Lors de la réouverture de l’hôtel St-Roch en 1924, une taverne occupe désormais la partie ouest de cet établissement. Située au 242-246, rue Saint-Joseph, là où se trouvait autrefois un magasin de chaussures, il sera toujours possible pour certains clients de s’y magasiner des « claques »… sur la gueule.
Trouver chaussure à son pied
En 1915, un an seulement après l’inauguration de l’hôtel St-Roch, deux magasins sont aménagés au rez-de-chaussée de sa partie ouest : la mercerie d’Henri Drolet et le magasin de chaussures de luxe et de fantaisie Au Quincy. Ils sont situés respectivement au 240 et au 246, rue Saint-Joseph[1].
Cinq ans plus tard, suivant le déménagement d’Henri Drolet, J.-Albert Larochelle, propriétaire de Au Quincy, prend possession du local de ce dernier. Il allait occuper les deux adresses jusqu’en 1922, année de l’arrivée, au 246, rue Saint-Joseph, du Magasin St-Georges. Quelques mois seulement après son ouverture, cette boutique de vêtements, où il était possible d’acheter des robes lavables en marquisette, ferme ses portes[2].
L’année suivante, le magasin Au Quincy est ravagé par le feu, tout comme le reste de l’édifice de l’hôtel St-Roch. Lors de la réouverture de cet établissement hôtelier, en mars 1924, une nouvelle taverne occupe désormais l’emplacement de l’ancien magasin de chaussures de monsieur Larochelle.

Crédit photo: La Musique, Québec, n° 3, mars 1919 (BAnQ numérique)
Un gérant de Saint-Jean, Île d’Orléans
Fils d’Odilon Lapointe, boulanger, et de Lumina Gosselin de la paroisse de Saint-Jean, Île d’Orléans, et frère d’Ernest Lapointe, « épicier bien connu à Québec[3] », Georges Lapointe est probablement le premier gérant de la taverne de l’hôtel St-Roch. L'établissement occupe le 242-246, rue Saint-Joseph. Selon l’annuaire de Québec paru le 6 juillet 1922, ce résident de la rue des Commissaires, près de la rue Dorchester, exerce alors le métier de comptable à cet hôtel.
Quatre ans plus tard, dans une annonce qu’il fait paraître dans Le Soleil, le 8 octobre 1926, au sujet d’un logement à louer, il dit travailler à la taverne de l’hôtel St-Roch. L’année suivante, dans l’avis de décès de son frère Elphège, publié dans ce même journal le 12 décembre 1927, on rapporte qu’il en est le gérant.

Crédit photo: Le Soleil, Québec, 9 mars 1931, p. 12 (BAnQ numérique)
La course Lapointe
En 1931, année présumée de son départ, Georges Lapointe organise en mars, sous les auspices de son employeur, une course à pied de 3 ½ miles (5,6 km). Son trajet va de la place Jacques-Cartier au cimetière Saint-Charles, aller-retour. La course est remportée par le n° 18, René Lavoie de Sillery, en 21 minutes et 5 secondes.
Si Georges Lapointe s’était inscrit à sa propre course, il aurait assurément poursuivi son chemin au-delà du cimetière Saint-Charles, afin de fuir sa seconde épouse, la « très sympathique » Claudia St-Hilaire. En 1922, 1923, 1925 et 1927, il porte plainte contre celle-ci pour assaut et voies de fait[4]. Lors de sa première déposition, datée du 27 février 1922, Georges Lapointe déclare même avoir subi des lésions corporelles. Dans une telle situation, tant qu’à prendre un coup, mieux vaut rester à la taverne que de retourner à la maison!
La course à pied de trois milles et demi organisée par M. [Georges] Lapointe sous les auspices de l’hôtel St-Roch a remporté hier après-midi un extraordinaire succès et des milliers de personnes massées sur la place Jacques-Cartier, la rue St-François et sur tout le parcours ont été témoins de l’épreuve qui a été disputée avec une belle ardeur. Une quarantaine de concurrents, parmi lesquels on remarquait des débutants qui n’en ont pas moins brillamment figuré, s’étaient inscrits dans cette épreuve populaire […] Trois coupes et plusieurs prix seront distribués aux vainqueurs au cours d’une cérémonie spéciale qui aura lieu jeudi soir, à 8 heures, à l’hôtel St-Roch, sous la présidence du Lieutenant-colonel Oscar Gilbert[5].

Crédit photo: Le Soleil, Québec, 4 avril 1931, p. 7 (BAnQ numérique)
Un coup de poing fatal
Trente-quatre ans après la « Course Lapointe », un client régulier de la taverne de l’hôtel St-Roch, Jean-Guy Taillon, jeune homme de Notre-Dame-des-Laurentides, âgé de 27 ans, décède devant l’entrée de celle-ci, après y avoir couru après le trouble. Selon un garçon de table de cette taverne, dans la soirée du 21 avril 1965, la victime va trouver Jean-Guy « Casino » Chouinard à sa table et une vive discussion s’ensuit.
Un peu plus tard, il retourne voir Chouinard, un « gardien de prison plutôt costaud », pour l’inviter à se battre. En raison de ses agissements, Taillon est ensuite expulsé de la taverne. Sur le trottoir de la rue Saint-Joseph, il y attend son adversaire. À la sortie de celui-ci, un combat s’engage. Taillon tombe à la renverse et se fracture le crâne, ce qui va entraîner sa mort[6].
Deux autres bières, Magella!
L’année de ce tragique événement, la taverne St-Roch compte parmi ses garçons de table (serveurs) Paul-Émile Belleau, marié à Madeleine Thibault, ayant fait ses débuts vers 1955; Roger Parent, en poste depuis déjà quelques années; Robert Lapointe, futur époux de Céline Laverdière; Jean-Claude Laverdière, marié à Nicole Cloutier de Notre-Dame-des-Laurentides, et Magella Paradis, futur époux de Doris King, arrivé depuis peu. En 1974, ce dernier va assister à la fermeture de l’établissement.

Crédit photo: Coll. Alain Paradis, fils de Magella Paradis et de Doris King
Ouverte en 1924, la taverne de l’hôtel St-Roch aura été pendant 50 ans un lieu de rencontre pour les gens du quartier et des environs. On y allait prendre une bonne Dow entres amis, fumer une Craven A en toute liberté et conter sa vie à Magella Paradis.
Pour ceux et celles qui aimaient bien la compagnie de Robert « Bob » Lapointe et Roger Parent, il sera possible, en 1975, de les visiter à la taverne Le Bistro, au 2945, 1re Avenue, Limoilou.

Crédit photo: Le Soleil, Québec, 1 octobre 1975, p. E-1 (BAnQ numérique)
Mes remerciements à monsieur Alain Paradis, fils de Magella Paradis et de Doris King, pour le partage de ses souvenirs!

Crédit photo: Coll. Alain Paradis, fils de Magella Paradis et de Doris King
[1] Le Soleil, Québec, 3 août 1915, p. 7 ; 21 août 1915, p. 13.
[2] Le Soleil, Québec, 8 mars 1922, p. 7 ; 2 juin 1922, p. 6.
[3] Le Soleil, Québec, 4 août 1928, p. 10.
[4] BAnQ, Inventaire des documents de la Cour des sessions générales de la paix et de la Cour des sessions de la paix, district judiciaire de Québec, surtout 1800-1927.
[5] Le Soleil, Québec, 9 mars 1931, p. 12.
[6] Le Soleil, Québec, 22 avril 1965, p. 1 ; 28 avril 1965, p. 18.