Le projet résidentiel et commercial prévu par l'entreprise Trudel sur l'îlot Dorchester fait déjà jaser depuis quelques mois, alors que le promoteur immobilier avait déjà réalisé ses propres consultations publiques. Le processus chapeauté par la Ville débutait mercredi soir, avec une séance d'informations et d'échanges, au cours de laquelle une majorité de résidents de Saint-Jean-Baptiste et de Saint-Roch ont pu exprimer leurs préoccupations, dont plusieurs touchaient à l'impact visuel associé au bâtiment de 20 étages.
Îlot Dorchester : succès de foule et plusieurs réserves
Le projet résidentiel et commercial prévu par l’entreprise Trudel sur l’îlot Dorchester fait déjà jaser depuis quelques mois, alors que le promoteur immobilier avait déjà réalisé ses propres consultations publiques. Le processus chapeauté par la Ville débutait mercredi soir, avec une séance d’informations et d’échanges, au cours de laquelle une majorité de résidents de Saint-Jean-Baptiste et de Saint-Roch ont pu exprimer leurs préoccupations, dont plusieurs touchaient à l’impact visuel associé au bâtiment de 20 étages.
Mercredi soir, la salle dédiée à la présentation du projet de développement de Trudel à l’îlot Dorchester débordait et une deuxième salle a été nécessaire pour accueillir toutes les personnes qui s’intéressaient au dossier. De plus, on retrouvait également plusieurs personnes en ligne.
La rencontre, organisée par la Ville de Québec à la Maison de la coopération et de l’économie solidaire de Québec, visait d’abord à présenter le cadre réglementaire dans lequel doivent s’opérer les projets de développement dans ce secteur de Saint-Roch. Un programme particulier d’urbanisme (PPU) régit les nouvelles constructions, incluant les hauteurs admises pour de nouveaux bâtiments, depuis 2017.
Si un promoteur souhaite déroger du PPU, un processus de consultation pour demander une dérogation au zonage prévu doit alors être enclenché par la Ville.
Normes en vigueur vs demandes de Trudel
Le projet du groupe Trudel entraînerait la modification des normes en vigueur dans trois catégories encadrées par le PPU : localisation des usages commerciaux, localisation des pourcentages d’aires vertes et hauteurs maximales autorisées.
Au niveau commercial, le zonage permet actuellement les usages C2 (Vente au détail et services), C3 (Lieu de rassemblement) et C20 (Restaurant) au rez-de-chaussée et à l’étage au-dessus du rez-de-chaussée. L’entreprise souhaite aussi que le 2e étage puisse servir pour des services commerciaux. Rappelons qu’une épicerie de volume et de trois à cinq commerces de proximité sont envisagés par le promoteur.
Dans le cas du verdissement, les pourcentages entourant la localisation des aires vertes déroge de ce qui est prévu au PPU. Actuellement, le cadre réglementaire demande 60% d’aire verte au sol, 25% de toiture végétalisée et 15% de toiture intensive. Ici, l’entreprise propose plutôt 40% d’aire verte au sol, 40% de toiture végétalisée et 20% en toiture intensive.
Finalement, probablement l’aspect qui fait le plus jaser, concerne les hauteurs maximales autorisées. Rappelons que Trudel propose la construction de cinq bâtiments, entre la rue Caron et la rue Dorchester, qui seraient respectivement de 6, 6, 10, 12 et 20 étages. Le PPU suggère plutôt une gradation ressemblant à 7, 7, 8, 8 et 10 étages, de l’ouest à l’est.
En termes de hauteur, trois modifications sont demandées. Pour la section à l’ouest, le PPU permet 22 mètres en surhauteur (les deux premiers bâtiments de Trudel sont à 22 et 26 mètres). Au centre, la réglementation autorise jusqu’à 25 mètres en surhauteur (on demande 33 et 39 mètres). Puis, au coin de la rue Dorchester, le PPU permet actuellement jusqu’à 33 mètres, alors que le promoteur souhaite grimper jusqu’à 62 mètres.
Finalement, la Ville rappelle que le projet est aussi soumis pour approbation à la Commission d’urbanisme et de conservation de Québec (CUCQ).
20 étages
Durant la soirée, le principal point d’achoppement évoqué par les personnes qui se sont exprimées au micro touchait à la hauteur du bâtiment le plus à l’est, qui inclut aussi une section consacrée à l’hôtellerie.
