Services de consommation supervisée : calmer les esprits

Le projet d’implantation de services de consommation supervisée pour les personnes utilisatrices de drogues par injection et par inhalation dans les présents locaux de la clinique SABSA va bon train. L’organisme communautaire se dit heureux de l’accueil fait à son projet par le public.

Services de consommation supervisée : calmer les esprits | 15 décembre 2020 | Article par Julie Rheaume

La clinique SABSA.

Crédit photo: Google Street View

Le projet d’implantation de services de consommation supervisée pour les personnes utilisatrices de drogues par injection et par inhalation dans les présents locaux de la clinique SABSA va bon train. L’organisme communautaire se dit heureux de l’accueil fait à son projet par le public.

Après la tenue de pétitions défavorable et favorable à l’initiative et deux assemblées d’information en décembre, Monsaintroch a tenu à faire le point sur le dossier avec la directrice générale de SABSA, Amélie Bédard.

Annoncés le 18 novembre dernier, rappelons que les services de consommation supervisée (SCS) sont le fruit d’un partenariat entre la coopérative de solidarité SABSA et le Centre intégré universitaire de la santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale (CIUSSSCN).

Ceux-ci verront le jour dans les présents locaux de SABSA à la fin de février 2021, sur la rue Saint-Vallier Est, à la jonction de Saint-Roch et Saint-Sauveur. L’échéancier va comme prévu.

Pétitions

Fin novembre, une pétition provenant de personnes se disant des « propriétaires préoccupés de la Basse-Ville de Québec» a vu le jour.

Ceux-ci s’opposaient à la mise en place du SCS à l’endroit prévu. « Nous croyons qu’il importe de choisir un emplacement qui minimisera les impacts que pourraient vivre les résidents, les travailleurs, les clients, les touristes et les commerçants du voisinage », écrivaient-ils dans le texte la pétition disponible sur le site Change.org. Le 14 décembre 2020, 137 personnes l’avaient signée.

Une pétition favorable au projet et à son emplacement a aussi été créée sur le même site. À la même date, elle avait quant à elle récolté 1122 signatures.

Certaines vagues

Le projet a fait quelques vagues autant du côté des « contre » que des « pour ».

« On s’y attendait, répond la directrice générale de SABSA, lorsqu’on lui parle des réactions suscitées par l’initiative. Un projet de cette envergure qui s’installe dans des quartiers où il y a de la densité, où il y à la fois des commerces et du résidentiel, ça soulève toujours les passions. C’est pour ça qu’on a aussi procédé par étape, qu’on a fait des assemblées publiques d’information pour être bien en lien avec tout le monde : entendre les préoccupations, autant contre que pour. »

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« Il y a eu beaucoup d’appuis en faveur du projet, ce qui nous a convaincu qu’on était dans la bonne direction », ajoute-t-elle en entrevue téléphonique.

Un « comité de bon voisinage » verra aussi le jour, dit Mme Bédard. Y seront conviés « la police, des représentants de la Ville, commerçants, citoyens, des gens du CIUSSSCN et de SABSA, des utilisateurs de drogues par injection et des représentants des organismes communautaires du secteur (…) pour que l’arrivée (du SCS) dans le quartier se passe bien », énumère la directrice générale.

Assemblées publiques

Une assemblée publique d’information a eu lieu le 3 décembre. Une autre assemblée de « voisinage » destinée à ceux et celles qui habitent près des lieux du futur centre s’est tenue quelques jours plus tard sur invitation. Quelles ont été les principales questions soulevées lors de ces deux rencontres virtuelles?

« Dans les points de vue favorables, il y avait beaucoup de “Enfin!” et “Ça fait longtemps qu’on en parle!'” », répond Amélie Bédard.

Certains participants ont notamment fait valoir que « les utilisateurs de drogue par inhalation et injection sont des citoyens à part entière et qu’ils ont droit à santé et à la dignité », ajoute-t-elle. « Il y avait beaucoup de messages sur la tolérance, le vivre-ensemble, la mixité sociale. C’était très positif. »

Amélie Bédard, directrice générale de SABSA, le 18 novembre 2020.
Crédit photo: Suzie Genest

« Au niveau des craintes, c’est souvent, un peu le syndrome du “pas dans ma cour”. Ce n’est pas qu’on ne reconnaît pas le projet comme étant louable, c’est plus qu’on peut avoir des inquiétudes : est-ce qu’il va y avoir des attroupements? Est-ce que ça va être très visible? Très bruyant? », enchaîne Mme Bédard.

