Logement: une vision de la Ville loin d’être «ambitieuse», dénoncent des organismes

La Ville de Québec a récemment présenté un plan d’action qu'elle a qualifié « d'ambitieux » pour favoriser la construction de nouvelles unités d’habitation. Pour des groupes populaires, celui-ci n'a rien d'ambitieux et met plutôt de l'avant la construction de logements neufs inabordables pour bien des citoyens et citoyennes.

Logement: une vision de la Ville loin d’être «ambitieuse», dénoncent des organismes | 10 octobre 2023 | Article par Julie Rheaume

Une vue de Saint-Roch et de la haute-ville (photo à titre illustratif).

Crédit photo: archives

La Ville de Québec a récemment présenté un plan d’action qu’elle a qualifié « d’ambitieux » pour favoriser la construction de nouvelles unités d’habitation. Pour des groupes populaires, celui-ci n’a rien d’ambitieux et met plutôt de l’avant la construction de logements neufs inabordables pour bien des citoyens et citoyennes.

Dans son Plan de mise en œuvre accélérée de la Vision de l’habitation (2023-2026) présenté le 27 septembre, la Ville de Québec vise à créer des « opportunités pour la construction de 80 000 nouveaux logements d’ici 2040 », peut-on lire dans un document publié par la Municipalité.

Pour 2023-2026, elle souhaite aussi « faciliter la réalisation de nouveaux projets de logements sociaux et abordables » et cible la réalisation de « 500 nouveaux logements sociaux et abordables par année », entre autres mesures.

Rappelons qu’il y a trois ans, la Ville avait fait part de son objectif de 2600 nouveaux logements sociaux et abordables pour 2020-2025.

Des critiques des groupes populaires en matière de logement

Des groupes populaires du centre-ville sont loin d’être convaincus par ce plan d’action.

«La Ville dit que c’est un plan ambitieux, nous, on est d’avis contraire. C’est tout sauf ambitieux. C’est beau augmenter l’offre de logements, mais ça ne réglera pas le problème (…). Oui, il y a une pénurie de logements. De nouveaux logements locatifs, ça va faire en sorte que l’offre va être plus grande, mais ça va être des logements neufs qui vont, pour la plupart, être inabordables pour le commun des mortels. Ce sera aussi des logements qui vont être soustraits à la fixation de loyer. C’est-à-dire, ce seront des immeubles de moins de cinq ans, donc, dans ce cas-là, le propriétaire peut augmenter le loyer comme il veut. Le locataire n’a aucun recours, sauf déménager s’il ne pense pas être capable d’absorber la hausse», décrie François Dignard, intervenant logement au Bureau d’animation et information logement (BAIL) lors d’un entretien à Monquartier.

Basé dans Saint-Roch, le BAIL lutte pour la reconnaissance et l’amélioration des droits des locataires depuis plus de 50 ans.

« On a regardé ça (le plan d’action) et c’est vraiment juste pour faciliter la construction de logements, point. Quant on regarde l’aspect ”abordabilité du logement”, ce que la Ville propose, c’est ”On va faire comme on fait avant. On garde le plan de match prévu au départ” », renchérit Catherine Rainville, animatrice-coordonnatrice au Comité des citoyens et citoyennes du quartier Saint-Sauveur (CCCQSS), en entrevue.

« Si on veut régler la crise, il faut faire plus que le plan de match prévu au départ. Il faut en faire plus pour augmenter la part du logement abordable au sein du parc locatif », ajoute Mme Rainville. À son avis, il faudrait donc augmenter la part de logements abordables en construisant de nouvelles unités ou en transformant des bâtiments existants grâce à des programmes d’achat-rénovation.

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« Ce qu’on fait miroiter, c’est que (le fait) de construire de nouveaux logements, ça va faire être en sorte que les gens qui ont plus de revenus vont déménager dans ces logements-là et qu’il (y aura) des logements plus abordables qui seraient libérés pour des gens qui en auraient besoin. C’est une stratégie qui est vouée à l’échec. C’est se faire des illusions. On le sait : les changements de locataires, c’est une occasion en or pour les propriétaires d’augmenter les loyers », ajoute M. Dignard, en ajoutant qu’un recours est alors possible au Tribunal administratif du logement (TAL), mais que celui-ci est « à peu près inopérant si on ne connaît pas » le prix de loyer payé par le locataire qui occupait les lieux tout juste avant.

« Sans registre des loyers, une revendication que nous avons depuis 40 ans, c’est non applicable pour les locataires », dénonce-t-il.

C’est à la section« G » du bail, que l’on retrouve à la page 3, qu’un propriétaire doit avoir inscrit le montant le plus bas payé pour le loyer au cours des 12 derniers mois, précise Éducaloi. Certains proprios omettent toutefois d’inscrire cette information.

Selon le BAIL, le plan d’action présenté par la Ville de Québec ne sort en rien de la voie habituelle. Il poursuit la même logique, celle du privé pour qui l’habitation n’est rien d’autre qu’un secteur d’investissement à rentabiliser et du marché qui viendra s’autoréguler. La Ville doit remettre en question cette logique qui est à la source même de la plupart des problèmes rencontrés par les locataires.

« Au lieu de dérouler le tapis rouge aux promoteurs immobiliers et ne prévoir que des miettes pour les locataires, la Ville doit changer sa perspective en considérant le logement comme un droit et un besoin essentiel », a quant à lui déploré Jonathan Carmichael, organisateur communautaire au BAIL, dans un communiqué émis le 27 septembre.

Le 10 novembre 2020, durant la pandémie, le BAIL et le Comité logement d’aide de Québec Ouest avaient manifesté devant les bureaux du Tribunal administratif du logement, à Québec.
Crédit photo: Julie Rheaume

Protection du parc locatif

La principale critique du BAIL quant au plan d’action de la Ville, c’est qu’il manque de mesures au niveau de la protection du parc locatif, dit M. Dignard.

« La Ville aurait pu interdire complètement le Airbnb sur son territoire. La Ville aurait pu tenter d’agir au niveau des rénovictions, par exemple, en jouant sur la délivrance des permis. On l’a entendu au cours de la dernière année : il y a plein de RPA (résidence privée pour aînés) qui ont fermé, parce qu’elles ont été converties en logement ”ordinaires”, réguliers. On pourrait utiliser le zonage pour empêcher ce genre de changement de vocation! Un registre municipal des loyers pourrait aussi être mis en branle », énumère François Dignard.

Même si un registre municipal n’est pas l’idéal, celui-ci pourrait tout de même améliorer le sort des locataires, dit-il. Le BAIL souhaiterait ultimement la mise en place d’un registre provincial.

Registre citoyen des loyers

En mai dernier, Vivre en ville a par ailleurs lancé un registre citoyen des loyers. « Ce nouvel outil se démarque des précédentes initiatives citoyennes par sa capacité à être adopté tel quel par toute instance gouvernementale ou territoriale qui le désire », mentionne l’organisme.

Accessible au public, « cette plateforme fait l’objet d’un soutien sans précédent de plusieurs acteurs des milieux municipal, philanthropique, communautaire et de l’habitation. Le Registre des loyers vise à freiner la flambée des prix des loyers en favorisant la transparence dans le marché locatif. »

En juin dernier, 14 maires et mairesses du Québec, dont Bruno Marchand, avaient uni leurs voix pour réclamer un registre provincial des loyers dans une lettre ouverte. Ils y indiquaient d’ailleurs que le registre mis en place par Vivre en ville pourrait être offert « à coup nul »  au gouvernement Legault.

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