On retrouve, sur différents immeubles de Québec, 142 plaques Ici vécut. Elles rappellent à nos mémoires des personnes qui ont marqué l'histoire de la ville. Joseph-Onésime Matte (1896-1973), ou Jos. Matte, a été un politicien marquant du quartier Saint-Roch. En plus d'être conseiller municipal pendant 25 ans, il a également été syndicaliste, avant d'occuper un siège de député pour l'Union nationale
Ici vécut : Joseph-Onésime Matte, au 313, rue du Parvis
On retrouve, sur différents immeubles de Québec, 142 plaques Ici vécut. Elles rappellent à nos mémoires des personnes qui ont marqué l’histoire de la ville. Joseph-Onésime Matte (1896-1973), ou Jos. Matte, a été un politicien marquant du quartier Saint-Roch. En plus d’être conseiller municipal pendant 25 ans, il a également été syndicaliste, avant d’occuper un siège de député pour l’Union nationale
Après la pause estivale, le calendrier politique reprend de plus belle. Le conseil municipal de Québec se réunira d’ailleurs ce mardi, pour la première fois depuis le 2 juillet, lors d’une rentrée politique qui s’annonce riche en rebondissements, à un peu plus d’un an de l’échéance électorale de novembre 2025.
Le conseil municipal actuel a fait élire de nombreuses recrues lors du scrutin de 2021, mais certaines personnes sont là depuis un peu plus longtemps. À l’heure actuelle, le doyen est le conseiller municipal Steeve Verret. Le représentant du district de Lac-Saint-Charles-Saint-Émile siège à l’hôtel de ville depuis 2005. Il devrait donc célébrer son 20e anniversaire comme élu en 2025.
Le record appartient à John Hearn, qui a occupé un siège de conseiller pendant 35 ans au 19e siècle. Pas très loin derrière, Joseph-Onésime Matte, qui a siégé pendant 25 ans comme conseiller de Saint-Roch, entre 1940 et 1965, se classe dans le top 5 des conseillers municipaux avec la plus grande longévité.
Celui-ci s’est aussi impliqué dans le syndicalisme ouvrier, alors qu’il travaillait sur les chemins de fer. Avec le début du lock-out dans le secteur ferroviaire canadien jeudi dernier, l’occasion est bonne d’en découvrir davantage sur la vie de Jos. Matte, qui fut aussi député avec l’Union natioanle.
Premières armes comme syndicaliste
Joseph-Onésime Matte (souvent mieux connu sous le nom de Jos. Matte) voit le jour à Québec le 7 mai 1896, dans le quartier Saint-Roch. Il est le fils de Marie Martel et de Joseph Matte, un journalier.
Jos. Matte étudie d’abord à l’École paroissiale de Beauport. En 1914, il s’engage dans le régiment des Zouaves. Puis, en 1917, la Loi du Service Militaire l’oblige à être conscrit pour la Première Guerre mondiale. Il passe même trois jours en prison pour avoir protesté contre la conscription. Rien n’indique cependant qu’il aurait combattu sur le continent européen. Il est également promu major en 1949. Ses compétences au tir au revolver étaient reconnues, puisqu’il a remporté de nombreux championnats organisés par le Quebec Garnison Revolver Club.
Dès 1920, alors qu’il travaille déjà comme ouvrier, pour le C.N., Jos. Matte débute une longue implication dans le milieu syndical. Il se retrouve d’abord membre de la Fraternité des wagonniers de chemin de fer et devient le président de son syndicat.
Dès 1921, année de son mariage avec Marguerite Bouchard, il devient délégué du Conseil fédéré des Métiers et du Travail. En 1923, il en devient le trésorier et plus tard secrétaire-correspondant. Puis, en 1940, il succède à Omer Fleury à la présidence de cette même organisation. Il travaillait alors pour le Canadien Pacifique et était père de sept enfants.
Jos, Matte a dû arbitrer quelques conflits ouvriers, en plus d’être un organisateur pour la Fédération américaine du Travail. Il assiste à plusieurs conventions de cette association, au Canada comme aux États-Unis. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le Conseil fédéré a notamment dénoncé le fait que plusieurs entreprises demandaient à leurs employés de travailler plus de huit heures par jour. Matte fait aussi un appel en faveur de l’épargne de guerre et de l’emprunt de la guerre. Il souligne sa crainte de perdre la guerre, comme les syndicats ont été interdits dans les pays totalitaires.