D’autres ont soulevé de possibles impacts sur le sentiment de sécurité des voisins du SCS ou des enjeux liés à la cohabitation dans le quartier.

« Il y a un peu de travail à faire sur les mauvaises perceptions, la mauvaise compréhension, en lien avec ce service-là. Ce n’est pas un lieu où il se fait de la vente ou d’échange de drogue. Les gens viennent chercher un service et après, ils quittent. Ce n’est pas un lieu pour encourager la consommation, mais bien pour la baliser, donner de la supervision, des soins de santé et d’autres services sociaux connexes. C’est un endroit où l’on peut aussi ré-affilier des gens qui sont complètement en rupture avec le réseau de la santé », poursuit la directrice générale.

« Il faut comprendre que la clientèle qui va fréquenter le site (sera composée) de gens qui sont déjà dans le quartier et qui venaient déjà à SABSA. La clientèle ne devrait pas changer beaucoup. Encore, on pense que l’achalandage pourrait même diminuer. Il faut penser que les gens qui consomment des drogues (illicites), par définition, sont dans un contexte d’illégalité. Ils ont tendance à se faire discrets », croit-elle

Le SCS va « proposer des outils pour minimiser les impacts sur la santé » des consommateurs de drogues par inhalation ou injection, ajoute-t-elle.

« Beaucoup de chemin »

Malgré des inquiétudes soulevées par certains individus, SABSA se réjouit de l’accueil fait au projet.

« On est très content des nombreux appuis, des tapes dans le dos et de voir à quel point la population est rendue ailleurs, malgré les opposants qui n’étaient pas si nombreux. Je pense que la réceptivité dans le milieu a été super positive­», dit Mme Bédard.

« Je pense que, dans ce dossier-là, beaucoup de chemin a été parcouru les mentalités ont évolué favorablement. Les gens savent mieux ce qu’est un service de consommation supervisé, ce que ça implique, les bénéfices pour les personnes qui vont fréquenter ces services et aussi pour la communauté locale », ajoute-t-elle.

Un projet de SCS stagnait depuis des années à Québec. Rappelons qu’en 2018, il avait été annoncé qu’un centre d’injection supervisée serait implanté à l’angle des rues Sainte-Marguerite et Monseigneur-Gauvreau, dans Saint-Roch.

Le CIUSSSCN avait ensuite fait volte-face et indiqué qu’il étudiait de nouveaux emplacements, au début de 2019. Au départ, l’organisme Point de repères était le partenaire du CIUSSSCN dans ce projet.

Au printemps dernier, SABSA est devenu le nouveau partenaire du CIUSSSCN à la suite d’un appel de projet.

Un deuxième centre?

Si le besoin se faisait sentir, un deuxième SCS pourrait-il ouvrir dans un autre quartier? Selon Mme Bédard, « la porte n’est pas fermée ». La décision reviendrait toutefois au CIUSSSCN. Avant, il faudrait voir si l’ouverture d’un premier centre sera concluante.

« La volonté est de vivre cette première expérience en termes d’achalandage et de réponse aux besoins (…). On va prendre le temps de bien évaluer si ça répond à la demande et voir comment on réajuste pour la suite », précise-t-elle.

Rappels

Le SCS pourra accueillir une quinzaine d’usagers. Il devrait compter cinq cubicules de consommation et d’injection, un espace d’accueil pour 4 à 5 personnes et un espace de répit, avait-on appris lors de la conférence de presse du 18 novembre.

L’actuelle clinique SABSA déménagera quant à elle dans de nouveaux locaux situés au 265, rue de la Couronne, bureau A, le 18 janvier.

À noter que le terme « centre d’injection supervisée », utilisé dans le passé, fait désormais place à « services de consommation supervisée », pour inclure l’usage par inhalation (pour les drogues illégales).

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