Kristine Miller (Marie-Ginette Guay) fête ses 70 ans. Pour l’occasion, elle a convié ses fils Peter (Simon Lepage) et Simon (Marc-Antoine Marceau) avec leurs conjointes Trudi (Rosalie Cournoyer) et Claire (Annabelle Pelletier-Legros) ainsi que son comparse de tous les temps, Hugues (Réjean Vallée), à célébrer dans sa demeure.
Apologia : du plaidoyer au pardon
Kristine Miller (Marie-Ginette Guay) fête ses 70 ans. Pour l’occasion, elle a convié ses fils Peter (Simon Lepage) et Simon (Marc-Antoine Marceau) avec leurs conjointes Trudi (Rosalie Cournoyer) et Claire (Annabelle Pelletier-Legros) ainsi que son comparse de tous les temps, Hugues (Réjean Vallée), à célébrer dans sa demeure.
Kristine, historienne de l’art et activiste engagée dans la lutte contre les inégalités sociales, est déçue du parcours et des choix de ses enfants. L’un est banquier et voyage régulièrement pour les affaires tandis que l’autre est dépressif et n’arrive pas à conserver le moindre emploi. Et que dire de ses belles-filles qui représentent pour elle le summum de la stupidité et de la frivolité.
Un jeu sensible et bien senti
D’entrée de jeu, l’animosité ambiante met la table pour une soirée peu banale. Car les personnages savent manier le verbe. Le texte d’Alexi Kaye Campbell, dramaturge gréco-britannique, est truffé de répliques truculentes, de traits d’esprit et de sarcasmes qui surprennent et provoquent le rire. Les protagonistes sont extrêmement bien définis à travers leurs souvenirs, leurs blessures et leurs rêves. La traduction d’Angélique Patterson rend justice à leur humanité et à leur recherche de sens.
Kristine ne se prive pas d’exprimer ouvertement son acrimonie. C’est une femme meurtrie qui s’est forgé une carapace difficile à perforer. Marie-Ginette Guay l’incarne avec finesse et perspicacité. Par ailleurs, toutes et tous endossent leur rôle avec acuité. C’est un réel plaisir de les voir évoluer au fil du récit, de découvrir leur caractère, leur résistance, leurs valeurs et leurs imperfections. L’interprétation renforce le propos de l’œuvre et la mise en scène de Michel Nadeau est conçue pour la souligner, voire l’exalter.
Une fracture encore vive
Le décor (Véronique Bertrand), les costumes (Julie Morel), les éclairages (Elliot Gaudreau), l’environnement sonore (Yves Dubois) et les accessoires (Émilie Potvin), tout l’appareillage scénographique est au service du jeu. L’ensemble est de facture classique et s’accorde en cela à l’architecture textuelle de la pièce qui est axée sur la règle des trois unités : de lieu, de temps et d’action. La seule digression visuelle repose sur les projections vidéo (Émile Beauchemin) qui donnent à voir en arrière-plan des images de peintures religieuses en référence au travail de Kristine sur l’œuvre picturale de Giotto.
C’est à l’époque où, pour ses recherches, la jeune mère s’est installée à Florence avec ses enfants que la fracture s’est produite. Et c’est la publication de ses mémoires qui l’a ravivée ; mémoires dans lesquelles elle a omis de parler de sa famille, prétextant que l’ouvrage était strictement consacré à sa vie professionnelle, arguant que ce n’était pas le lieu pour déballer « son linge sale ». Sa vocation, son cursus et son militantisme ont érigé autour de Kristine une forteresse que ses fils et ses belles-filles s’emploient à ébranler le jour de son soixante-dixième anniversaire, tantôt avec rancœur, tantôt avec amour.
Le mot latin apologia tire ses racines du grec ancien et signifie justification, défense. En français, le terme apologie fait référence à un discours ou un écrit visant à légitimer, à disculper et, par extension, à louer une personne ou une doctrine. En anglais, la même appellation, apology, a une connotation qui se rapproche davantage des excuses et sa déclinaison, apologize, peut se traduire par demander pardon. Toutes ces acceptions cohabitent dans l’œuvre de Campbell. Kristine utilise l’apologie pour cautionner ses actes et ses opinions tandis que Hugues l’emploie pour magnifier son amie et en esquisser un portrait exemplaire. Et le pardon, dans cette histoire, ne pourra perpétuellement être balayé du revers de la main !
Apologia est présentée au Théâtre de la Bordée jusqu’au 23 mars 2024. Les billets sont en vente à cette adresse : https://bordee.qc.ca/piece/apologia/
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