Depuis 2014, la chronique « D’hier à aujourd’hui » du journal Le Soleil propose des incursions dans le patrimoine local à partir de photos comparées. Le chroniqueur Jean-Simon Gagné et le photographe Patrice Laroche la signent. Une demande des lectrices et lecteurs a mené à la publication d’un recueil de ces chroniques, Québec, d’hier à aujourd’hui, aux Éditions du Septentrion.
Québec, d’hier à aujourd’hui : patrimoine illimité
Depuis 2014, la chronique « D’hier à aujourd’hui » du journal Le Soleil propose des incursions dans le patrimoine local à partir de photos comparées. Le chroniqueur Jean-Simon Gagné et le photographe Patrice Laroche la signent. Une demande des lectrices et lecteurs a mené à la publication d’un recueil de ces chroniques, Québec, d’hier à aujourd’hui, aux Éditions du Septentrion.
Jean-Simon Gagné constate dans le lectorat du Soleil un engouement pour les recueils. Déjà en 2013 paraissait un recueil d’autres chroniques de sa plume, Heureux comme un crocodile aux îles Caïmans. Cette fois-ci, cependant, la demande était plus forte.
« C’est visuel, les gens aiment aller sur place… Le livre est conçu pour ça aussi. C’est un format qui ne pèse pas une tonne! Il y a moyen de prendre le livre et de faire la promenade. »
Photos coup de cœur, photos crève-coeur
Québec, d’hier à aujourd’hui présente les meilleures photos de la chronique. Elles ont déjà suscité des réactions en paraissant dans le journal, explique Jean-Simon Gagné. « Il n’y a pas que de la nostalgie, il n’y a pas que des horreurs. On parle de nos mauvais coups collectifs. On parle de nos bons coups aussi. »
Parmi les mauvais, il cite les « grands réservoirs à mazout sur le boulevard Champlain dont personne ne s’ennuie ». Il nomme le « mur de la honte, cette voie rapide à deux étages qui séparait le faubourg Saint-Louis et le faubourg Saint-Jean ».
Le livre contient des photos « crève-cœur » : les maisons victoriennes disparues sur Grande Allée, le mail Saint-Roch… Sans oublier l’autoroute Dufferin-Montmorency, dont la construction impliquait « la destruction de presque la moitié de Saint-Roch et son quartier chinois. » Il y a également des projets « à l’européenne »…
« Au moment de l’élargissement de Saint-Cyrille (aujourd’hui René-Lévesque), on parlait d’un aménagement à l’européenne, qui devait ressembler à la rue de Rivoli à Paris. Quand les administrations municipales veulent endormir les gens, elles parlent d’un aménagement à l’européenne. Dès les années 1950, quand on s’apprête à tout détruire et à reconstruire, même si c’est tout en béton, on dit : ça va être un aménagement à l’européenne. Même le projet de Grande Place, au départ, c’était un énorme centre d’achats et on disait ça. Quand vous entendez ça, un aménagement à l’européenne, méfiez-vous! »
Québec, d’hier à aujourd’hui : des défis et un rêve
La formule des photos comparative, en apparence simple, comporte ses défis. Le photographe Patrice Laroche doit identifier la position du « photographe d’antan ». Il doit composer avec les bâtiments disparus ou apparus dans le paysage, trouver où se percher. Pour la vue vers le port, à la page 40 du livre, il a dû grimper dans un « petit clocher » du Séminaire où on « n’entre pas comme dans un moulin ».
« Quand j’ai vu la photo ancienne, je me suis dit : ça va prendre cinq minutes! Je vais aller sur la rue des Remparts. Mais je me suis rendu compte que les maisons dans le bas de la photo, ce sont les maisons de la rue des Remparts! Je pensais que ça allait prendre cinq minutes, ça m’a pris quelques jours! Il a fallu que j’obtienne des permissions. »
Celui que son collègue chroniqueur qualifie de « maniaque » se lance aussi des défis additionnels. Prendre l’image contemporaine à la même heure de la journée que l’image d’archive. Faire correspondre les ombres. Avoir des personnes et des véhicules aux mêmes endroits. Il peut même défier les lois de la gravité… ou d’autres normes.
« Je suis monté sur d’innombrables édifices. Il y a un reportage qui a été fait par Kathleen Lavoie et le vidéaste Frédéric Matte… Un de mes amis qui travaille sur les toits l’a vu. Il m’a dit : “si la CSST voit ça, ils vont freaker”. Je suis sur le bord de la rambarde, je n’ai pas de protection, pas de harnais, rien. »
Tout ce travail peut-il contribuer à une sensibilisation urbanistique et patrimoniale? « Si les dirigeants et les maires lisent cet ouvrage-là, oui ça peut faire réfléchir », estime Patrice Laroche. Chose certaine, Jean-Simon Gagné, lui, réfléchit.
« Je rêve, pour la défense du patrimoine, d’une fondation sur le modèle de Ducks Unlimited/Canards illimités. C’était à l’origine des chasseurs intelligents, qui avaient compris que pour chasser, il faut que tu protèges le gibier. Ils se sont consacrés beaucoup à la défense des milieux humides, au début aux États-Unis. […] Il n’y a personne qui croyait à ça. […] Si on faisait la même chose pour le patrimoine…
C’est d’abord des avocats. […] Ils ont de l’argent. Je me souviens d’un maire de Québec, Régis Labeaume pour ne pas le nommer, qui disait : “Les amoureux du patrimoine, ça n’a pas une crisse de cenne et ça veut tout sauver.” Il ne pourrait plus dire ça là… »
Québec, d’hier à aujourd’hui se concentre sur les quartiers centraux. Ce n’est pas du snobisme, assure le chroniqueur. Les images d’archives de ces secteurs sont plus abondantes et accessibles. « Les banlieues, en 1940, c’était beaucoup des champs de vaches », illustre Patrice Laroche. Le tandem souhaite se pencher davantage sur la périphérie, en faire un prochain livre, dit Jean-Simon Gagné.
« On aimerait bien en faire un sur les banlieues, si on a le matériel… Ça prend beaucoup de photos aériennes. »
On peut feuilleter Québec d’hier à aujourd’hui et se le procurer sur le site des Éditions du Septentrion. Le livre est aussi en vente en librairies.
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