Pour le promoteur, le projet respecte «l’esprit du PPU», en suivant l’aspect touchant à la gradation de la hauteur des bâtiments. David Chabot, directeur du bureau du Président chez Trudel, souligne aussi que la présence de l’hôtel est nécessaire pour la rentabilité et pour offrir les autres éléments qui bénéficieront à la population. Il cite ainsi l’épicerie, l’espace dédié à l’art et les éléments touchant au verdissement.
De plus, il indique que la situation économique et démographique a changé depuis 2017, citant la hausse importante de la population, l’augmentation par 50% des coûts de construction et le taux d’inoccupation des logements (qui serait à 0,1% dans Saint-Roch, bien loin de l’objectif de 3% pour avoir un marché équilibré). M. Chabot a aussi exprimé que ce projet était nécessaire pour atteindre les objectifs de la Vision de l’habitation de la ville de Québec, qui souhaite ajouter 80 000 nouveaux logements d’ici 2040.
D’ailleurs, Mélissa Coulombe-Leduc, responsable de l’urbanisme au comité exécutif de la Ville de Québec, a indiqué que plusieurs projets de développement résidentiel présentés au cours des derniers mois demandent, comme Trudel, des modifications réglementaires. Elle a notamment mentionné le projet La Forest, qui verra le jour à Sainte-Foy, qui dépassait de six étages la réglementation et qui a reçu le feu vert.
Quelques personnes ont quand même exprimé leurs doutes sur le besoin de grimper jusqu’à 20 étages. D’autres, qui se sont impliquées dans le développement du PPU en 2016-2017, ont indiqué qu’il s’agissait alors d’un compromis qui avait été adopté. Le projet de Trudel est donc vu comme «une demande de compromis sur un compromis.»
«Partout, les promoteurs achètent les terrains en connaissant les normes et demandent toujours de changer les normes. Le PPU était déjà un compromis» a affirmé Nicolas Saucier, résident de Saint-Roch.
Percées visuelles
De nombreuses personnes du quartier Saint-Jean-Baptiste sont descendues en basse-ville pour exprimer leurs inquiétudes face à la perte des percées visuelles qu’occasionnerait l’apparition d’un immeuble de 20 étages.
Jonathan Paradis voudrait d’ailleurs avoir une meilleure idée de ce à quoi rassemblerait le projet de Trudel vu de haut.
«On ne voit pas bien les perspectives qui vont être disponibles de la haute-ville. C’est peut-être un travail à faire, pour qu’on puisse au moins se faire une tête, basée sur une information qui est fiable», demande le résident de la rue Saint-Olivier.
Il a aussi indiqué qu’à Vancouver, même si de grands immeubles ont été bâtis, les percées visuelles permettent toujours de voir l’océan ou les montagnes. D’ailleurs, la vue sur les montagnes et le coucher de soleil ont fait l’objet de préoccupations chez plusieurs citoyens.
Le représentant de l’entreprise a confirmé que des modélisations étaient en cours pour avoir une meilleure idée de la vue en provenance de la haute-ville. David Chabot a aussi exprimé l’idée de vouloir davantage échanger avec la population de Saint-Jean-Baptiste.
Par ailleurs, il a également rappelé que, peu importe la construction qui se ferait et même si elle respectait le PPU, plusieurs perdraient une vue qu’ils ont présentement, avec un édifice de 10 étages.
Stationnement
Bien que la version révisée du projet ait fait passer le nombre de cases de stationnement de 600 à 550 personnes, certains participants n’étaient pas convaincus de la nécessité d’offrir autant d’espaces pour la voiture. Pour Anthony Cadoret, il y a déjà «suffisamment d’espaces de stationnement dans Saint-Roch». Quelques personnes ont exprimé des préoccupations quant à l’impact sur la circulation.
David Chabot répond qu’il y a «un minimum nécessaire pour l’épicerie, l’hôtel». Il a aussi exprimé que l’entreprise était toujours à la recherche de l’équilibre, puisqu’autant des gens réclamaient davantage de stationnements que d’autres n’en demandaient pas. D’ailleurs, un homme a évoqué le retrait de cases de stationnement dans Saint-Jean-Baptiste dans le réaménagement des rues Philippe-Dorval et Saint-Olivier.
Également, l’endroit doit servir pour les opérations tempête.
Mathieu Forget, responsable des relations avec la communauté chez Trudel, a aussi ajouté que des espaces seront consacrés à de l’autopartage, que ce soit Communauto. Trudel aura aussi sa propre flotte de voitures en autopartage. Un lounge sera également consacré aux vélos dans le stationnement intérieur.
