Carré Lépine : une origine ancrée dans l’histoire funéraire de Québec

Depuis le déménagement de Lauberivière en 2021, le Carré Lépine fait régulièrement les manchettes, en raison des enjeux de cohabitation et de sécurité. Mais saviez-vous que ce nom était lié à une importante entreprise familiale spécialisée en services funéraires, dont le siège social se trouvait sur la rue Saint-Vallier de 1865 à 2010?

Carré Lépine : une origine ancrée dans l’histoire funéraire de Québec | 2 avril 2023 | Article par Simon Bélanger

Le stationnement de l'entreprise funéraire de Germain Lépine accueillait plusieurs corbillards, lors de cette prise de photo autour de 1912.

Crédit photo: Archives de la Ville de Québec

Depuis le déménagement de Lauberivière en 2021, le Carré Lépine fait régulièrement les manchettes, en raison des enjeux de cohabitation et de sécurité. Mais saviez-vous que ce nom était lié à une importante entreprise familiale spécialisée en services funéraires, dont le siège social se trouvait sur la rue Saint-Vallier de 1865 à 2010?

Depuis 1928, le Carré Lépine désigne la partie de la rue du Pont entre les rues Fleurie et Saint-Vallier Est.

Ce secteur était d’abord nommé, lors du recensement de 1818, rue Sainte-Madgeleine. Après le grand incendie de 1845, l’endroit est devenu Place des élections, mais était alors mieux connu sous le nom de Carré Craig.

La rue du Pont s’appelait d’ailleurs à l’époque rue Craig, en mémoire de James Craig, ancien gouverneur général de l’Amérique du Nord britannique.

De l’ébénisterie aux cercueils

Germain Lépine (1821-1899) a d’abord travaillé comme ébéniste au sein de l’entreprise de fabrication de meubles Vallière et fils. (Incidemment, l’ancien emplacement de Lauberivière se trouvait d’ailleurs au coin de la rue Vallière).

Alors que les épidémies de choléra et de variole décimaient une partie de la population de Québec au milieu du XIXe siècle, Germain Lépine s’est lancé officiellement dans la fabrication de cercueils. Il avait déjà commencé à développer cet art chez Vallière et fils.

En 1845, il a ouvert son propre atelier au coin des rues du Pont et Saint-Vallier Est. Son épouse Suzanne Bourget s’occupait des finances de l’entreprise. Elle était la nièce de Mgr Ignace Bourget, évêque de Montréal.

Cet événement a marqué le début de la maison Lépine, une entreprise qui allait changer de noms plusieurs fois dans son histoire, mais demeurer dans la même famille pendant cinq générations.

Services funéraires et diversification

Très rapidement, Germain Lépine a diversifié son offre et lancé l’entreprise dans l’organisation de funérailles. Dans les années 1860, ses deux fils, Germain et Elzéar, lui ont donné un coup de main. Ils se sont trouvés au cœur de l’expansion de la compagnie.

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Germain Lépine fils gérait le commerce original sur la rue Saint-Vallier Est, tandis qu’Elzéar Lépine était derrière l’ouverture de nouvelles succursales dans Saint-Jean-Baptiste et Saint-Sauveur.

La gamme de services funéraires offerts s’est diversifiée de plus en plus. En plus des cercueils, la famille Lépine confectionnait des fleurs artificielles et des décorations sobres.

Germain Lépine fils faisait lui-même construire deux corbillards, tirés par des chevaux, pour mener les dépouilles au cimetière. Un corbillard noir était réservé aux adultes, tandis que le blanc était utilisé pour les enfants, qui mouraient en plus grand nombre.

Après le décès de Germain Lépine fils, sa veuve Malvina Racicot a pris d les rênes de l’entreprise. Sous la direction de celle qu’on surnommait « la reine Victoria », en raison de ses habits noirs, les corbillards sont devenus des automobiles.

Corbillard de la maison Lépine, vers 1930
Crédit photo: Archives de la Ville de Québec

Embaumement et expansion

Les sept fils de Germain Lépine fils se sont impliqués de près dans l’essor de l’entreprise familiale. Germain-Adélard Lépine est même allé étudier les techniques d’embaumement dans un établissement spécialisé de Springfield, en Ohio.

Cette pratique était peu répandue, comme elle était parfois associée à un manque de respect pour le défunt. On procédait auparavant à une toilette sommaire de la dépouile, qui était exposée dans le salon familial.

Germain-Adélard Lépine a pratiqué le premier embaumement de l’histoire de Québec en 1898. L’archevêque de Québec, le cardinal Elzéar-Alexandre Taschereau, a été le premier défunt à bénéficier de ce service.

En 1941, Jules Lépine, de la quatrième génération, s’est impliqué dans l’ouverture de la première maison funéraire de Québec. Elle se trouvait au coin du boulevard Saint-Cyrille (aujourd’hui boulevard René-Lévesque) et de la rue Turnbull.

De la fusion à aujourd’hui

La maison Cloutier était une autre entreprise funéraire de Québec, fondée par Charles Cloutier dans le faubourg Saint-Jean-Baptiste. Elle représentait la principale concurrente de la maison Lépine.

Les deux entreprises ont collaboré une première fois ensemble, à la suite du naufrage de l’Empress of Ireland, au large de Rimouski, en 1914. Tous les embaumeurs de la région travaillaient ensemble à l’identification et à l’inhumation des corps.

Quelques décennies plus tard, Robert Lépine et Jacques Cloutier se sont entendus pour fusionner leurs entreprises familiales respectives. C’était la naissance de Lépine-Cloutier ltée

L’entreprise a ensuite été vendue à la montréalaise Urgel Bourgie en 1988, elle-même propriété du Groupe Stewart, en Louisiane, de 1996 à 2002.

Des employés de Lépine-Cloutier et d’Urgel Bourgie se sont regroupés ensuite dans une compagnie et ont refait l’acquisition des entreprises de Québec et de Montréal.

En 2010, le siège social de Lépine-Cloutier a déménagé sur la rue de l’Ormière. En 2012, l’entreprise est devenue Lépine-Cloutier/Athos.

L’immense complexe du Carré Lépine a été racheté en 2013 par le concepteur Olivier Dufour, pour le développement du Réacteur, centrale créative. Des entreprises de création en art, en technologies et en communication occupent désormais les anciens locaux de Lépine-Cloutier.

Le Réacteur, centrale créative, occupe les anciens espaces occupés par l’entreprise funéraire de la famille Lépine.
Crédit photo: Simon Bélanger

Escalier Lépine

En terminant, le nom Lépine est aussi associé à un escalier situé tout près des anciens locaux de l’entreprise funéraire.

Conçu par l’architecte Charles Baillargé en 1882-1883, alors qu’il travaillait comme ingénieur municipal, cet escalier en fonte relie la rue Saint-Vallier Est, dans Saint-Roch, à la rue Saint-Augustin, dans Saint-Jean-Baptiste.

Même s’il a presque toujours été nommé escalier Lépine, son nom n’a été officialisé qu’en 1986.

Même s’il a presque toujours été nommé escalier Lépine, son nom n’a été officialisé qu’en 1986.
Crédit photo: Simon Bélanger

Sources : Répertoire des toponymes de la Ville de Québec, Lépine-Cloutier/Athos, Le Réacteur, centrale créative, Fonds Famille Lépine/BAnQ

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