Ici vécut : Denis Drouin, au 588, rue Saint-François Est

On retrouve, sur différents immeubles de Québec, 142 plaques Ici vécut. Elles rappellent à nos mémoires des personnes qui ont marqué l'histoire de la ville. Denis Drouin (1916-1978) a interprété des personnages marquants de l'histoire de la télévision, bien souvent accompagné de son bon ami Olivier Guimont.

<em>Ici vécut</em> : Denis Drouin, au 588, rue Saint-François Est | 30 décembre 2023 | Article par Simon Bélanger

La maison d’enfance de Denis Drouin se trouvait où se tient aujourd’hui le bâtiment des appartements La Chancelière.

Crédit photo: Fonds Antoine Desilets, Bibliothèque et Archives nationales du Québec + Simon Bélanger - Monsaintroch (montage)

On retrouve, sur différents immeubles de Québec, 142 plaques Ici vécut. Elles rappellent à nos mémoires des personnes qui ont marqué l’histoire de la ville. Denis Drouin (1916-1978) a interprété des personnages marquants de l’histoire de la télévision, bien souvent accompagné de son bon ami Olivier Guimont.

Le Québec est doté d’une tradition bien à lui lors des célébrations du Nouvel An. Presque à chaque année depuis 1968 (sauf quelques exceptions), les familles québécoises s’installent devant le téléviseur pour écouter le Bye Bye.  Cette revue satirique revient sur l’actualité de l’année qui se termine. Encore cette année, Simon Olivier Fecteau est à la barre de ce classique de fin d’année, qui mettra en vedette Claude Legault, Sarah-Jeanne Labrosse, Pier-Yves Roy-Desmarais et Guylaine Tremblay.

À travers l’histoire, plusieurs comédiens et comédiennes ont laissé une marque indélébile sur la célèbre émission de fin d’année. On peut penser à Dominique Michel, Patrice L’Écuyer, Yves Jacques, Pauline Martin. Plus récemment, Rock et Belles Oreilles, ainsi que le duo de Véronique Cloutier et Louis Morissette se sont également prêtés à l’exercice.

Mais en remontant les époques, on retrouve aussi le nom d’Olivier Guimond, tout comme celui de Denis Drouin. Les deux hommes ont marqué les esprits dans un sketch consacré à la Crise d’Octobre en 1970.

Denis Drouin
Crédit photo: Fonds Antoine Desilets, Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Si le nom d’Olivier Guimond continue de résonner, notamment parce qu’il a donné son nom aux trophées célébrant les meilleurs humoriste, celui de Denis Drouin est peut-être, malheureusement, un peu tombé dans l’oubli.

Juste avant le début des émissions du Nouvel An, le moment est donc bien choisi pour se souvenir de ce comédien qui a grandi dans le quartier Saint-Roch, sur la rue Saint-François Est.

Débuts comme annonceur radio et carrière diversifiée

Denis Drouin voit le jour à Québec le 16 avril 1916. Sa maison n’existe plus aujourd’hui, puisque les appartements La Chancelière, construits en 1974, se trouvent au même emplacement.

Plaque rappelant la maison d’enfance de Denis Drouin.
Crédit photo: Simon Bélanger - Monsaintroch

Il avait amorcé ses études pour devenir avocat, mais a décidé d’arrêter l’année avant de pouvoir accéder au Barreau. Il s’est finalement réorienté vers les études en art dramatique.

Par la suite, Denis Drouin a été engagé en 1937 par la station CKCV, où il a travaillé comme annonceur à la radio pendant deux ans. Ensuite, il refait un détour professionnel, en se faisant engager comme inspecteur au gouvernement du Québec, pour le ministère du Travail. Par la suite, il intègre le monde du spectacle et des cabarets, puis de la télévision.

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Tout au long de sa carrière, Denis Drouin a quand même multiplié les expériences de travail en dehors du show-business, alors même qu’il était actif comme comédien.

