La Maison de Lauberivière : visite guidée

Monsaintroch a parcouru les espaces de la Maison de Lauberivière en compagnie d'Éric Boulay, son directeur général, plus tôt cet été. « Beaucoup ne veulent pas voir la pauvreté, la souffrance, les problèmes de santé mentale. Mais je cherche à me mettre dans leur peau pour les comprendre », de dire M. Boulay, au sujet de certaines critiques qui ont suivi le déménagement de la ressource sur la rue du Pont.

La Maison de Lauberivière : visite guidée | 31 août 2021 | Article par Jean Cazes

Le hall d’entrée des bénéficiaires. 17 juin 2021.

Crédit photo: Jean Cazes

Monsaintroch a parcouru les espaces de la Maison de Lauberivière en compagnie d’Éric Boulay, son directeur général, plus tôt cet été. « Beaucoup ne veulent pas voir la pauvreté, la souffrance, les problèmes de santé mentale. Mais je cherche à me mettre dans leur peau pour les comprendre », de dire M. Boulay, au sujet de certaines critiques qui ont suivi le déménagement de la ressource sur la rue du Pont.

Après avoir quitté l’ex-Château Champlain de la rue Saint-Paul, la nouvelle Maison de Lauberivière a officiellement ouvert ses portes le 8 mars face au YMCA Saint-Roch. Avant que l’organisme ait pu les convier, quelques médias ont cogné à sa porte pour une visite. Rapidement, les défis de cohabitation dans le voisinage ont fait la manchette et multiplié les discussions sur les réseaux sociaux.

Nous avons attendu, en restant attentifs à l’évolution de la situation. Notre visite du refuge multiservices du 485 rue du Pont a finalement eu lieu à la fin juin. Le directeur a lancé un appel à la compréhension et à la tolérance à l’égard d’une clientèle trop souvent stigmatisée qu’il côtoie depuis 22 ans.

« Des citoyens à part entière »

L’entrée du 1er étage. Éric Boulay œuvre depuis 22 ans à Lauberivière, il en est le directeur général depuis 2011. 17 juin 2021.
Crédit photo: Jean Cazes

En amorce de la visite, Éric Boulay a rappelé que bon an mal an, la Maison de Lauberivière tend les bras à plus de 5000 personnes dont les cheminements de vie sont des plus variés.

« Je dirais qu’en moyenne, elles ont autour de 40 ans, mais nous accueillons aussi des personnes âgées. Environ 80 % sont des hommes. Beaucoup sont sur l’aide sociale ou sans revenu. La grande majorité de ces gens vivent seuls : il faut savoir qu’ils ont souvent quitté leur réseau social parce qu’ils avaient trop honte de leur situation. Ayant peu d’estime personnelle, on cherche à créer des liens forts avec eux », souligne Éric Boulay en justifiant ainsi une facette de la mission de l’organisme.

Des personnes sans domicile fixe fréquentent Lauberivière pour profiter d’une ou de plusieurs nuits dans le cadre de ses services d’hébergement. Plusieurs vont aussi briser leur solitude ou combler les fins de mois en prenant un bon repas à sa Soupe populaire. D’autres bénéficient des services du Centre de jour, des secteurs Dégrisement, Fiducie et Rétablissement, de la Clinique médicale. En hiver, il y a également le café nocturne Le Réchaud.

« En fait, depuis le déménagement, la programmation et l’offre de services de la Maison de Lauberivière n’ont pas vraiment changé, à part l’ajout de chambres et de logements. Mais nous pouvons maintenant mieux intervenir parce que notre clientèle se sent mieux accueillie, et davantage en sécurité. »

Lorsque des réactions de résidents du secteur à des comportements de personnes de la rue ont fait l’actualité, la Maison de Lauberivière a été pointée du doigt. Or, comme l’auraient reconnu ensuite des commerçants et intervenants, la situation de l’itinérance se serait aggravée de façon générale. La crise sanitaire y a contribué.

« Beaucoup ne veulent pas voir la pauvreté, la souffrance, les problèmes de santé mentale. Mais je cherche à me mettre dans leur peau pour les comprendre. On est seulement à 350 mètres en ligne droite de notre ancien bâtiment. Ces problèmes de comportement étaient déjà là, la nouvelle maison ne les a pas attirés. Et surtout, est-ce qu’ils sont dangereux? Pas du tout, et c’est peut-être le plus gros des préjugés! Ces gens, ne sont pas pour nous des itinérants, mais bien des citoyens à part entière. Quand on vient travailler ici, on a du fun avec eux! », affirme Éric Boulay.

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Toujours posé, il ajoute que l’« acceptation sociale » est de retour, entre autres grâce à un effort de sensibilisation.

« J’ai fait visiter la Maison à des voisins plus craintifs, et j’ai reçu par la suite des courriels de félicitation. Le bon côté de cette sortie média, c’est qu’un vent de sympathie a soufflé sur nous, et de nouveaux bénévoles et donateurs se sont ajoutés à notre organisation. »

Un effort collectif et des partenaires

YMCA Saint-Roch. 17 août 2020.
Crédit photo: Jean Cazes

Lauberivière fonctionne grâce à l’effort collectif de quelque 80 employés. Des mesures de subvention salariale, d’accompagnement social, de services communautaires ou de travaux compensatoires, une quinzaine de stagiaires et plus de 600 bénévoles contribuent à son fonctionnement.

Parmi les partenaires de l’organismes figurent le Regroupement pour l’aide aux itinérants et itinérantes de Québec (RAIIQ), PECH, le CIUSSS de la Capitale-Nationale, l’Archipel d’Entraide, le service de police de la Ville de Québec. Éric Boulay ouvre une parenthèse sur l’entente conclue avec son voisin, le YMCA Saint-Roch.

