Un jour, Krystel – le personnage de Dix-roues, pièce écrite et jouée par Marie-Josée Godin – a fini par apprendre qu’elle n’était pas trop. Puis il lui a fallu concevoir qu’elle était assez.
S’accepter est un travail qui demande de déconstruire brique par brique l’imposant édifice de ces idées qu’on transmet comme si elles étaient des vérités : la personne grosse ne peut porter ce qu’elle veut, bouger comme elle veut, exister comme elle veut. On la dresse à chercher à disparaître tout en lui faisant ressentir l’absolue impossibilité de se soustraire aux regards.
Le regard qui pèse
C’est que la charge physique est avant tout une charge mentale et émotionnelle : le poids qu’on porte est d’abord celui du jugement – de soi, des autres –, de la honte inculquée dès l’enfance, violemment. Ce sont les marques que laissent en soi les mots, des méchancetés aux remarques prétendument anodines.
Le monologue Dix-roues est une collection d’anecdotes où la grossophobie est abordée sous l’angle de l’intime. Armée d’autodérision, Krystel livre au public les petites et grosses blessures qui continuent de la marquer, et les gestes et les rencontres qui ont amorcé sa guérison.
Une collection d’œuvres, notamment les essais Corps rebelle – Réflexions sur la grossophobie de Gabrielle Lisa Collard et La vie en gros : regard sur la société et le poids de Mickaël Bergeron, est proposée à la sortie de la salle pour qui souhaite approfondir le sujet.
Se montrer, enfin
La mise en scène de Mélissa Bouchard, sobre mais vivante, met en valeur toutes les couleurs de Marie-Josée Godin, accompagnée sur scène par le pianiste Lorenzo Somma.
La pièce se termine sur une interprétation de All About That Bass de Meghan Trainor, où l’autrice et interprète fait l’étalage de ses talents, libérée – every inch of you is perfect from the bottom to the top.
Dix-roues est présenté jusqu’au 15 septembre à La Bordée, en formule 5 à 7.