La fameuse Femme-Québec : un clash de générations

Après avoir présenté avec succès, dans le cadre de ses populaires 5 à 7, le premier texte théâtral de Cristina Moscini, S’aimer ben paquetée, le Théâtre de la Bordée ouvre le rideau de son plateau principal sur La fameuse Femme-Québec, la plus récente œuvre de cette autrice dont le talent s’incarne dans chaque réplique de la pièce.

<em>La fameuse Femme-Québec</em> : un <em>clash</em> de générations | 1 novembre 2024 | Article par Hélène Laliberté

Jérémie Michaud et Lise Castonguay interprètent Exan et Quérida dans La fameuse Femme-Québec.

Crédit photo: Vincent Champoux

Après avoir présenté avec succès, dans le cadre de ses populaires 5 à 7, le premier texte théâtral de Cristina Moscini, S’aimer ben paquetée, le Théâtre de la Bordée ouvre le rideau de son plateau principal sur La fameuse Femme-Québec, la plus récente œuvre de cette autrice dont le talent s’incarne dans chaque réplique de la pièce.

Martine (Ariel Charest), une femme de la génération Y qui souhaite désespérément faire sa place dans le monde télévisuel, cherche à produire une émission qui donnerait la parole à des artistes féminines célèbres au temps de la Révolution tranquille et qui ont marqué leur époque par leur création, leur engagement et leur combat. En guise de pilote, elle décide d’interviewer Quérida Quirion (Lise Castonguay), une interprète de music-hall des années 1960, depuis tombée dans l’oubli. Mais la boîte à qui elle présente son projet lui impose un jeune youtubeur désinvolte, Exan (Jérémie Michaud), la coqueluche de l’heure, qu’elle doit intégrer au concept.

Des contrastes marqués

La table est mise pour une joute verbale où les idéologies se croisent et se frottent en produisant des étincelles électrisantes. Le vocabulaire à lui seul révèle un univers de contrastes. Celui d’Exan notamment, sorte de franglais dont la sémantique se perd dans le labyrinthe numérique, accentue les disparités entre les personnages. Moscini, elle-même blogueuse, rédactrice et chroniqueuse, manipule la langue avec beaucoup de dextérité, suscitant le rire et la réflexion dans une même lancée.

Le décor (Dominique Giguère) dans lequel se concrétise l’échange, l’appartement de Quérida avec son fatras suranné : récamier en velours, lustre vintage, tourne-disque encastré dans un meuble d’époque, vieux albums en vinyle, garde-robe d’un autre âge, etc., est la métaphore de son occupante. Et la façon dont on s’y introduit sans vergogne, l’illustration du sort qui attend l’ex-vedette du show-business à qui Martine tente d’extorquer des confidences devant à tout prix correspondre à l’idée qu’elle se fait de l’artiste.

Comme il est à prévoir, les choses ne se déroulent pas comme prévu. L’angle poétique, politique et féministe que Martine souhaite aborder dérape, à l’image de la vie et de la carrière de Quérida, qui a jadis troqué les « intellectuels des boîtes à chansons » pour les « criminels de cabarets », conversion pour laquelle on lui accole l’étiquette de « sold-out ». Les nombreuses références culturelles passées et actuelles qui peuplent les dialogues deviennent rapidement des agents de discorde, tout en générant des problèmes de communication souvent cocasses.

Entre sobriété et excentricité

La mise en scène de Nancy Bernier est relativement concise, ce qui contribue à accentuer la densité du texte. Aucun artifice technique ou électronique sur scène, hormis le cellulaire avec lequel Martine capte le son et les images de son entrevue et celui avec lequel Exan s’adresse à ses followers. Cette absence de moyens technologiques pour réaliser son pilote teinte la qualité du projet de Martine qui, d’emblée, semble compromis.

L’interprétation des comédien·nes rend tout à fait justice au propos de l’œuvre, notamment celle de Jérémie Michaud et de Lise Castonguay, dont les mondes diamétralement opposés trouveront finalement un terreau commun pour s’épanouir. Le jeu d’Ariel Charest, pour sa part, recèle une difficulté supplémentaire, du fait que le personnage est isolé par rapport aux deux autres. Quérida et Exan versus Martine, les prénoms en eux-mêmes esquissent déjà des lignes de pensée divergentes : frivolité et austérité, artifice et authenticité, légèreté et rigidité.

Entre sobriété et excentricité, La fameuse Femme-Québec aborde des sujets qui, au grand désarroi de Martine, seront seulement effleurés. Mais la véritable thématique de l’œuvre de Moscini se situe au-delà des modes et des idéologies et met en évidence l’évanescence du vedettariat, de l’amour, de la vie.

La pièce La fameuse Femme-Québec est présentée au Théâtre de la Bordée jusqu’au 23 novembre 2024. Les billets sont en vente à cette adresse : https://bordee.qc.ca/piece/la-fameuse-femme-quebec/

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