Remonter la machine du temps de l’Îlot Fleurie

Il y a vingt ans, Hélène Matte et Julie Picard ont participé à l'aventure de l’Îlot Fleurie. Dans les années 2000, cet espace, en dessous des échangeurs, était devenu « un centre d’art officiel » et le lieu d’une mobilisation citoyenne. Sélectionnées par VU photo, les artistes font ici de leur mémoire une création artistique, en la confrontant aux enjeux contemporains de l’Îlot Fleurie.

Remonter la machine du temps de l’Îlot Fleurie | 7 octobre 2021 | Article par Viktoria Miojevic

L'Îlot Fleurie au début des années 2000

Crédit photo: Gracieuseté Hélène Matte et Julie Picard

Il y a vingt ans, Hélène Matte et Julie Picard ont participé à l’aventure de l’Îlot Fleurie. Dans les années 2000, cet espace, en dessous des échangeurs, était devenu « un centre d’art officiel » et le lieu d’une mobilisation citoyenne. Sélectionnées par VU photo, les artistes font ici de leur mémoire une création artistique, en la confrontant aux enjeux contemporains de l’Îlot Fleurie.

Réactiver notre mémoire collective

Alors que notre mémoire collective s’effrite sur ce qu’était l’Îlot Fleurie, deux artistes l’ont pris à bras le corps pour le raconter en images et en poésie.

Hélène Matte et Julie Picard ont fait partie de « la deuxième génération » de l’Îlot Fleurie. Alors étudiantes et jeunes artistes, elles ont pris en charge ce lieu dans lequel tout était à refaire. Hélène Matte raconte :

« Au bout de trois ans, c’est devenu un centre d’art officiel, on organisait des gros évènements qui s’appelaient Émergence ».

Îlot Fleurie
Images d’archive travaillées par les deux artistes dans le cadre du projet Topographie 2.
Crédit photo: Gracieuseté Hélène Matte et Julie Picard

À l’origine du travail des deux artistes, une sélection pour la deuxième édition du projet collectif Topographie 2 de VU Photo. Dans ce projet, les artistes de Québec écument la ville pour représenter les lieux qui marquent son histoire.

La topographie, c’est cette science qui vise à circonscrire et représenter les aspects visibles d’un terrain. D’ailleurs, selon les observations des artistes, l’Îlot Fleurie a toujours été un lieu de passage et d’accueil.

« Notre lien avec l’endroit, c’est qu’on a été très impliquées à l’époque. On se replonge dans y a vingt ans et dans l’espace d’aujourd’hui. C’est revivre l’espace d’aujourd’hui, mais à partir de ce qu’on avait vécu et créé sur place il y a vingt ans. C’est ça qu’on voulait faire dialoguer : notre propre mémoire et notre expérience du lieu, ce que c’est devenu aujourd’hui. L’approche est patrimoniale mais aussi critique et artistique. C’est une approche de terrain. On a eu la chance d’avoir un fond photographique important, avec des photos des années 80. On voulait partir de ce fond photographique là et faire dialoguer avec les images d’aujourd’hui. On est allées croquer des morceaux des traces, de la vie grouillante. Et on les fait dialoguer dans une approche artistique », explique Julie Picard.

« L’Îlot Fleurie, ça a été notre école »

Les artistes ont passé leur résidence artistique à l’Îlot Fleurie. Ensemble, elles ont pu redécouvrir ces lieux qui avaient animé leur jeunesse. De cette résidence, elles en ont tiré des poèmes et des GIFS animés.

 

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Pour travailler, elles ont consulté les archives, réalisé des réunions pour sélectionner des images et se sont rendues sur place à de nombreuse reprises.

Les poèmes sont là pour sortir de l’aspect documentaire et donner cet accent-là personnel, ce qui ressortait des discussions.

« C’était foisonnant, on a énormément de choses à dire, on a énormément d’anecdotes. On a travaillé en fonction du medium. VU nous proposait de faire une première expérimentation sur Instagram. Donc le medium GIF s’est imposé. Ça nous permettait d’utiliser plus d’images et de les faire dialoguer entre elles. Ça donne des images chargées politiquement avec les avant/après. On fait bouger l’image donc ça fait sentir la mesure du temps qu’on a envisagé », partage Hélène Matte.

Pour les artistes, l’Îlot Fleurie est un lieu qui a une charge politique. Dans la continuité de la résidence artistique, elle ont assisté au déroulement du projet de 3e lien et au plantage d’arbres. En parallèle du lieu d’art, les deux artistes préservaient, à l’époque, sa fibre communautaire et politique. Le Sommet des Amériques en a été un point important.

Pour rendre compte de ces réalités, elles sont parties d’images d’archives pour les travailler en GIF puis jouer avec les images actuelles de l’Îlot Fleurie. « Le verdissement a disparu, s’est désintégré », c’est ce qu’elles voulaient montrer. « Ce sont aussi des hommages », ajoute Hélène Matte. Dans l’une des images, on voit un homme octogénaire, Henry Saxe, important dans l’art contemporain, et sa sculpture présentement comme « abandonnée, envahie par les herbes ».

Des images teintées de colère

Verdissement, espace communautaire et intergénérationnel, mixité sociale, espace de création artistique, toilettes chimiques sont ce que les deux artistes avaient créé dans les années 2000, à l’Îlot Fleurie. En étudiant les images d’archives, Julie Picard se demande :

« Où sont passés tous ces gens? Qu’est-il advenu des piliers rouges, de la cabane, des soirées cinéma, l’atelier à ciel ouvert? »

Îlot Fleurie
Images d’archive représentant les actions citoyennes de verdissement à l’Îlot Fleurie.
Crédit photo: Gracieuseté Hélène Matte et Julie Picard

Elle ajoute : « Quand on arrive là, on a de la misère à croire que ça a déjà existé. Aujourd’hui c’est un lieu désert. C’est un lieu d’errance, comme si on avait fait un pas de géant en arrière. C’est irréel, ça relève presque de l’utopie. »

« Maintenant, on se dit : ce serait génial s’il y avait de la vie sous les autoroutes, s’il y avait un parc communautaire, des jardins, des activités familiales. Il y a eu tellement d’activités. Ça a existé, il y a vingt ans. On se dit : Qu’est-ce qu’il s’est passé pour que la Ville décide d’aseptiser ce lieu-là et passe la gratte, détruise tous les aménagements communautaires réalisés bénévolement de l’Îlot Fleurie ? », questionne Julie Picard.

L’Îlot Fleurie était, pour les artistes, un lieu de résistance, de rapport de force avec la Ville. Pour elles, les sculptures témoignent aussi de cette résistance du temps. « L’élément de résistance le plus fort selon moi, c’est que ça s’appelle toujours l’Îlot Fleurie. C’est resté dans l’imaginaire », conclut Julie Picard.

Comme Topographie 1 en 2020, Topographie 2 pourrait bientôt prendre la forme d’un journal et un évènement pourrait être organisé. Des images du projet sont partagées sur Instagram avec #topographiesvu

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