Lors de son ouverture en 1914, l’hôtel St-Roch, situé au centre des affaires commerciales de Québec, rue Saint-Joseph, adjacent à la place Jacques-Cartier, dispose de 75 chambres meublées de première classe, dont 35 avec bains et cabinets de toilette. Le coût de location varie, l’année suivante, entre 2,50 $ et 4 $ par jour.
La Compagnie de l’Hôtel Saint-Roch, Limitée
Le 1er mars 1912, le sénateur Philippe-Auguste Choquette, Louis Létourneau, député de Québec-Est, Théodore Leclerc, courtier d’immeubles et d’assurances, Antoine Masson, junior, restaurateur, et Louis-Cyrius Jacques, notaire, tous de la ville de Québec, obtiennent des lettres patentes les constituant en corporation sous le nom de La Compagnie de l’Hôtel Saint-Roch, Limitée. Elle représente un capital de 450 000 $, divisé en 4 500 actions de 100 $ chacune. Ces messieurs ont alors un projet très ambitieux : l’érection d’un hôtel de huit étages et de 250 chambres au centre des affaires commerciales de Québec, sur la rue Saint-Joseph, face à la place Jacques-Cartier[1].

Crédit photo: La Presse, Montréal, 20 mai 1911, p. 8 (BAnQ numérique)
« L’Hôtel St-Roch aura de magnifiques bureaux, de splendides chambres à coucher pourvues du téléphone et de toutes les améliorations modernes, de grandes salles de réception, des salons, une grande allée de quilles, une buvette somptueuse. Ce sera surtout et avant tout l’hôtel par excellence des voyageurs de commerce et des hommes d’affaires. »[2]
Un grand hôtel sur papier
Afin de pouvoir ériger cet hôtel sur le site projeté, la Compagnie de l’Hôtel Saint-Roch devra acquérir les propriétés qui s’y trouvent. Il y a notamment l’édifice de la Banque Nationale, situé au coin de la rue Saint-Joseph et de la place Jacques-Cartier et le bloc Leclerc, au 244, rue Saint-Joseph, construit l’année précédente par Théodore Leclerc. Il y a aussi Le Club Royal d’Antoine Masson junior, comprenant un magasin de tabac, un restaurant et une salle de billard, au 11-17, place Jacques-Cartier.

Crédit photo: Quebec, Canada, Issued by The Publicity Bureau, 1912, p. 142
« Les ouvriers sont à démolir la maison de M. Ant. Masson, située coin des rues Jacques-Cartier et St-François. Comme nos lecteurs le savent déjà, cette maison a été achetée par la Cie de l’Hôtel St-Roch. »[3]

Crédit photo: AVQ, CI-N011008
Le 24 février 1913, à l’instar de la Banque Nationale, Théodore Leclerc, président de la Compagnie de l’Hôtel Saint-Roch décide de louer son immeuble de la rue Saint-Joseph, son bloc de brique rouge, allant jusqu’à la rue Saint-François, à sa propre compagnie. L’hôtel St-Roch tel qu’on l’avait imaginé initialement ne verra donc jamais le jour. Il sera plutôt un amalgame d’édifices existants, rehaussés et réparés, et d’une partie neuve de cinq étages, en pierre de taille et en brique pressée.
Au mois de mai suivant, les entrepreneurs Jean-Baptiste Jinchereau et Prudent-Albert Lamonde, de la société Jinchereau et Lamonde, débutent les travaux de construction de ce nouvel établissement hôtelier, selon les spécifications de l’architecte René-Pamphile Lemay.
« J’ai loué mon immeuble où sont actuellement mes bureaux, n° 244, rue St-Joseph, à "La Compagnie de l’Hôtel Saint-Roch, Limitée", pour permette à cette compagnie d’exécuter son projet de doter Saint-Roch d’un magnifique hôtel. Je transporte mes bureaux dans le [sic] Bâtisse du Quebec Railway L. H. & P. Co. (Merger). J’en avise donc tous mes clients, et j’avise aussi tous mes assurés qui déménagent ou qui ont d’autres endossements de police à faire, de bien vouloir, à partir du cinq mai prochain, s’adresser à mes nouveaux bureaux, Bâtisse du Merger, ou à mon associé, M. A. J. DeGuise, où mes employés s’empresseront de leur donner satisfaction. (Signé) Théodore Leclerc. De Leclerc & DeGuise. »[4]
Après l’inauguration, la liquidation
On procède à l’embauche du personnel supérieur[5], dont du gérant Charles Trudel du Château Frontenac et du cuisinier Trefflé Mailloux du Kent House, et à la réalisation d’ouvrages de menuiserie et de maçonnerie, par Jinchereau et Lamonde, à la salle à dîner du bloc Leclerc. Peu de temps après, le « St-Roch », hôtel de 75 chambres, est inauguré en grandes pompes par ses directeurs, le samedi 27 avril 1914. Lors de cette cérémonie d’ouverture, le sénateur Philippe-Auguste Choquette rend hommage au travail et au dévouement de Théodore Leclerc qui, selon lui, « a déployé comme président de la compagnie, une énergie indomptable et une habileté financière peu ordinaire[6] ».