Il a notamment travaillé pour Sined, sa propre maison de consultation en publicité. Denis Drouin a également été responsable des relations publiques pour la compagnie Bombardier. Il a notamment mis à jour une brochure sur la motoneige et fait la promotion d’une excursion entre les Laurentides et Québec.

Appartements La Chancelière. La plaque rappelant la présence de Denis Drouin est installée sur ce bâtiment.
Crédit photo: Simon Bélanger - Monsaintroch

Théâtre, cabarets et entrée en télévision

Après son détour comme inspecteur au gouvernement, Denis Drouin fréquente le théâtre Arcade, à Montréal, au début des années 1940. Il y côtoie notamment des figures comme Janine Sutto et Jean Duceppe. Pendant 20 ans, il se fait d’ailleurs connaître sur la scène du théâtre burlesque et les cabarets, en même temps que les Manda Parent, Juliette Petrie et Paul Desmarteaux.

À la même époque, Denis Drouin se fait aussi connaitre à travers sa participation à des feuilletons radiophoniques (radios-romans). Le curé du villageRue principaleMétropole et Soirée de chez-nous sont du nombre.

Dès 1952, le petit écran fait son entrée dans le salon des familles québécoises. Bien rapidement, Denis Drouin tient des rôles dans de nombreuses émissions de télévision. En 1952, on le retrouve déjà dans Bonjour la vie. Il anime également les émissions Coq à l’âne et La Rigolade. Denis Drouin est également de la distribution du téléroman La Pension Velder, une adaptation du feuilleton radiophonique du même nom.

Denis Drouin fait également équipe avec Paul Berval (la voix de Fred Caillou) sur divers projets. Ils se produisent notamment dans la série Pique-Atout. Surtout, entre 1954 et 1960, Paul Berval dirige la troupe Le Beu qui rit, qui se produit dans les cabarets montréalais. Denis Drouin et Paul Berval forment cette troupe avec Jacques Lorain et Jean-Claude Deret. Denise Filiatrault et Dominique Michel sont aussi régulièrement invitées.

La troupe du Beu qui rit reçoit également des invitations à l’émission Music-hall, animée par Michelle Tisseyre à Radio-Canada.

Cré Basile et Olivier Guimond

En 1965, Denis Drouin connaît la consécration et la popularité grâce à l’émission Cré Basile, qui comptera 5 saisons et 195 épisodes.

Il partage la vedette avec celui qui deviendra son complice et meilleur ami, Olivier Guimond. Les deux hommes avaient déjà partagé la scène du théâtre burlesque et des cabarets.

Cré Basile est l’une des premières comédies de situation québécoises. Elle mettait en scène  deux couples de voisins et amis : les Lebrun (Olivier Guimond et Béatrice Picard) et les Chaput (Denis Drouin et Amulette Garneau).

Drouin et Guimond partageront aussi la vedette dans la série de 1970 À la branche d’Olivier, qui se déroule dans un petit restaurant.

Bye Bye et crise d’Octobre

Si la relation professionnelle et d’amitié entre Denis Drouin et Olivier Guimond a traversé les époques, c’est notamment grâce à un célèbre sketch du Bye Bye de 1970. L’année avait été marquée par la Crise d’Octobre, les enlèvements du Front de libération du Québec (FLQ), la mort de Pierre Laporte, l’utilisation de la Loi sur les mesures de guerre et la présence de soldats dans les rues du Québec.

Lors de la revue de fin d’année, Drouin et Guimond forment un duo dépareillé qui célèbrent la nouvelle année avec quelques petits verres. Olivier Guimond interprète un soldat francophone de l’armée canadienne, qui assure la sécurité de M. Thompson, un riche propriétaire anglophone d’ne maison de Westmount, joué par Denis Drouin.

Denis Drouin sera d’ailleurs régulièrement de la distribution des Bye Bye.

Autres projets

Denis Drouin a aussi participé à un autre classique de la comédie québécoise : Symphorien. Il y interprétait le rôle de Donat Labonté, un ami de Symphorien, personnage célèbre de Gilles Latulippe.

