Saint-Roch dans les années 1960 : le segment disparu de la rue Saint-Joseph avec son magasin Talbot
La série Saint-Roch dans les années 1960 vous propose une incursion dans les souvenirs du quartier Saint-Roch à travers des archives photographiques et mémoires de sources précieuses. Cette capsule évoque un passage douloureux de son histoire récente.
Immortalisée le 18 février 1968, la scène à la une est tirée d’un négatif représentant l’intersection de la rue Saint-Joseph et de la rue Saint-Roch. On y voit, sur le coin de la rue, le marchand de chaussures Talbot. La vue a été prise en direction ouest (description des Archives de la Ville de Québec).
Emporté par la vague de démolitions massives
La comparaison de deux vues aériennes de 1948 et 2016 illustre la profonde métamorphose de ce secteur de Saint-Roch.
À la fin des années 1960 et au début des années 1970, une vague de démolitions a précédé la construction de l’autoroute Dufferin-Montmorency. Elle a entraîné l’expropriation de quelque 2000 citoyens de la Basse-Ville. Il s’agissait principalement de résidents de l’ex-paroisse Notre-Dame-de-la-Paix, au sud du boulevard Charest Est.
C’est dans la foulée de cette « rénovation urbaine » que les bâtiments de la rue Saint-Joseph Est à l’est de la rue Saint-Dominique ont disparu, entraînant avec eux le commerce Talbot de l’intersection de la rue Saint-Roch.
Le Soleil du 12 avril 1972 contenait un cahier spécial sur le Centre d’affaires Saint-Roch. Il s’agissait de la section de la rue Saint-Joseph Est piétonnière, entre les rues de la Couronne et Saint-Dominique. Deux ans plus tard, un toit allait la recouvrir pour en faire le Mail Saint-Roch.
On apprend dans ce cahier qu’il y avait un autre Talbot non loin de celui en vedette. Identifié dans l’Annuaire Marcotte de 1968, ce deuxième magasin se trouvait dans l’immeuble qu’occupe actuellement, au rez-de-chaussée, le restaurant de sushis l’Œil du dragon.
Ce cahier publicitaire s’avère une bonne référence pour analyser le potentiel commercial de Saint-Roch de l’époque, et le contexte de réalisation de la rue piétonnière, inaugurée en mai 1967 par le maire Gilles Lamontagne.
Gilles Simard se souvient
Nous avons fait un nouvel appel à tous dans le groupe Facebook Retour vers le Passé (ville de Québec) pour en savoir plus sur les autres magasins qui fournissaient des chaussures adaptées pour des corps de métiers.
Pierre Fournier souligne la présence d’un troisième magasin Talbot sur Saint-Joseph, qui s’étire jusqu’aux limites du quartier Saint-Sauveur! « Les propriétaires de la chaîne étant les frères Alphonse, Paul et Raymond », fait-il remarquer.
« Les trois frères avaient leurs résidences à Sillery. […] St-Georges Côté faisait leur publicité et mentionnait que c’était facile de trouver leurs magasins. Ils sont situés chacun sur un coin de rue. Il ajoutait : “Si c’est pas un coin de rue, c’est pas un magasin Talbot” . »
Enfin, l’auteur Gilles Simard nous a aimablement transmis un extrait de son récit autobiographique Basse-Ville blues, dans lequel il fait mention de ce commerce :
« À l’intérieur du mail, à l’extrémité est du long cercueil de plastique, il fait chaud et l’excitation due au « jour du chèque » est partout palpable. C’est le « Jour des millionnaires », comme le proclame à la radio l’animateur André Arthur, un abrasif qui n’en manque pas une et qui profite de cette matinée pour distiller un maximum de venin sur le dos des « B.S. ». Et syndrome de Stockholm oblige, plusieurs d’entre eux l’appellent pour en rajouter tout en le confortant dans ses préjugés crasseux. Tout cela est d’une grande tristesse. Navrant!
Aujourd’hui, jour du chèque, les commerçants du mail ont soigneusement rapaillé des marchandises en solde devant leurs boutiques pour tirer profit de l’achalandage. Chez Talbot, ce sont des espadrilles multicolores et des chaussures d’adultes et d’enfants de toutes pointures qu’on a disposées sur de longues tables basses en bois; plus loin, au centre de l’allée, un regrattier obèse trône devant un rayonnage de rutilants bijoux, de fausses Timex et de marchandises probablement volées ou laissées en gage. […]
Les badauds qui d’ordinaire prennent leur temps pour zieuter la marchandise n’en ont rien à cirer de toute cette quincaillerie d’occasion. La lame d’effervescence du chèque a bel et bien fauché tous les petits plaisirs coupables de leur habituelle indolence et de leurs barguignages coutumiers. »
Archives de la Ville de Québec
À l’exemple de la photo en vedette, les images archivées de la Ville de Québec sont disponibles en ligne. On peut en faire la diffusion sans licence et sans frais en utilisant les vignettes estampées au logo de la Ville et en citant correctement les sources.
Vous avez aussi des informations ou des souvenirs à nous partager sur les magasins Talbot? N’hésitez pas à nous en faire part sur notre page Facebook!
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