« Si t’as pas de sou, t’as difficilement accès à des services de loisir, et en mode survie, t’as pas nécessairement envie de t’entraîner! Dans notre programmation du rétablissement, nous avons une activité de sortie au YMCA, puisque l’accessibilité à tous est dans sa mission. Nos clients peuvent s’inscrire comme membres, et profiter entre autres de sa cuisine collective. Nous pouvons aussi réserver des salles. »

Reconnaissant envers les trois paliers de gouvernement pour la réalisation du nouveau toit de Lauberivière, Éric Boulay souligne aussi un paradoxe :

« Je suis fier de ce que l’on fait, mais je suis moins fier comme collectivité que nous ayons besoin de refuges comme le nôtre dans notre société. C’est là le paradoxe de notre existence. Notre œuvre est collective : ça prend toujours des dons du public en argent, en nourriture, et des bénévoles pour continuer à opérer. »

Un cheminement vers le haut

Outre l’entrée principale au centre, nous devinons au niveau plus bas, sur la gauche et sous celle du hall, une autre entrée pour les bénéficiaires. On peut noter aussi les rampes pour les personnes à mobilité réduite. 1er juin 2021.
Crédit photo: Jean Cazes

Œuvre de Lafond Côté Architectes, la nouvelle Maison de Lauberivière comprend 131 chambres et 18 logements, ainsi que des espaces communautaires et des bureaux.

« Ce bâtiment, je l’aime aussi parce qu’il aide notre clientèle à retrouver sa dignité, l’ancien étant devenu peu attrayant au fil des années. Plus on grimpe les étages, plus on est réinséré! », résume Éric Boulay.

1er étage : dégrisement, buanderie et entreposage

La buanderie.
Crédit photo: Jean Cazes

Ce premier niveau est accessible aux bénéficiaires par une première porte d’entrée. Une salle de lits pour le dégrisement ou la désintoxication, disponible en tout temps, en constitue le principal élément.

De plus, pour les gens hébergés, on y retrouve une buanderie et un espace d’entreposage (photo 1, galerie en bas d’article).

2e étage : accueil, hall d’entrée et Soupe populaire

L’accueil.
Crédit photo: Jean Cazes

La principale porte d’entrée de la Maison de Lauberivière s’ouvre sur l’accueil. Dans une autre section se trouve plus loin le grand hall (en tête d’article), surtout accessible aux bénéficiaires par une autre porte extérieure.

À ce hall se greffe une salle à manger très éclairée (photo 2) avec sa cuisine à la fine pointe (photo 3). De 300 à 500 repas quotidiens sont servis dans le secteur de la Soupe populaire. Il constitue le cœur de la mission de Lauberivière.

3e étage : administration et programme À l’aube de l’emploi

La salle des cours.
Crédit photo: Jean Cazes

Dans la salle de À l’aube de l’emploi, les bénéficiaires apprennent un métier. Depuis la création du programme d’insertion professionnelle, 95 % des bénéficiaires auraient conservé après 10 ans leur emploi en entretien ménager, en buanderie ou en cuisine, notamment à la Maison de Lauberivière.

4e étage : dépannage pour hommes

Une chambre individuelle.
Crédit photo: Jean Cazes

Fini les dortoirs! On retrouve, sur cet étage de la Maison de Lauberivière, 40 lits d’hébergement dans des chambres individuelles. Ils peuvent être occupés jusqu’à 10 jours (soirs et nuits).

Des fumoirs ont aussi été installés, en tenant compte de normes d’aération. Une mesure justifiée, considérant le nombre de personnes qui refuseraient autrement de venir recevoir l’aide dont elles ont besoin.

5e étage : étage des femmes

Bureau des intervenants et intervenantes du 5e étage..
Crédit photo: Jean Cazes

Comme pour les étages 4 et 6, on y retrouve, en plus des chambres, une cuisinette (photo 4) et une salle commune, de même que les bureaux des intervenants et intervenantes.

6e étage : zone du rétablissement

Salle de thérapie.
Crédit photo: Jean Cazes

À cet étage, les bénéficiaires peuvent occuper leur chambre jusqu’à trois mois. Tous les matins, on y discute dans une grande salle de thérapie des objectifs de la journée.

7e étage : logements

Les 18 unités de logements transitoires sont un nouvel atout majeur pour Lauberivière. Il s’agit de la dernière étape de cheminement pour ceux et celles qui peuvent occuper ces logements lumineux (photo 5) jusqu’à trois ans en fonction du quart de leur revenu.

Toit : salle des machines

La salle des machines.
Crédit photo: Jean Cazes

Abritée, la salle des machines gère l’aération du bâtiment. À celle-ci se greffe, à l’extérieur, une génératrice de secours au diesel et gaz naturel (photo 6). En cas de « crise du verglas », Lauberivière serait ainsi en mesure, par exemple, d’opérer pendant plusieurs jours sa salle à manger.

Un sondage

Depuis la fin août, le YMCA Saint-Roch, le RAIIQ, Lauberivière, Le Réacteur – Centrale Créative et la SDC St-Roch Québec invitent par ailleurs les gens qui habitent ou fréquentent régulièrement le secteur à compléter un questionnaire en lien avec le nouveau projet « Rue du Pont ». Celui-ci veut porter plus loin le dialogue déjà amorcé, pour mieux comprendre ensemble les différentes réalités qui se côtoient et faire émerger d’autres pistes d’action.

« C’est ensemble que nous pourrons créer un milieu de vie sécuritaire, vivant et coloré, là où il fait bon vivre dans la diversité », disent les responsables du sondage.

À lire aussi : Une affaire de cœur (Carrefour de Québec, 9 mars 2021).

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