Vendredi et samedi, le refuge de Lauberivière accueille le grand public pour une première fois dans son nouveau bâtiment, inauguré en mars 2021, en pleine pandémie. Monsaintroch s’est joint à un groupe pour la visite guidée de l’établissement.
Depuis 1983, Lauberivière accueillait des personnes itinérantes dans son bâtiment de la rue Saint-Paul.
Pour de multiples raisons, comme la vétusté du bâtiment ou le manque de douches et de chambres individuelle, un nouveau bâtiment devenait une nécessité pour répondre aux nombreux besoins de la communauté.
Plusieurs initiatives n’étaient plus possibles, comme un jardin sur le toit. Deux tonnes de légumes étaient produites chaque année, mais le vieux bâtiment n’était pas en mesure de collaborer.
« Ça s’est mis à couler partout », explique Frédéric Lapointe, coordonnateur clinique à Lauberivière depuis 23 ans.
M. Lapointe, qui se voit un peu comme un joueur de l’ombre, derrière le directeur général Éric Boulay, a joué le rôle de guide pendant environ 60 minutes.

Crédit photo: Simon Bélanger
Rétablissement
Toutes les sections du bâtiment à visiter, des cuisines aux chambres, en passant par le garage, ne mentent pas : le bâtiment a l’air complètement neuf.
La première étape de la visite, au 6e étage de l’établissement, se déroulait dans la section consacrée au rétablissement. On y retrouve quelques chambres.
« Ce sont pour les gens qui ont été hospitalisés et qui sont maintenant stables », précise Frédéric Lapointe.
Les intervenant.e.s de Lauberivière aident ces personnes à se donner des objectifs et à trouver les outils nécessaires. Plusieurs sont déjà en emploi.

Crédit photo: Simon Bélanger
Dans la section rétablissement, on trouve 17 unités 3 ½ et un studio, qui jouent le rôle de logements transitoires. Ceux-ci sont souvent utilisés par des personnes qui ont auparavant fréquenté le rétablissement.
« De très beaux logements », précise un locataire lors de notre passage.
Contrairement aux autres types d’hébergement, les gens ont accès à leur chambre en tout temps.
On y trouve aussi d’autres commodités, comme une cuisinette, une grande salle de réunion et un salon. Les occupant.e.s peuvent écouter la télévision, jouer aux jeux vidéo ou utiliser l’ordinateur.

Crédit photo: Simon Bélanger
Hébergement pour hommes et femmes
Sur deux étages distincts, on retrouve des chambres individuelles, où hommes et femmes peuvent aller dormir chaque nuit.
Une grande salle de bains, qui inclut des douches individuelles, se retrouve sur les deux étages.
Tout est nettoyé et désinfecté chaque matin, afin que l’espace soit prêt pour la nuit suivante.
Les femmes sont de plus en plus nombreuses à utiliser les services de Lauberivière, selon Frédéric Lapointe. Il estime que les chambres sont occupées presque toutes les nuits de leur côté.
Mais pour les hommes, ça déborde.
« Je suis obligé de remettre une quinzaine de personnes à la rue chaque soir, faute de places. S’il y a des places libres, on n’est pas capable de les opérer », regrette M. Lapointe. Il cite le manque de financement pour engager les ressources nécessaires.
Il y a 48 places disponibles pour les hommes et 18 pour les femmes. Un montant de 2 $ est demandé pour la nuit. C'est une somme « symbolique », selon M. Lapointe, « mais les gens apprécient ça ».
Il ajoute qu’un nombre grandissant de gens ont fréquenté Lauberivière depuis la pandémie. C'est que d’autres établissements d’accueil, comme à Montréal, ont complètement fermé leurs portes aux nouvelles personnes, pour réduire les risques.
Autres services
La visite nous fait découvrir une multitude de missions réalisées à l’intérieur de Lauberivière.
Par exemple, avec L’Aube de l’emploi, des cours sont offerts, en collaboration avec le Centre Louis-Jolliet. Une salle de classe est notamment utilisée pour donner une formation en entretien ménager.
De son côté, la Fiducie de Lauberivière, lancée en 2002, permet d’accompagner des gens dans l’administration de leur budget.
« Il y a des gens qu’on voyait souvent, qu’on a mis à la fiducie, et qu’on n’a jamais revus à l’hébergement », illustre Frédéric Lapointe.
Un espace est prévu pour le dégrisement des gens qui ont consommé. Ceux-ci viennent parfois par eux-mêmes, mais sont aussi souvent ramenés par la police ou l’ambulance.
De son côté, la Halte fait figure d’hébergement d’urgence à haut seuil de tolérance, qui peut accueillir les personnes intoxiquées ou non. Un lit leur est accessible pour quelques heures et elles peuvent prendre une douche.
Évidemment, une cafétéria sert des repas tous les jours. Le chef cuisinier est un ancien du restaurant Toqué, qui a trouvé sa place depuis 15 ans. Plusieurs bénévoles qui donnent un coup de main sont aussi des bénéficiaires des services de Lauberivière.
« On entend parler de ceux qui sont dérangeants, qui sont tannants qui crient. Mais il y en a plein qui sont adorables, qui sont prêts à aider, qui ont eu une bad luck dans la vie », souligne M. Lapointe.

Crédit photo: Simon Bélanger
Des sorties au zoo, aux pommes ou au Village Vacances Valcartier font parfois partie des activités organisées pour les gens de Lauberivière.
Jeudi soir dernier, une soirée de karaoké s’est aussi tenue entre les murs de l’établissement
Voisinage
Frédéric Lapointe est coordonnateur clinique à Lauberivière. Il est responsable des embauches de personnel et des attributions de postes.
Il fait aussi de la sensibilisation dans les écoles, en plus de recevoir des stagiaires et de coordonner les activités du centre de jour.
M. Lapointe est conscient des inquiétudes du voisinage, mais souhaite rappeler que les personnes qui fréquentent Lauberivière ne sont pas dangereuses
« On le dit et le Service de police nous l’a dit : il n’y a eu aucune agression sur des gens. Faites-leur un sourire, ces gens-là ont juste besoin de ça et vous allez voir que ce ne sont pas des gens méchants », invite-t-il.
Frédéric Lapointe ajoute que la plupart des gens problématiques ne fréquentent pas Lauberivière et que le problème réside beaucoup dans la drogue de mauvaise qualité qui circule, « du speed à 2 $ ».
Finalement, qu’est-ce qui le pousse à continuer?
« Après 23 ans, j’ai encore cette flamme-là qui m’allume quand je m’en viens le matin, de savoir qu’on peut aider une, deux, trois, quatre personnes. Je le fais très honnêtement avec mon cœur. C’est ce qui me maintient ici, c’est de voir ce qu’on peut faire avec les gens, comment on peut les aider », explique le coordonnateur clinique.
Les portes ouvertes de Lauberivière se poursuivent ce samedi 13 mai 2023, de 9 h à 12 h, au 485, rue du Pont.