Employabilité : cri d’alarme pour les personnes en situation de handicap

Le Carrefour familial des personnes handicapées tire la sonnette d'alarme concernant l'employabilité des gens en situation de handicap. L'organisme plaide pour des programmes adaptés pour que les personnes concernées puissent aussi contribuer à la société.

Employabilité : cri d’alarme pour les personnes en situation de handicap | 5 juin 2024 | Article par Anne Charlotte Gillain

Malgré ses compétences reconnues, Andréanne Gagnon ne peut toujours pas accéder au marché du travail.

Crédit photo: Courtoisie CFPH (photo recadrée)

Le Carrefour familial des personnes handicapées tire la sonnette d’alarme concernant l’employabilité des gens en situation de handicap. L’organisme plaide pour des programmes adaptés pour que les personnes concernées puissent aussi contribuer à la société.

Dans le cadre de la Semaine québécoise des personnes handicapées du 1er au 7 juin, le Carrefour familial des personnes handicapées souhaite alerter sur la question de leur employabilité.

Le problème « des subventions salariales et des programmes non adaptés »

« En 2014, j’avais déjà commencé à faire des représentations sur les contrats d’intégration de travail (CIT) », signale Julie Montreuil, codirectrice du Carrefour familial des personnes handicapées.

Le contrat d’intégration de travail constitue une aide financière qui est donnée à une personne en situation de handicap. Il n’appartient pas à l’employeur.

« On n’a pas beaucoup de connaissance sur comment sont gérées ces enveloppes-là et il y en toujours de moins en moins. La région de Québec est celle avec le plus d’attente pour le CIT (170 personnes sont en attente pour l’ensemble du Québec, dont 61, dans la région de la Capitale-Nationale) », constate-t-elle.

D’après elle, le CIT inclut un volet d’adaptation des outils de travail qui fonctionne plutôt bien, mais les subventions salariales posent problème.

« Le CIT compense la perte de productivité des personnes, c’est-à-dire la différence sur le plan salarial. Cela permet à la personne de vivre sa différence, mais en n’étant pas pénalisé », explique-t-elle.

De plus, il existe aussi le PAAS Action, un programme d’aide d’intégration sociale. Dans ce cas-ci, le salaire est un autre enjeu préoccupant.

« Imaginons, les gens viennent faire 20 heures au Carrefour, mais selon mes règles d’employabilité, les personnes ne reçoivent que 200 dollars par mois de Québec-Emploi avec le programme PAAS Action », souligne Mme Montreuil.

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« C’est même pas deux dollars de l’heure. Ça n’a pas de sens et c’est de l’esclavage. Je n’ai pas le choix non plus comme employeur, puisque ce sont les règles du programme. »

Selon elle, « les personnes sont souvent amenées à faire entre deux et quatre ans » avec ce même programme.

« Une fois les objectifs atteints, les personnes concernées sont prêtes à être engagées, mais il leur manque un petit coup de pouce. Et là, il n’y a plus rien à la fin », déplore-t-elle.

Le témoignage d’Andréanne

« Je suis une femme de 33 ans et qui vit avec une paralysie cérébrale depuis la naissance », confie Andréanne Gagnon, membre du Carrefour familial des personnes handicapées.

« J’ai fait toutes mes études dans le système scolaire régulier et j’ai un diplôme en techniques de travail social depuis 2017. Je suis en appartement depuis 2022. »

La jeune femme a d’ailleurs suivi le PAAS Action au Patro Roc-Amadour au sein du service d’entraide.

Malgré ses compétences reconnues, Andréanne Gagnon ne peut toujours pas accéder au marché du travail.

« Étant donné mes limitations physiques et neurologiques importantes, on m’a dit de commencer par un programme d’intégration à l’emploi. Cela me donnait de l’espoir d’intégrer par la suite le marché du travail avec des programmes d’employabilité adaptés, comme le CIT », témoigne-t-elle.

« Après cinq ans au PAAS Action, j’ai atteint les objectifs. J’ai vraiment aidé les milieux dans lesquels j’ai été. Pour le CIT, on m’a demandé des évaluations que j’avais déjà été faire à l’avance. […] Quand ils ont reçu mes résultats, je n’étais pas admissible à leur liste d’attente du CIT et je devais me contenter de faire du bénévolat », soulève-t-elle. 

À ses yeux, il est inacceptable de ne pas avoir plus d’ouverture que ça, vu tous les emplois disponibles et le manque de main-d’œuvre.

« On a été formé et une fois rendu à l’emploi, c’est comme s’il n’existait plus rien. Souvent, les gens qui nous refusent ne nous ont pas vu en personne. Ils ne connaissent pas notre personnalité et notre détermination », regrette Mme Gagnon.

« C’est un peu inhumain de mettre tout le monde dans le même bateau. »

Les revendications

Les demandes du Carrefour familial des personnes handicapées sont concrètes, afin d’assurer leur employabilité.

« On veut une politique d’employabilité avec différents programmes construits et pensés pour les personnes en situation de handicap », lance la codirectrice Julie Montreuil du Carrefour familial des personnes handicapées.

« Il faut une stratégie forte et complète. »

L’organisme réclame également un meilleur financement du contrat d’intégration de travail (CIT).

« Une fois que ces gens-là sont formés, on laisse tomber la trajectoire », observe-t-elle.

Selon Mme Montreuil, il faudrait avoir une aide qui ferait la différence entre être productif et la possibilité de pouvoir contribuer à la société.

« Il est urgent de regarder les stratégies d’employabilité, surtout quand on a des pénuries de personnel et quand on a formé ces gens-là. Il faut avoir un pont entre ce qu’on nous offre au niveau éducatif et l’emploi, afin de mettre nos compétences de l’avant. C’est juste normal qu’on veuille travailler », concluent Julie Montreuil et Andréanne Gagnon.

Cet article a été produit par Anne Charlotte Gillain, journaliste de l’Initiative de journalisme local.  

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