Plus de 80 refus en octobre au centre d’hébergement du Projet L.U.N.E. : un «bien triste record» pour l’organisme

Le Projet L.U.N.E. a dû refuser l'entrée à 83 femmes itinérantes à son centre d'hébergement d'urgence, le mois dernier, par manque de places. Pour l'organisme du quartier Saint-Roch, il s'agit de son plus important nombre de refus en dix ans d'existence, « un bien triste record » illustrant la gravité du phénomène de l'itinérance à Québec.

Plus de 80 refus en octobre au centre d’hébergement du Projet L.U.N.E. : un «bien triste record» pour l’organisme | 15 novembre 2024 | Article par Thomas Verret

Les 83 refus au mois d’octobre constituent une augmentation de 60 refus par rapport à août.

Crédit photo: Thomas Verret

Le Projet L.U.N.E. a dû refuser l’entrée à 83 femmes itinérantes à son centre d’hébergement d’urgence, le mois dernier, par manque de places. Pour l’organisme du quartier Saint-Roch, il s’agit de son plus important nombre de refus en dix ans d’existence, « un bien triste record » illustrant la gravité du phénomène de l’itinérance à Québec.

« C’est le double de ce à quoi on est habituées […]. C’est énorme et ça nous déchire le cœur », confie la directrice Chantal Simoneau.

Le Projet L.U.N.E. accueille chaque nuit 12 travailleuses du sexe ou des utilisatrices de drogues sans-abri, qui peuvent se déposer en toute sécurité à l’intérieur d’un immeuble situé au 319, rue du Prince-Édouard.

Pour les employées de l’organisme, cela est donc déchirant de devoir fermer la porte au nez de femmes vulnérables, qu’elles sont en principe sensées aider.

« On les connaît les femmes à la longue […]. D’être obligées d’en laisser dehors au froid qu’il fait, ce n’est pas le fun du tout. »

Alors que le recrutement des intervenantes s’avère difficile, « personne ne s’habitue jamais vraiment » à vivre pareille expérience.

« Ça ne donne pas le goût de revenir, ça peut facilement leur donner le goût d’aller travailler ailleurs, c’est un peu décourageant », admet la directrice du Projet L.U.N.E.

Ouverte depuis 2014, cette ressource est un hébergement d’urgence à haut seuil d’acceptabilité. L’accueil se fait selon le principe de « la première arrivée, la première servie », et en formule « drop-in », c’est-à-dire que les femmes doivent repartir sur l’heure du midi.

« Le service s’adresse à toute personne qui s’identifie comme une femme, peu importe son état, consommation ou pas, avec leur chien pour certaines (sic). Les femmes peuvent juste venir prendre une douche, laver leur linge, se réchauffer, discuter avec une intervenante ou dormir dans un lit propre », précise Chantal Simoneau.

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Ces femmes ne l’ont pas nécessairement facile dans la vie et partent de très loin dans la plupart des cas. C’est pourquoi une intervenante et une paire aidante s’efforcent d’abord de créer un lien avec chacune d’elles, « de les faire sentir bien » et de répondre à certains besoins fondamentaux, qui peuvent paraître banals pour le commun des mortels.

« Si t’as faim, t’as froid, ça fait longtemps que tu n’as pas dormi, tous ces besoins-là, il faut qu’ils soient comblés avant d’arriver à faire autre chose, ou à tout le moins reprendre un peu d’estime de soi et avoir l’impression que tu peux faire autre chose. »

« Des fois, c’est difficilement imaginable de savoir qu’il y a autant de femmes qui peinent à remplir ces petits besoins de base qui font une différence », témoigne Mme Simoneau.

Pas de solution magique

La directrice du Projet L.U.N.E. et ses collègues se trouvent ainsi aux premières loges pour constater la progression marquée de l’itinérance à Québec au cours des dernières années, spécialement dans le quartier Saint-Roch. Malgré tout, Chantal Simoneau estime qu’il serait trop facile de jeter la pierre à autrui et qu’il faut plutôt regarder le phénomène dans son ensemble. Alors que « tout le monde est prêt à dégager des sommes », l’argent ne garantit pas plus d’aménagement ou de ressources humaines, fait remarquer cette dernière.

« Il y a beaucoup de partenaires d’impliqués : le CIUSSS est là, la Ville aussi. Nous sommes tous en train de chercher des solutions, mais on dirait que c’est difficile à trouver […] Il n’y a pas de recette miracle. »

Mme Simoneau rappelle que ces femmes en situation d’itinérance ont besoin de prévisibilité, elles qui se présentent directement au centre d’hébergement sans appeler avant pour savoir s’il y a de la place. Toutefois, cela est rarement possible dans la réalité des choses.

« Imaginez-vous des femmes qui marchent le soir, il fait froid, elles arrivent à un hébergement et la porte est fermée, ça se peut qu’elles ne reviennent pas le lendemain pour voir si ça va être ouvert ou non. »

Si le portrait actuel est loin d’être « jojo », difficile de croire que la situation a déjà été pire pour cet organisme du quartier Saint-Roch, dont le refuge se situait a priori dans un tout petit logement, au troisième étage d’un édifice de la rue Notre-Dame-des-Anges.

« Il y avait parfois de 12 à 15 femmes dans le 4 1/2, plus deux intervenantes. Quand est arrivée la pandémie avec la distanciation et tout, c’était encore plus impossible. Ce n’était pas très sécuritaire non plus », explique Chantal Simoneau.

Par et pour les travailleuses du sexe

À la base, l’organisme Projet L.U.N.E. est un groupe d’appartenance, de reconnaissance et de défense des droits des travailleuses du sexe. 62% de son équipe est d’ailleurs composée de travailleuses ou d’ex-travailleuses du sexe.

L’initiative découle d’un projet de recherche-action participative. Le service d’hébergement est né à la suite des constats de cette démarche et ce lieu a pris beaucoup d’importance au fil des années.

En 2023-2024, on y a répertorié un total de 5323 visites et 204 femmes différentes ont fréquenté la ressource « pour se dépanner ».

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