Nipple_Jesus, c’est non seulement le titre de la dernière production que le Théâtre de la Bordée présente dans sa salle de répétition, en formule 5@7, c’est également le titre de l’œuvre picturale controversée que Dave (Charles-Étienne Beaulne), un videur de bar reconverti en gardien de musée, a la tâche de surveiller et de protéger.
Nipple_Jesus : Un questionnement sur l’art et sa finalité
Nipple_Jesus, c’est non seulement le titre de la dernière production que le Théâtre de la Bordée présente dans sa salle de répétition, en formule 5@7, c’est également le titre de l’œuvre picturale controversée que Dave (Charles-Étienne Beaulne), un videur de bar reconverti en gardien de musée, a la tâche de surveiller et de protéger.
Ce texte de l’écrivain et scénariste britannique Nick Hornby, habilement adapté pour le Québec par Samuel Corbeil, met en parallèle la complexité de l’art contemporain à celle de la nature humaine. Dans un monologue où le quatrième mur théâtral est aboli, Dave retrace dans un langage coloré et avec une gestuelle expressive qui portent à rire les événements de sa vie qui l’ont conduit à occuper ce poste. Son récit donne à voir l’ingénieux ballet mental de ses pulsions amour/haine pour l’œuvre en question ainsi que pour sa créatrice.
Un personnage complètement investi
À l’instar des symptômes développés par les victimes des syndromes de Stockholm ou de Lima, Dave, qui d’emblée réagit fort négativement au tableau, finit par éprouver de l’empathie pour sa conceptrice et par forger sa propre analyse de l’œuvre et des intentions de l’artiste. Entre les journalistes, les politiciens, les chroniqueurs radio, la famille de la peintre et le public venu admirer, vilipender ou profaner cet objet aux relents sulfureux, Dave s’identifie de plus en plus à l’œuvre, au point de la faire sienne et de se sentir trahi par un dénouement qui échappe à son entendement et lui confère un arrière-goût de pantin désarticulé.
Charles-Étienne Beaulne, qui interprète son premier solo en carrière, endosse le personnage avec beaucoup d’amour. C’est du moins ce que l’on ressent de la salle. Cette espèce d’individu baraqué, un peu rustre et mal équarri par la vie se dévoile sur scène avec toute sa naïveté, son affection pour sa progéniture et son ambiguïté émotionnelle. Dave se situe entre le taureau batailleur et le gros ourson pelucheux ; et Beaulne joue de cette ambivalence avec brio.
Une ambiance intime qui suscite la sympathie
L’orchestration de Nathalie Séguin table énormément sur la performance du comédien qui semble avoir été dirigé avec doigté. La petite scène conviviale de la salle de répétition de la Bordée permet peu de déploiement scénographique, mais recèle une intimité que les éclairages de Marie-Pier Faucher Bégin, le décor de Géraldine Rondeau et la conception sonore de Josué Beaucage contribuent à affiner.
Cette production de la compagnie Les Sœurs Amar, qui a notamment créé pour le théâtre, Nikki ne mourra pas et L’usine, joue ici sur le registre de la concision, de l’humour et de la bienveillance. Le fil conducteur de la pièce est clair, l’histoire amusante et l’humanité du personnage attachante. Son questionnement sur l’art et sa finalité, qui emprunte les méandres de ses convictions et qui préside à la situation dramatique, allume avec sagacité la flamme de la réflexion dans l’âme du public.
La pièce Nipple_Jesus est présentée au Théâtre de la Bordée jusqu’au 19 mai 2024. Les billets sont en vente à cette adresse : https://bordee.qc.ca/piece/nipple_jesus/
Lire aussi :
Nos Cassandre : Le poids de la conscience
L’Homme finira-t-il par apprendre de ses erreurs, à écouter les personnes qui osent tir[...]
Pour en savoir plus ...
315, rue Saint-Joseph Est, Québec (Québec), G1K 3B3
315, rue Saint-Joseph Est Québec (Québec), G1K 3B3
Soutenez votre média
Contribuez à notre développement à titre d'abonné.e et obtenez des privilèges.