TAPAJ : travail au rythme d’une remise en action

Le YMCA Saint-Roch orchestre depuis mai un programme de travail alternatif payé à la journée pour les personnes en situation ou à risque d'itinérance : TAPAJ.

TAPAJ : travail au rythme d’une remise en action | 19 août 2021 | Article par Suzie Genest

Daniel, un travailleur à la journée, range des livres.

Crédit photo: YMCA Saint-Roch, image extraite de la vidéo Facebook

Le YMCA Saint-Roch orchestre depuis mai un programme de travail alternatif payé à la journée pour les personnes en situation ou à risque d’itinérance : TAPAJ.

Monsaintroch a rencontré le 11 août Étienne Talbot, directeur général du YMCA Saint-Roch, et Marc-Antoine Dion, intervenant pour TAPAJ. Tout a commencé par un premier essai de travail à la journée durant l’hiver, au refuge de jour La Cheminée dans le YMCA, expliquent-ils.

Étincelles dans La Cheminée

À la fin octobre 2020, la Ville de Québec annonce pour l’hiver des haltes-chaleurs et des mesures d’interventions sociales. Il est question d’un projet de travail alternatif, pour les personnes en situation d’itinérance.

« Le projet a émergé d’une besoin d’augmenter la capacité d’accueil pour les personnes en situation d’itinérance […] L’ensemble des partenaires du milieu qui offrent des lieux de chaleur et de réchauffement se retrouvaient à une capacité d’accueil réduite. […] Le YMCA a été interpellé, pour mettre en place un milieu de vie de jour en après-midi », relate Étienne Talbot quant à La Cheminée.

Un petit comptoir de La Cheminée proposait soupe, café, galettes, etc. On y trouvait aussi un kiosque de distribution de vêtements. À l’entrée, il fallait poser les questions requises par la situation sanitaire : questions, désinfection des mains. Des personnes qui fréquentaient La Cheminée contribuaient à ces tâches, contre rémunération. Le travail à la journée est reconnu comme une des bonnes pratiques d’intervention dans ce contexte, explique Étienne Talbot.

« Ça permet à des gens qui ont moins confiance en eux, et qui sont éloignés du marché du travail, de vivre des succès. Tu réussis ta journée de travail, à la fin tu as une paie : c’est un succès qui n’a pas [nécessité] d’obligation à long terme. […] C’est vraiment plus spontané comme engagement. Ça génère des petits succès qui vont, on l’espère, amener les participants à poursuivre leur démarche. »

L’expérience a bien fonctionné. Le travail à la journée est apparu comme un levier intéressant, dans les discussions avec la Ville de Québec pour l’« après-Cheminée ».

Daniel, travailleur à la journée, sert de la soupe à La Cheminée
Daniel, travailleur à la journée, sert de la soupe à La Cheminée
Crédit photo: YMCA Saint-Roch, image extraite de la vidéo Facebook

Les liens de confiance

La programme TAPAJ a démarré en mai. Plus discrète dans le YMCA durant l’hiver, l’approche s’est ouverte sur le quartier avec l’arrivée de l’été.

Les participants travaillent d’abord en petit groupe, accompagnés d’un intervenant, explique Marc-Antoine Dion. Par exemple, ils peuvent faire un parcours de nettoyage de rues et d’espaces publics. Le kiosque du marché solidaire Croque Saint-Roch, la roulotte Le Marginal au parvis de l’église offrent d’autres opportunités de travail alternatif.

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Sur Facebook, TAPAJ invite les organismes à suggérer des opportunités, des tâches qui répondraient à un besoin. C’est une façon de tisser les liens avec eux. TAPAJ favorise la mise en place d’un dialogue entre organismes, participants, commerçants du quartier, mentionne Étienne Talbot. Lauberivière, le Café-rencontre centre-ville, Projet LUNE, le Squat Basse-Ville, PECH comptent parmi les organismes partenaires, énumère Marc-Antoine Dion.

Suivant une première dizaine d’heures de travail, une rencontre a lieu avec le participant. Si tout va bien, il peut franchir une nouvelle étape. Il est alors supervisé directement par l’organisme hôte. Après une autre dizaine d’heures réussies se tient une autre rencontre. Si le participant est prêt, on l’accompagne vers une ressource pour la prochaine étape de son cheminement en employabilité.

Tout au long du processus, les intervenants veillent à informer les participants des différentes ressources du milieu. On les amène à contacter celles pouvant répondre à leurs besoins : problèmes de santé physique ou mentale, de consommation… En somme, TAPAJ vise la remise en action, résume Marc-Antoine.

Des progrès, dans un continuum

Chaque semaine depuis la fin mai, une dizaine de nouveaux participants rejoignent TAPAJ. Au cours des dix premières semaines, 115 personnes ont démontré leur intérêt. Parmi elles, 41 ont progressé comme travailleur ou travailleuse unique. Deux ont obtenu un emploi, un stage ou  retournent aux études. Le rythme varie selon les capacités de chacun. Daniel, par exemple, est devenu pair aidant au YMCA après avoir fréquenté La Cheminée et TAPAJ.

Le financement alloué permet de maintenir TAPAJ jusqu’à la mi-septembre. « On est toujours en développement de l’approche, il n’y a pas d’entente pérenne avec les bailleurs de fonds », dit Étienne Talbot. On envisage ensuite « un modèle où les organismes prennent en charge les participants » et le YMCA demeure le catalyseur. Les ressources limitées des organismes le permettront-elles? Étienne Talbot admet que « c’est un défi ». Il se montre toutefois optimiste, citant « des pourparlers notamment avec le privé » en cours pour rendre le tout possible.

Bien des gens, notamment sur les réseaux sociaux, affirment connaître LA solution à l’itinérance : une désintoxication forcée, une médication, un logement… Qu’en dit Étienne Talbot?

« Je suis super content de votre question. Ça me permet de bien mettre en perspective le travail à la journée. C’est un gros défi pour nous, pour Lauberivière, pour tous les organismes. Il n’y a pas de recette miracle, il n’y a pas de baguette magique. […] Le travail à la journée est un levier intéressant qui donne des résultats, mais ce n’est pas la chose qui va tout régler. C’est important que la population comprenne bien qu’on n’a pas cette ambition-là.

Ce qu’on veut, c’est travailler avec l’ensemble des services pour les personnes vulnérables pour créer un continuum le plus complet possible, diminuer les méfaits, offrir des opportunités. […] Il y a plein de mécanismes qui doivent travailler ensemble. […] Tout ça est complémentaire. »

Gym alternatif

« Le YMCA veut soutenir la mixité sociale avec humilité. On n’a pas toutes les expertises et compétences », dit Étienne Talbot. Dans le champ d’expertises et de compétences du YMCA, il y a une piscine, des installations sportives. À l’ouverture en août 2020, on avait annoncé que les personnes en situation d’itinérance pourraient en bénéficier. Il y aurait un intervenant pour les accueillir, des vêtements, serviettes, produits d’hygiène disponibles…

Dès que le contexte sanitaire l’a permis, c’est d’abord à la piscine qu’on a accueilli des personnes de La Cheminée. « Il y en a que je recroise et qui me parlent encore de la piscine! », note Marc-Antoine Dion. Se baigner leur a fait « sentir que ce sont des citoyens à part entière, qui eux aussi ont droit à ces services », illustre Étienne Talbot.

En fonction de l’évolution de la situation sanitaire, une entente avec le CIUSSS de la Capitale-Nationale permettra au YMCA de déployer pleinement la suite du volet de Gym alternatif.

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