Conseiller au siège no. 2 de Saint-Roch
Quelques mois après son arrivée à la tête du Conseil fédéré, Jos. Matte décide de se lancer en politique municipale. Lors des élections du 28 octobre 1940, il remporte une course serrée contre l’échevin sortant au siège no. 2 dans Saint-Roch, le notaire Arthur Duval. Le conseiller élu l’emporte avec 92 voix de majorité. C’est la première d’une longue série de victoires, puisqu’il occupera son siège jusqu’en 1965.
Lucien Borne était maire de Québec depuis 1938. Toujours président du Conseil fédéré des Métiers et du Travail jusqu’en 1948, son association appuie d’ailleurs plusieurs projets du maire Borne : «établissement d’un port libre à Québec, éclusage de la rivière Saint-Charles, la construction de quais à eaux profondes sur les rives de la Canardière».
En 1942, Jos. Matte l’emporte encore, cette fois avec une plus importante majorité. Il gagne des gallons dans l’administration Borne, alors qu’il fait partie du comité administratif. En 1944, il remporte un troisième mandat. Dans ses commentaires suivant sa victoire, on perçoit que son implication ouvrière lui vaut certaines critiques.
«Nous avons eu la lutte la plus terrible, la plus sale et la plus déplorable que l’on puisse concevoir. On a imaginé tout ce qu’il y avait de plus bas pour défaire Jos. Matte. On a voulu le salir de toutes les façons. Une chose me console. On n’a pas été capable de dire un seul mot contre les actes qu’il a posés à l’Hôtel de Ville. On a voulu le salir du côté ouvrier. J’ai répondu et je réponds encore que toute cette question n’est pas du domaine de l’Hôtel de Ville et que je la réglerait [sic] en temps et lieu», affirmait Jos. Matte.
Il l’emporte de nouveau en 1947 et en 1950. En 1953, Wilfrid Hamel succède à Lucien Borne à la mairie, mais Jos. Matte poursuit sa tradition gagnante, en l’emportant par 309 votes. Lors des élections de 1956 et 1959, il est élu par acclamation. Puis, en 1962, il l’emporte avec une importante majorité. Il décrit alors cette victoire comme «le couronnement» de sa carrière. Il ne se représente pas en 1965, année de l’élection du maire Gilles Lamontagne.
Double élu
Jusqu’en 1980, il était permis de cumuler plusieurs fonctions électives au Québec. Alors qu’il était déjà conseiller municipal à Québec, Joseph-Onésime Matte a également tenté sa chance pour obtenir un siège de député.
En octobre 1944, il tente de se faire élire dans la circonscription de Québec-Est, s’affichant alors comme «ouvrier indépendant». Son résultat est très louable, puisqu’il finit en 2e position, à environ 1 800 voix du libéral Henri-Paul Drouin, mais tout de même devant l’Union nationale, qui forme alors le gouvernement.
Puis, en 1948, c’est justement sous la bannière unioniste qu’il remporte son pari. Avec plus de 7000 votes d’avance, il prend sa revanche sur Henri-Paul Drouin. Quatre ans plus tard, Jos. Matte perd cette fois une course serrée contre le libéral Joseph-Antonin Marquis.
Comme Jos. Matte s’est fait connaitre comme défenseur des ouvriers, ce saut avec le parti de Maurice Duplessis est mal vu. Jean-Marie Laplante, chef ouvrier de Québec, lui reproche son «attitude contradictoire et incompréhensible».
Implications politiques et prises de position
Comme il occupait des rôles parfois bien importants dans l’administration municipale, c’est surtout comme échevin à Québec que Jos. Matte a pu laisser sa marque. Ses partisans lui attribuent quand même plusieurs réalisations. Comme conseiller, on lui attribue l’élargissement de la rue Dorchester, du centre industriel no 5 de Saint-Malo, de la Pointe-aux-Lièvres et du département d’hygiène, disparition d’un dépotoir sur la rue Arago, prolongement de la rue des Commissaires et réfection de la côte du boulevard Langelier.
Et comme député, on souligne son rôle dans l’octroi de 200 000$ pour l’Hôpital de l’Enfant-Jésus, la subvention de 1M$ pour l’agrandissement de l’Hôpital Saint-François d’Assise, en plus de la construction de l’école Saint-Albert-le-Grand et la réglementation sur la viande de cheval.
