Saint-Roch dans les années 1970 : les bancs du mail et sa « faune locale »

La série Saint-Roch dans les années 1970 revisite le passé du quartier à travers des images d’archives de diverses sources. On revisite aujourd'hui le mail Saint-Roch.

Saint-Roch dans les années 1970 : les bancs du mail et sa « faune locale » | 12 décembre 2021 | Article par Jean Cazes

Souvenir du mail, avec sa baie vitrée offrant une vue sur l’église Saint-Roch et son parvis.

Crédit photo: Archives de la Ville de Québec

La série Saint-Roch dans les années 1970 revisite le passé du quartier à travers des images d’archives de diverses sources. On revisite aujourd’hui le mail Saint-Roch.

Prise entre 1974 et 1979, la photo en vedette provient d’une diapositive représentant une vue intérieure du mail Saint-Roch. On y voit une baie vitrée ainsi que des gens assis sur les bancs (description des Archives de la Ville de Québec).

Dans la galerie en fin d’article, la scène comparative date du 23 novembre 2021. Rappelons que c’est en 2000 qu’on a procédé à la phase 1 du démantèlement du toit du mail. La première phase visait la section comprise entre les rues de la Couronne et du Pont.

« Une rareté, que de voir tout ce beau monde dans la même séquence… »

Des hommes assis à l’intérieur du mail Saint-Roch. 5 mai 1977,
Crédit photo: Archives de la Ville de Québec

Récemment, nous nous sommes entretenu avec Gilles Simard dans le cadre du lancement de son touchant récit autobiographique Basse-Ville blues. L’auteur nous propose un extrait très imagé pour commenter les deux scènes d’époque illustrant cette capsule historique.

« Assis sur un banc-calorifère du mail Saint-Roch, j’ai rendez-vous avec Julie et sa copine afin de les observer racoler dans les rues de ce quartier réputé dur et sulfureux. En attendant, question de tuer le temps, je m’amuse à regarder déambuler la faune locale entre les empattements bétonnés du long tube de verre et d’acier : clients pressés, commères gesticulantes, commis débordés, flâneurs blasés. En les voyant bourdonner et s’agiter ainsi le long des vitrines, je m’imagine une jonchée de parasites s’ébrouant dans les entrailles d’un monstrueux reptile de plexiglass étalé sur la rue Saint-Joseph.

Même s’ils font partie de ce tourbillon vespéral, une flopée de personnages « non conformes » tranchent sur l’ensemble. Ce sont ces vieux au regard vide, ces ivrognes hagards et titubants, ces ex-psychiatrisés vêtus d’oripeaux à la lippe baveuse, ces chambreurs esseulés, bref, toute une catégorie de paumés dont l’odeur rance de pisse et de sueur séchée leur colle en permanence à la peau et dont le parcours en zigzag dérange l’honnête citoyen. Plus étranges et visibles encore que les soulons, les sans-abris ou les anciens de Robert-Giffard, il y a aussi les « phénomènes », un groupe très particulier dont les membres semblent s’être donné le mot, aujourd’hui, pour être tous dans la même fanfare. Du lot, j’ai vu passer « l’homme au turban », un pauvre hère qui a perdu sa femme et sa fille dans un incendie et qui depuis promène une poupée dans un carrosse, Mansart-l’horrible, un ancien concierge de l’hôtel Saint-Roch aux allures de Quasimodo pustuleux, l’homme-éléphant de la Chancelière, un quidam avec une terrible tumescence au visage qui pend telle la trompe du gros pachyderme. J’ai aussi croisé Vincent-l’halluciné du Maillon qui avance de reculons en regardant dramatiquement au ciel, madame Otis, la petite vieille à lunettes qui mange dans les poubelles et déchire les affiches, et enfin, Sam-le-cowboy, un longiligne pilier de taverne aux allures de Don Quichotte toujours habillé en shérif de l’ouest. Une rareté, que de voir tout ce beau monde dans la même séquence et un freak show qui serait inimaginable dans les centres d’achat lisses et propres de banlieue. »

Archives de la Ville de Québec

De nombreuses images archivées de la Ville de Québec, à l’exemple de celles en vedette ici, sont disponibles en ligne. On peut en faire la diffusion sans licence et sans frais en utilisant les vignettes estampées au logo de la Ville et en citant correctement les sources.

Vous avez, vous aussi, des souvenirs à nous évoquer sur le mail Saint-Roch et ses habitué-e-s? N’hésitez pas à nous en faire part sur notre page Facebook

Voir la capsule précédente de la série : Saint-Roch dans les années 1970 : l’épicerie Lajeunesse.

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À lire, ou à relire : la série de sept chroniques de Robert Fleury, publiée en 2017. L’ex-journaliste du Soleil y évoque, lui aussi, ses souvenirs de la transformation sociale et urbaine du quartier.

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