Il joue également dans des émissions comme Le Paradis terrestreSeptième Commandement et Chère Isabelle. En 1975 et 1976, il se joint aussi à l’émission pour enfants Patofville.

On le retrouve aussi dans la série Duplessis, de Denys Arcand, de même que dans les films Il était une fois dans l’EstParlez-nous d’amour et J.A. Martin photographe.

Maladie, décès et hommages

En janvier 1978, en raison d’un cancer, Denis Drouin avait dû subir l’ablation d’un poumon. Alors que son état semblait stationnaire peu après son opération, son état de situation a fini par se dégrader rapidement.

Denis Drouin est demeuré hospitalisé à l’Hôpital Saint-Luc, à Montréal, pendant les semaines suivantes. Il a finalement rendu son dernier souffle le 27 avril 1978, un peu moins de huit ans après le départ de son ami Olivier Guimond.

Après le décès de Denis Drouin, les hommages ont fusé de la part de ses collègues et amis. Les propos suivants sont rapportés dans l’édition du 7 mai 1978 du Télé-radiomonde.

«Je le connaissais bien et depuis longtemps et jamais entre nous il n’y eut de froid. S’il n’avait pas été comédien, il aurait sans doute été très malheureux car il adorait son métier. Il apprenait ses rôles consciencieusement et possédait une mémoire phénoménale.» – Paul Berval

«Denis était un ami de première heure et aussi, un comédien hors-pair. […] Moi j’ai perdu un ami et le Québec a perdu l’un de ses plus grands comédiens. Je le dis pour avoir joué très souvent au théâtre avec lui.» – Jean Duceppe

«Considérant ce qu’il valait, je peux dire en toute honnêteté qu’il n’avait jamais été apprécié à sa juste valeur.» – Denise Filiatrault

«Derrière cet excellent comédien se cachait un homme sensible et honnête vis-à-vis tout le monde.» – Gilles Latulippe

À l’époque directeur intérimaire de Télé-radiomonde, Germain Monté écrivait aussi que «Denis Drouin est au théâtre ce que Lionel Groulx est à l’Histoire du Québec».

Le comédien Bernard Fortin a interprété le rôle de Denis Drouin dans la série de 1997 Cher Olivier.

Finalement, une rue de Saint-Jean-de-Matha porte le nom de Denis Drouin. Bien que la Commission de toponymie n’indique pas les origines de son choix, on peut penser que ça ait un lien avec la passion du comédien pour la motoneige.

Il rencontre en effet Bob Petit en 1964. Celui-ci était à l’époque président des loisirs du Lac Noir à Saint-Jean-de-Matha. Celui-ci est considéré comme un des pionniers de la motoneige au Québec et a contribué à l’établissement d’un sentier reliant Mont-Laurier et Québec (la Trans Québec).

Une section du site de la Ville de Québec rassemble la liste des plaques Ici vécut.

Sources :

BORDONADO, Gilles, «Bob Petit ou la passion de la motoneige», La Revue, 1er février 2000.

BROUILLETTE, Élise, «55 ans de passion pour la motoneige», L’Action, 25 janvier 2019.

La Revue, «Bob Petit ou la passion de la motoneige»,

MONTÉ, Germain, «Merci Denis Drouin», Télé-radiomonde, 7 mai 1978, p.2.

Perspective Monde, «Denis Drouin», Bilan Québec – Site encyclopédique sur l’histoire du Québec depuis 1900, Université de Sherbrooke

RUDEL-TESSIER, Joseph, «Un nouveau duo au music-hall», La Presse, 25 mai 1972, p. C-1.

Télé-radiomonde, «Ils ont tous perdu un ami», «”Cré Basile” et c’est la consécration» , «Les grands moments d’une brillante carrière» 7 mai 1978, p. 4, p. 6, p. 8.

Ville de Québec, «Appartements La Chancelière», Fiche d’un bâtiment patrimonial.

VINCENT, Pierre, «Denis Drouin : Y’a rien qui l’abatte», La Presse, 21 août 1969, p. 22.

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