D’autres enjeux ont aussi défrayé les manchettes.
Rivière Lairet
Le projet de canalisation de la rivière Lairet a notamment été au centre de son implication, alors qu’il était président du Comité de l’Industrie et du Commerce. En 1949, l’administration Borne affirmait qu’elle était prête à annexer Québec-Ouest (aujourd’hui Vanier), si le gouvernement acceptait de défrayer les coûts pour canaliser la rivière, qui était alors encore considérée comme un dépotoir à ciel ouvert et un danger pour la santé publique. Le projet est confronté à divers enjeux et les gouvernements refusent d’abord le financement.
Lors des élections provinciales de 1952, un adversaire de Jos. Matte lui reproche d’ailleurs de «ne pas avoir tenu sa parole à propos de la Lairet». Le projet ira finalement de l’avant à partir de 1960, alors que Wilfrid Hamel est maire.
Stationnement
Jos. Matte s’est aussi exprimé à quelques reprises sur un enjeu toujours d’actualité : l’accès au stationnement, principalement dans Saint-Roch. Il s’est notamment fait le porte-parole de marchands, qui réclamaient la possibilité de se stationner au moins sur un côté de la rue du Pont, ce qui était alors impossible. On invitait même à aller stationner près du parc Victoria. Il avait également réclamé du stationnement sur la rue Saint-Joseph.
À la fin de sa carrière municipale, il s’était aussi fait le porte-parole de plusieurs citoyens, en demandant d’améliorer un stationnement aménagé le long de la rue Dorchester, à même la rivière Saint-Charles. On trouvait alors que le stationnement était impraticable, surtout lorsqu’il pleuvait.
Échanges corsés
Selon divers articles, Jos. Matte était capable de se fâcher, visant parfois les journaux. En 1961, il eut aussi une passe d’armes avec le procureur de l’Association locale des propriétaires de taxis.
«Vous ne ferez pas les mêmes accusations sur mon compte comme vous l’avez fait sur Jos. Matte, lors de l’enquête du taxi», s’est insurgé Jos. Matte à un certain moment. Son interlocuteur voulait savoir à quel endroit il y avait du «patronage véreux», mais ne visait pas directement l’échevin.
En 1961, Jos. Matte a également été le seul conseiller à voter contre un octroi de 5000$ à la Société de Conservation des monuments historiques. Cette décision avait été critiquée par deux quotidiens, ce qui avait piqué le conseiller municipal au vif.
«On me traite d’ignorant parce que je m’oppose à cet octroi, mais qu’ils viennent donc prendre ma place pour administrer la Cité. On verra alors quels sont les plus ignorants en administration», s’exprimait alors Jos. Matte.
Dernières années
Lors des élections de 1965, Joseph-Onésime Matte n’a pas souhaité se représenter. Il quittait alors la vie politique en considérant qu’il avait accompli son «devoir civique», après 25 ans. Jos. Matte exprimait alors ses réserves face au projet de rénovation urbaine de Québec. Il estimait que la construction de maisons à logements multiples était une solution «anti-sociale» au problème de logement.
Après le décès de son épouse, Jos. Matte s’est remarié le 22 août 1966 avec Lucille Desmeules. Puis, le 26 octobre 1973, il s’éteint à l’âge de 77 ans au Lac Saint-Charles, où il demeurait depuis quelques années. Il a été inhumé dans le cimetière Saint-Charles le 29 octobre 1973.
Aujourd’hui, une épigraphe apposée sur la façade du 313, rue du Parvis, dont il était propriétaire, rappelle son importance pour le quartier Saint-Roch.
Une section du site de la Ville de Québec rassemble la liste des plaques Ici vécut.
Sources
Assemblée nationale du Québec, «Joseph-Onésime MATTE (1896-1973)», mai 2009.
BOUCHARD, Lucien, «Un groupe d’amis de l’échevin Jos. Matte fête ses 25 années de vie municipale», Le Soleil, 21 octobre 1965, p. 22.
Canadian Elections Database, «Joseph-Onésime Matte».
Canadian Great War Project, «Joseph Onesime Matte», 28 octobre 2022.
DION, Georges-Émile, «Le tir au revolver – Un sport qui prend de la vogue», Le Soleil, 11 février 1951, p. 20.