Crédit photo: Le Soleil, Québec, 2 novembre 1925, p. 1 (BAnQ numérique)
Environ trois mois plus tard, cette « habileté financière » de Théodore Leclerc n’est plus aussi applaudie. Le 14 juillet 1914, n’arrivant plus à rembourser leurs créanciers, les directeurs de la Compagnie de l’Hôtel Saint-Roch consentent à liquider leurs actifs, à la demande de la Brasserie Champlain Limitée. Le 27 octobre suivant, l’entrepreneur Jean-Baptiste Jinchereau se porte acquéreur de l’immeuble qu’il a construit, pour la somme de 65 000 $[7]. Quelques jours plus tard, celui-ci, au nom de Jinchereau et Lamonde, se voit adjuger en grande partie le reste des actifs de la compagnie en liquidation : « stocks de liqueurs, cigares et autres provisions », coutellerie, argenterie, verrerie, lingerie, lot de tapis et de linoléums, ustensiles de cuisine, poêles à gaz, coffres de sûreté, caisses enregistreuses et fournitures de bureaux[8].
Jean-Baptiste Jinchereau et son partenaire d’affaires Prudent-Albert Lamonde décident alors de continuer comme par le passé les affaires de l’hôtel St-Roch. Au cours des années suivantes, ces nouveaux propriétaires apporteront quelques modifications à leur établissement hôtelier, dont l’aménagement, en 1915, d’un magasin de chaussures, Au Quincy[9], au rez-de-chaussée de l’ancien bloc Leclerc, et, en 1916, d’un café au goût du jour[10].

Crédit photo: Le Soleil, Québec, 26 décembre 1914, p. 9 (BAnQ numérique)
La deuxième partie de cette série de trois volets sera accessible en ligne dès le dimanche 1er août. Le troisième et dernier volet le sera le dimanche 8 août. Soyez à l'affut!
[1] Le Libre Parole, Québec, 23 mars 1912, p. 2 ; 4 mai 1912, p. 4.
[2] Quebec, Canada, Issued by The Publicity Bureau, 1912, p. 146 et 161.
[3] Le Soleil, Québec, 15 mai 1913, p. 10.
[4] Le Soleil, Québec, 15 mai 1913, p. 2.
[5] Le Soleil, Québec, 14 avril 1914, p. 10.
[6] Le Soleil, Québec, 27 avril 1914, p. 10.
[7] L'Action sociale, Québec, 27 octobre 1914, p. 8.
[8] Le Soleil, Québec, 17 décembre 1914, p. 10.
[9] Annuaire de Québec, 1916-1917, p. 397.
[10] Le Soleil, Québec, 10 juillet 1916, p. 2