La judiciarisation de l’itinérance est en augmentation à Québec

Jeudi après-midi, la Clinique Droit de cité et l’Observatoire des profilages ont présenté leur rapport de recherche sur la judiciarisation des personnes itinérantes à Québec. Cette dernière connait une hausse au cours des ces dernières années. Le panel a fait également plusieurs recommandations.

La judiciarisation de l’itinérance est en augmentation à Québec | 19 janvier 2024 | Article par Anne Charlotte Gillain

Crédit photo: Anne Charlotte Gillain

Jeudi après-midi, la Clinique Droit de cité et l’Observatoire des profilages ont présenté leur rapport de recherche sur la judiciarisation des personnes itinérantes à Québec. Cette dernière connait une hausse au cours des ces dernières années. Le panel a fait également plusieurs recommandations.

Plus d’une quarantaine de personnes ont assisté à cette conférence à la Maison de la coopération et de l’économie solidaire de Québec.

Cette nouvelle étude est une mise à jour d’une première étude menée en 2011.

Ici, les données s’étendent du 1er janvier 2013 au 30 juin 2022, avec l’analyse de 12 663 constats d’infraction.

« Il y a une augmentation alarmante de la judiciarisation de l’itinérance. C’est une montée drastique », annonce Céline Bellot, directrice de l’Observatoire des profilages et professeure à l’École de travail social de l’Université de Montréal.

La judiciarisation de l’itinérance comme profilage social

Selon le rapport, un constat sur cinq est donné à une personne en situation d’itinérance à Québec en 2020.

« Même si les forces policières diminuent les constats remis, elles en donnent de plus en plus aux personnes en itinérance », explique-t-elle.

« Cela révèle un ciblage, un repérage, une surveillance et une répression accrue de ces populations-là. On parle alors d’un profilage social. »

Concernant les lieux de la judiciarisation de l’itinérance, l’arrondissement le plus populaire est la Cité-Limoilou (92,7 % de constats d’infraction).

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« Les populations en situation d’itinérance se déplacent et la judiciarisation se déplace aussi. Donc, elles ne sont pas plus protégées quand elles se cachent dans des quartiers où il y a moins de personnes ou dans des lieux plus discrets », précise Mme Bellot.

Parmi les quartiers les plus judiciarisés, on retrouve d’abord Saint-Roch, suivi du Vieux-Québec-Colline parlementaire.

« La gentrification explique en partie la répression dans ces quartiers auprès de ces populations-là », estime-t-elle.

« Ces populations étaient là bien avant la gentrification. La plupart des organismes y sont. Ce sont des lieux importants pour les itinérants », ajoute-t-elle.

D’autres observations et changements

À Québec, les infractions révèlent des enjeux de difficultés d’interaction, soit avec le public, soit avec les forces policières, d’après le rapport de recherche.

Parmi les motifs d’infraction, l’état d’ivresse domine (37,6%). Le fait de flâner constitue une infraction (23%), mais aussi le trouble à la paix (12,3%).

« La Ville de Québec a refusé de nous donner des informations sur les personnes ayant reçu des constats, même de manière anonyme », confie Mme Bellot.

Maintenant, les personnes les plus âgées sont les plus judiciarisées (34,8% pour les plus de 50 ans), contrairement à la première étude de 2011. Ces dernières sont souvent dans des situations d’itinérance chronique.

Au niveau du genre, les données montrent uniquement une vision binaire (hommes-femmes), avec 76% d’hommes et 23,4% de femmes.

« À Québec, les femmes en situation d’itinérance sont davantage judiciarisées. Elles reçoivent des constats d’infraction avec des motifs différents des hommes », soulignent les intervenants.

« On retrouve notamment le fait d’avoir dormi dans un parc. Or, les ressources pour les femmes sont peu nombreuses. On leur reproche de trouver des lieux un tant soit peu sécuritaires pour elles. »

Plusieurs recommandations

Pour les intervenants présents et en raison de ces constats alarmants, la judiciarisation est contre-productive pour les personnes et la sortie de l’itinérance.

« À Droit de Cité, jamais des participants ne nous ont dit qu’ils avaient assez de constats pour se mettre en action et sortir de la rue », estime Marc-Antoine Guillemette-Cloutier, intervenant social à la Clinique Droit de cité.

« Ce qui fait une vraie différence, c’est une présence de ressources dans la vie des personnes. Ils nous le disent et on le voit. »

Cela peut passer par la justice avec la contestation des constats d’infraction.

« Les constats devraient être débattus en Cour pour s’assurer du respect des droits fondamentaux des gens. Il y a toute la question de l’accès à la justice », indique Me Florence Boucher-Cossette, avocate criminaliste.

« Les règlements n’ont aucune notion criminelle, mais c’est du pénal. Les pouvoirs des policiers d’arrestation, d’interpellation et de détention sont minimes », détaille-t-elle.

Les autres recommandations suggèrent une révision ou une abrogation de la réglementation municipale, un plan d’action contre le profilage social et racial ou encore la mise en place de cueillette de données.

Les intervenants mentionnent l’absence de l’enjeu de la judiciarisation des itinérants du côté de la Vision en matière d’itinérance de la Ville de Québec.

« Ce qui paraît encore plus consternant, c’est le manque de reconnaissance de l’enjeu de la judiciarisation dans les politiques de la Ville de Québec. Dans cette politique lancée en novembre 2023, l’enjeu n’apparaît pas », regrettent les intervenants.

Parmi les recommandations, on retrouve le financement des organismes qui accompagnent les personnes en situation d’itinérance.

« Une solution, c’est de réduire l’itinérance, mais c’est aussi de donner le droit à tout le monde d’utiliser l’espace public de la même façon », conclut Céline Bellot.

L’Observatoire des profilages (ODP) regroupe plus de 100 personnes. On y retrouve des chercheurs, des étudiants, issus de multiples disciplines variées, mais aussi une vingtaine de partenaires communautaires et institutionnels.

L’entièreté du rapport est accessible en ligne

Cet article a été produit par Anne Charlotte Gillain, journaliste de l’Initiative de journalisme local

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