommation de drogues ou de l’usage de drogues. Il est temps qu’on change de paradigme et qu’on trouve des solutions qui sont plus adaptées », souhaite le DG de Point de repères.

La Dre Lambert-Slythe rappelle que l’idée de la décriminalisation a aussi fait son chemin chez les experts du milieu de la santé. En 2021, une dizaine de directeurs régionaux de santé publique du Québec avaient signé une lettre ouverte adressée à différents ministères provinciaux et fédéraux. 

Autres rencontres à venir

Marie-Noëlle Béland, de l’Engrenage, souhaite que ce genre de rencontre citoyenne se répète dans les prochains mois. Elle est à l’écoute des propositions de sujets tournant autour des enjeux de cohabitation et d’itinérance dans le quartier.

Les participants pouvaient d’ailleurs répondre à un sondage de satisfaction avant de quitter.

Cet article bénéficie du soutien de l’Initiative de journalisme local, financée par le Gouvernement du Canada.

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