L'artiste engagé Wartin Pantois souhaite revenir davantage à la source : déployer des projets et interventions dans l'espace public, hors du cadre des diffuseurs en art visuel et grandes institutions. Dans le cadre de son œuvre La distinction, il a photographié un sac à poubelle arborant le logo d'une marque de grand luxe française dans une rue de Saint-Roch, une réflexion sur le luxe et l'objet banal dont on dispose à l'incinérateur.
La distinction de Wartin Pantois: luxe, obsolescence et quartier Saint-Roch
L’artiste engagé Wartin Pantois souhaite revenir davantage à la source : déployer des projets et interventions dans l’espace public, hors du cadre des diffuseurs en art visuel et grandes institutions. Dans le cadre de son œuvre La distinction, il a photographié un sac à poubelle arborant le logo d’une marque de grand luxe française dans une rue de Saint-Roch, une réflexion sur le luxe et l’objet banal dont on dispose à l’incinérateur.
Sur les clichés de Wartin Pantois, on voit un sac de poubelle arborant le logo de la célèbre griffe Louis Vuitton. « J’ai choisi la marque simplement parce qu’ils sont reconnus pour leurs sacs de luxe », explique-t-il
Obsolescence et objet banal
« C’est vraiment une œuvre à mi-chemin entre l’installation furtive dans l’espace public et un projet photographique (…). C’est un peu l’association entre le luxe et l’objet plutôt banal qui est voué à finir à l’incinérateur. Je l’ai déployé dans l’espace public, sur (la rue) Notre-Dame-des-Anges, dans le quartier Saint-Roch. Je l’ai promené à divers endroits sur cette rue-là », explique l’artiste en entrevue téléphonique le 22 juillet.
Il ajoute que la rue Notre-Dame-des-Anges est une « sorte de ruelle », qui se trouve à la fois à l’arrière de Saint-Joseph et du boulevard Charest. Il juge donc cette rue particulièrement intéressante.
Ce projet s’inscrit dans une volonté, pour l’artiste connu pour ses collages, de revenir à des projets « plus autonomes », comme à ses débuts.
« C’est sûr que là, ce n’est pas un collage, mais c’est un peu un retour aux sources d’avoir une idée et de l’exécuter sans attendre après un organisme, un financement, un diffuseur », raconte Wartin Pantois, qui promet d’ailleurs de s’adonner à quelques autres projets similaires cet été.
La distinction
Cette installation se veut également un « clin d’œil » à La distinction, un ouvrage du sociologue français Pierre Bourdieu paru en 1979.
« Il a élaboré une théorie des groupes et des styles de vie (..). Chaque personne a une sorte de bagage. Il appelle ça un capital: captal culturel, capital économique…. Ça, ça détermine beaucoup les goûts »
Wartin Pantois a donc eu l’idée de faire un clin d’œil humoristique à l’idée que les gens veulent parfois « se distinguer à outrance » par les marques de luxe. « J’ai imaginé un monde dans lequel les gens se distinguaient aussi avec leur sac de poubelle. »
Le sac a été déployé sur Notre-Dame-des-Anges la semaine dernière (à la mi-juillet) et ne s’y trouve plus. Il s’agissait avant tout d’un projet de nature photographique. Celui-ci fera-t-il l’objet d’une exposition? D’un livre?
« Le projet s’inscrit dans un projet plus vaste qui s’appelle Poubelles Monde. C’est un projet en élaboration par rapport à ce que l’on jette (et) qui peut être encore bon. Ça va s’élaborer au cours des prochains mois, des prochaines années. Je n’ai pas d’objectifs précis.»
L’artiste précise qu’il a d’ailleurs déjà utilisé son sac à poubelle au logo de Louis Vuitton dans le passé, dans le cadre d’autres projets dont l’un sur les sans-abri, réalisé dans Saint-Roch il y a plusieurs années.
Gentrification
En entrevue, on rappelle à l’artiste l’émergence du Nouvo Saint-Roch dans les années 2000 et l’implantation d’une boutique Hugo Boss dans le secteur en 2005, boutique qui a fermé ses portes après quelques années.
Un parallèle nous vient à l’esprit quant à sa démarche artistique et la gentrification du quartier, à l’époque.
« Ça fait plusieurs années que j’habite Saint-Roch. Oui, il y a eu des années où il y avait une forte tendance à la gentrification, pas juste par rapport au lieu d’habitation. C’était bien amorcé, mais il y avait aussi une volonté, sur la rue Saint-Joseph, de créer un lieu de destination avec les commerces de luxe. Oui, ça fait écho à cette période dont on parle moins maintenant », répond Wartin Pantois.
Autres projets
Wartin Pantois, son « personnage », s’active dans l’espace public depuis 10 ans. Rappelons que le mystérieux artiste se garde bien de dévoiler sa véritable identité.
Pour souligner cet anniversaire, il déploiera un collage « d’une certaine ampleur » qui se voudra rétrospectif; « C’est un peu un collage de collages », dit-il. On y trouvera des références à plusieurs œuvres de Wartin Pantois.
Le lieu et le diffuseur de l’œuvre restent top-secret pour le moment.
Wartin Pantois: cultiver le mystère
Wartin Pantois, dont la véritable identité demeure un mystère, vit à Saint-Roch. Son art in situ s’infiltre notamment dans l’espace public et dans des lieux non conventionnels. Détenteur d’une maîtrise en sociologie et d’une seconde maîtrise en arts visuels, on a pu admirer son travail au théâtre de La Bordée, à la bibliothèque Gabrielle-Roy et au Musée de la civilisation, entre autres.
Parmi ses nombreuses œuvres et interventions, on lui doit aussi un collage clandestin éphémère en soutien au mouvement de contestation contre le régime autoritaire iranien. L’œuvre photographique sur mur de 190 par 290 centimètres a pris place en juillet 2023 à l’angle des rues de la Chapelle et Saint-Joseph, dans son propre quartier.
Cet artiste visuel et sonore engagé a effectué des interventions artistiques aux États Unis, en France, en Allemagne, au Portugal et au Canada. Il a collaboré avec de nombreux organismes artistiques et communautaires au fil des années.
En 2019, une de ses œuvres est entrée à l’Assemblée nationale du Québec dans l’exposition permanente Inspirer dédiée à l’art agissant sur la société. En 2020, il a obtenu une bourse de recherche et création du Conseil des arts du Canada, puis une bourse de résidence de la Fondation René-Richard.
Lire aussi :
La chute collective : quand l’art s’implique dans la lutte à la pauvreté
Wartin Pantois a réalisé lundi matin un collage sur le mur du Centre Jacques-Cartier afin[...]
Soutenez votre média
Contribuez à notre développement à titre d'abonné.e et obtenez des privilèges.