GAGNON, Henri, «Succès ouvrier significatif», Le Soleil, 29 octobre 1940, p. 4.
Généalogie du Québec et d’Amérique française, «Généalogie Joseph-Onésime Matte».
LEMOINE, Réjean, «Chronique d’une rivière disparue : Le projet de canalisation de la Lairet», Monlimoilou, 10 mai 2020.
LEMOINE, Réjean, «Chronique d’une rivière disparue : La canalisation de la Lairet enfin réalisée!», Monlimoilou, 21 juin 2020.
Le Soleil, «Omer Fleury quitte la présidence du Conseil fédéré après 20 ans à ce poste», 24 juillet 1940, p. 3 et 11.
Le Soleil, «Belle fête en l’honneur du président du Conseil Fédéré», 17 septembre 1940, p. 3 et 5.
Le Soleil, «Cinq échevins élus hier soir complètent le conseil municipal de notre ville», Le Soleil, 29 octobre 1940, p. 3 et 5.
Le Soleil, «M. Jos Matte reste président du Conseil Fédéré des Métiers», 11 février 1942, p. 3 et 7.
Le Soleil, «Neuf conseillers municipaux élus hier à Québec», 27 octobre 1942, p. 16.
Le Soleil, «Jos. Matte est de nouveau élu président du Conseil Fédéré», 9 février 1944, p. 3 et 8.
Le Soleil, «Six anciens échevins sont réélus; deux nouveaux entrent au conseil», 31 octobre 1944, p. 3.
Le Soleil, «Québec-Ouest sera annexée si le gouvernement veut défrayer la canalisation de la rivière Lairet», 22 janvier 1949, p. 3.
Le Soleil, «Stationnement réclamé par des marchands de la rue du Pont», 6 juillet 1951, p. 3.
Le Soleil «Les élections provinciales», 30 juin 1952, p. 1 et 7.
Le Soleil, «Les élections provinciales», 11 juillet 1952, p. 1 et 5.
Le Soleil, «Écoles promises à Saint-Fidèle ainsi qu’à Saint-Pascal-Nord», 11 juillet 1952, p. 3 et 8.
Le Soleil, «Assemblée de M. Jos. Matte dans St-Roch», 13 novembre 1953, p. 11.
Le Soleil, «MM. Siméon Emond et Joseph Matte obtiennent confiance dans St-Roch», 19 novembre 1953, p. 14.
Le Soleil, «Nouveau débat sur les parcomètres à une séance du conseil municipal», 3 mars 1954, p. 3.
Le Soleil, «Les Échos de l’Hôtel de Ville», 17 octobre 1962, p. 1.
Le Soleil, «“Le couronnement de ma carrière” (Jos. Matte)», 20 novembre 1962, p. 3 et 7.
Le Soleil, «Décès et avis divers – MATTE, Jos.», 26 octobre 1973, p. 45.
MOALLA, Taïeb, «Ville de Québec: doyen du conseil municipal, Yvon Bussières part», Le Journal de Québec, 14 mars 2021.
PLANTE, Lucien, «Étude d’une suggestion de l’Association des “taxis”», L’Action catholique, 7 janvier 1961, p. 17.
PLANTE, Lucien, «Octroi civique de $5,000. à la Soc. de Conservation des monuments historiques», L’Action catholique, 14 juillet 1961, p. 3 et 15.
POULIOT, Georges, «L’échevin Jos. Matte se prononce – “Il faudra construire un filtre” – Aqueduc métropolitain: Québec ne devra pas payer seul – Contre une taxe sur les locataires», 11 décembre 1959, p. 1-2.
Ville de Québec, «Fiche d’un bâtiment patrimonial – 313 à 317, rue du Parvis», Répertoire du patrimoine bâti.
Ville de Québec, «Steeve Verret – Notes biographiques».
Lire aussi :
Ici vécut : Jacques Normand, au 456, rue du Roi
On retrouve, sur différents immeubles de Québec, 142 plaques Ici vécut. Elles r[...]
Ici vécut: Pierre Bertrand, au 292, avenue des Oblats
On retrouve sur différents immeubles de Québec 135 plaques Ici vécut. Elles rappellent Ã[...]
Soutenez votre média
Contribuez à notre développement à titre d'abonné.e et obtenez des privilèges.