Argent et agentivité : La paix des femmes

Non, on n’aura jamais la paix. Elle est partout, la violence des rapports transactionnels et des oppressions qu’ils entraînent – souvent des oppressions genrées, banalisées par le patriarcat. Dans La paix des femmes, Véronique Côté force le public à les voir, même s’il est par trop tentant de chercher à anesthésier sa conscience par la littérature – ou par l’alcool, omniprésent dans la pièce.

Argent et agentivité : <em>La paix des femmes</em> | 15 septembre 2022 | Article par Marrie E. Bathory

Crédit photo: Vincent Champoux

Non, on n’aura jamais la paix. Elle est partout, la violence des rapports transactionnels et des oppressions qu’ils entraînent – souvent des oppressions genrées, banalisées par le patriarcat. Dans La paix des femmes, Véronique Côté force le public à les voir, même s’il est par trop tentant de chercher à anesthésier sa conscience par la littérature – ou par l’alcool, omniprésent dans la pièce.

Anne-Marie Olivier incarne Isabelle, une professeure de littérature et d’études féministes autrice de plusieurs ouvrages. (Une Martine Delvaux fictionnalisée, disons.) Une jeune femme manifestement en détresse vient lui demander des comptes : sa sœur Léa, une ancienne étudiante sœur spirituelle de Nelly Arcan, est morte; les positions littéraires d’Isabelle seraient en cause.

« Il y a les idées et il y a les mâchoires cassées par les pipes »

La colère d’Alice, la sœur de Léa, s’oppose à la cérébralité d’Isabelle. Alice confronte l’universitaire : au-delà des figures de style, il y a toute une gamme de violences bien concrètes. La professeure a beau dire souhaiter respecter l’agentivité des travailleuses du sexe, il demeure que sa prise de parole en est une de privilégiée. Et Alice a beau hurler que des femmes meurent tous les jours, le personnage le fait dans le cadre d’une pièce de théâtre aux accents poétiques présentée à La Bordée.

Le spectre du patriarcat

La pièce pose plusieurs questions pertinentes et force le public à réfléchir à des enjeux pour le moins inconfortables. Un exemple : même le bon gars doux et attentionné s’adonnera à agresser quelqu’un si « l’occasion fait le larron ». Les personnages féminins lancent des réflexions, creusent des sujets qui les touchent, énoncent divers points de vue… sans jamais désigner le patriarcat qui, comme la grosse roche menaçant à tout moment d’écraser les protagonistes, reste innommé.

Par ailleurs, que fait-on des autres formes d’oppression, des autres types de différenciation sociale? Tant qu’à aborder des questions féministes, tant qu’à faire étalage d’un vocabulaire de féministe universitaire, il aurait été souhaitable d’au moins présenter certaines intersectionnalités, d’au moins mentionner des situations autres que celles de personnes cis, blanches et hétérosexuelles.

Il demeure que la pièce de Véronique Côté brasse et émeut. Quelques rais de lumière (tantôt un brin d’humour, tantôt un chant ou une danse) percent la noirceur, permettent de respirer entre deux sanglots.

La paix des femmes est présentée jusqu’au 8 octobre à La Bordée.

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