Changements commerciaux
L’arrivée d’une épicerie et de nouveaux commerces a aussi fait jaser.
Éric Courtemanche Baril, propriétaire du Marché Tradition de la rue Saint-Joseph, s’inquiète de l’arrivée d’une nouvelle bannière d’épicerie dans le quartier et de son impact sur les deux autres établissements du même genre dans le quartier (Tradition et Métro). Il croit qu’un des deux autres supermarchés finira par fermer ses portes.
M. Courtemanche Baril rappelle aussi qu’en 2017, alors qu’il était président de la SDC, l’organisation avait plaidé pour ne pas que la rue Saint-Vallier Est devienne une rue commerciale, afin de concentrer l’énergie sur la rue Saint-Joseph. Les nouveaux commerces seront sur la rue Saint-Vallier Est.
«Les commerces autour vont en souffrir. Il faut préserver l’équilibre commercial dans Saint-Roch, demande M. Courtemanche Baril.
Pour David Chabot, l’arrivée d’une épicerie à volume répond à l’une des plus importantes demandes exprimées dans les consultations faites par l’entreprise. Il croit aussi que l’arrivée de commerces, d’un hôtel et de nouveaux résidents aura plutôt pour effet de bénéficier à la rue Saint-Joseph, en amenant une nouvelle clientèle à ses commerces.
Par ailleurs, deux personnes se sont exprimées pour dire qu’elles sortaient du quartier pour aller faire l’épicerie, notamment au Maxi de Fleur de Lys, et qu’elles se réjouissaient donc de trouver une épicerie de ce style dans le projet.
Accès au logement
Dans le projet révisé présenté par le groupe Trudel, 20 logements sociaux s’ajoutaient à l’offre. Deux étages ont d’ailleurs été retirés à l’hôtel, afin d’offrir davantage d’unités résidentielles.
Malgré cette modification, plusieurs se sont demandés s’il n’était pas possible de bonifier cette offre.
David Chabot a évoqué que l’entreprise travaillait déjà sur une entente avec l’Office municipal d’habitation de Québec (OMHQ), afin de pouvoir offrir ces logements. De son côté, Mélissa Coulombe-Leduc a avancé qu’il était très difficile de faire lever des projets de logements sociaux au Québec, et que la Ville utilisait actuellement tous les «leviers possibles et inimaginables» pour favoriser leur développement.
Avis positifs
Malgré les préoccupations, plusieurs ont pris le temps de remercier l’entreprise pour avoir consulté la population en amont, même s’ils s’opposaient à certains éléments du projet.
Quelques personnes ont aussi pris le temps d’exprimer leur appui au projet.
Guy Dionne trouve le projet «audacieux» et croit que c’est une bonne idée d’emmener une densité dans un secteur développé autour d’un axe de transport en commun.
«Ça amène aussi l’affluence de nouvelles personnes, qui renforcera le sentiment de sécurité dans le quartier», ajoute-t-il, se disant peiné d’avoir entendu les doléances des commerçants lors de la rencontre annuelle du conseiller Pierre-Luc Lachance.
Simon Paquin-Marcotte, résident du Gutenberg, dit avoir acheté son unité située à l’est en raison de son emplacement. La nouvelle construction lui bloquera la vue sur la haute-ville. Toutefois, il considère que, «dans sa globalité, le projet amène plus de positif», citant notamment l’arrivée d’une épicerie et le verdissement.
Et la suite?
Depuis hier, il est possible de participer à la consultation écrite sur le projet, afin de faire part de questions, commentaires, préoccupations et suggestions entourant le projet de requalification de l’îlot Dorchester.
En novembre, un compte-rendu devrait être disponible. Au cours de l’automne, la Ville de Québec procédera à l’élaboration d’un projet de règlement, en tenant compte des commentaires recueillis lors de la soirée et dans la consultation écrite.
En 2025, le processus de modification réglementaire pourra se mettre en place, ce qui inclura des consultations publiques.
De son côté, Trudel termine cet automne ses fouilles archéologiques, qui permettent de découvrir des artefacts rappelant le passé manufacturier durant la révolution industrielle, alors qu’on y trouvait des manufactures de chaussure et des tanneries dans le secteur. Quand l’entreprise aura l’autorisation, elle procédera ensuite à la décontamination.
Pour consulter le cadre réglementaire de la Ville et le projet déposé par Trudel, vous pouvez cliquer ici.
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155, boul. Charest Est, Québec (Québec), G1K 3G6
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