Si saint Roch vivait aujourd’hui parmi nous, au coin des rue Saint-François et du Parvis, il serait reparti en Italie, avant la fermeture des frontières, sans portable ni iPhone, prendre soin des personnes ayant contracté la COVID-19. Dans l’impossibilité de voyager, il aurait eu fort à faire au Québec, dans les Centres d'hébergement de soins de longue durée (CHSLD).
Saint Roch, protégez-nous des épidémies!
Si saint Roch vivait aujourd’hui parmi nous, au coin des rue Saint-François et du Parvis, il serait reparti en Italie, avant la fermeture des frontières, sans portable ni iPhone, prendre soin des personnes ayant contracté la COVID-19. Dans l’impossibilité de voyager, il aurait eu fort à faire au Québec, dans les Centres d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD).
Lo vado in Italia!
Vous souvenez-vous de l’épicentre de la pandémie de coronavirus en Europe au mois de mars dernier? L’Italie. Bonne réponse! Maintenant, question plus difficile : connaissez-vous le nom du saint invoqué par les chrétiens en temps d’épidémie? Indice : du haut de l’église Saint-Roch, lui et son chien Rocky (nom fictif) regardent à l’ouest, vers le quartier Saint-Sauveur. Non, ce n’est pas saint Covid. Il s’agit plutôt de saint Roch, « protecteur et guérisseur des maladies contagieuses en raison de son charisme auprès des exclus de son temps : les pestiférés[1] ». Et devinez dans quel pays saint Roch a fait sa renommée? L’Italie!
Saint Roch de Montpellier
Né à la fin du 13e siècle, ou vers le milieu du siècle suivant, selon les croyances, saint Roch est le fils d’un gouverneur de Montpellier (France). Après la mort de ses parents, alors qu’il est âgé de vingt ans, il se départit de ses biens afin de se faire pauvre à l’exemple du Christ et de saint François d’Assise. Entré dans le Tiers-Ordre, vêtu en pèlerin, il prend le chemin de Rome (Italie) où sévit la peste. Arrivé à destination, il se dévoue aux soins des pauvres pestiférés; à son contact, plusieurs trouvent le chemin de la guérison[2].
Le 16 août dernier était la fête de saint Roch. Pour la majorité d’entre nous, celle-ci passa complètement inaperçue, malgré que nous soyons en pleine pandémie de COVID-19 et que nous ayons, à Québec, un quartier, une église et une rue portant fièrement son nom! Mais saint Roch ne doit pas s’en faire, car, sans notification Facebook, certains oublient même la fête de leurs proches!
La chapelle Saint-Roch
La présence de « saint Roch » à Québec ne date pas d’hier. Vers 1697, les pères Récollets, premiers missionnaires en Nouvelle-France, font construire sur le bord de la rivière Saint-Charles, à l’angle des rues Saint-Roch et des Fossés [boulevard Charest] –sous les actuelles bretelles de l’autoroute Dufferin, là où se trouve un stationnement contigu à une SAQ Sélection – un petit lieu de retraite ou ermitage en forme d’équerre, dans lequel une chapelle est dédiée à saint Roch.
Un document de 1731, émané des Récollets, mentionne au sujet de celle-ci :
« Le secours visible que le ciel a accordé aux peuples de Québec et du pays par la protection de saint Roch, spécialement dans deux maladies contagieuses[3] dont le pays a été affligé en l’année 1699 et à la fin de l’année dernière et au commencement de celle de 1731, a tellement accru la dévotion au grand saint qu’il se fait un concours continuel et si considérable à cette chapelle que sa petitesse ne le peut contenir, ce qui a fait voir aux religieux la nécessité qu’il y a de l’agrandir afin que les messes s’y puissent célébrer avec décence et les peuples y assister avec la commodité nécessaire à leur dévotion[4]. »
Saint-Roch assiégé!
Heureusement pour les gens du quartier Saint-Roch, la chapelle des Récollets a survécu aux bombardements britanniques de 1759. Elle devait pourtant être une cible de choix, étant sur la ligne de front, complètement à découvert. En plus d’apparaître sur une carte de 1760[5], on rapporte également sa présence dans un procès-verbal de chaînage, daté du 16 août 1765, concernant un emplacement de messieurs Jean Marteilhe et François Monier, « situé au quartier de Saint-Roch, vulgairement appelé les terrains de la Maison blanche ».
Durant le siège de Québec de 1775-1776, tenu par les hommes de Benedict Arnold et de Richard Montgomery, plusieurs maisons du quartier Saint-Roch sont incendiées, autant par ces rebelles que par les loyaux sujets de Sa Majesté. L’ermitage et la chapelle auraient-ils été détruits à ce moment?
Louis Trudel et Magdeleine Arnould
Une chose est certaine, sur un plan de Québec de 1778[6], plus rien n’apparaît sur le terrain des Récollets, lequel allait de la rue Saint-Roch à la rivière Saint-Charles, au niveau de la marée basse, et approximativement, du nord au sud, de la rue Saint-François à la rue Des Fossés. Dix ans plus tard, le révérend père Félix de Bercy, commissaire provincial et supérieur général des Récollets de la province de Québec, concède une partie de ce terrain à Louis Trudel, marié à Magdeleine Arnould, pour qu’il puisse se bâtir et se loger. À l’endroit même où se trouvait la chapelle Saint-Roch, dont les vestiges auraient été emportés par la marée[7], une maison en bois est alors érigée[8].
Emportée par la marée et le béton armé!
Plus de 240 ans après la disparition de cette chapelle, saint Roch est toujours présent parmi nous. Tel que mentionné précédemment, une rue, un quartier et une église portent son nom. Mais qu’en est-il des Récollets, de ses disciples de saint François d’Assise? La rue Saint-François, tracée aux alentours de 1751, menant alors au terrain des Récollets, nous rappelle leur présence. De ce terrain, obtenu en échange de leur couvent Notre-Dame-des-Anges (Hôpital général), ces révérends pères avaient toute une vue sur l’embouchure de la Saint-Charles, le fleuve Saint-Laurent, l’Île d’Orléans et les battures de Beauport.
Aujourd’hui, en 2020, le site de l’ancienne chapelle Saint-Roch est assurément l’un des plus laids de Québec : un jardin asphalté protégé d’un toit béton, arrosé quotidiennement par des gaz d’échappement ! Vraiment, un peu de verdure à cet endroit ferait grandement du bien! Je comprends désormais pourquoi saint Roch, du haut de l’église, fait dos à son ancienne chapelle. Saint Roch, si vous m’entendez, veuillez accepter nos excuses et continuer de veiller sur nous, surtout en cette période de pandémie!
« Sur la remontrance à nous faire par le révérend père Hyacinthe Perrault, commissaire provinciale des récollets des missions de la Nouvelle-France et gardien du couvent de Québec, qu’en vertu du contrat d’échange qu’ils ont fait avec monseigneur l’évêque de Québec de leur couvent de Notre-Dame-des-Anges, proche de Québec, pour en faire l’Hôpital général, et par lettres patentes spéciales du dit seigneur évêque, il leur était permis d’établir et de bâtir un petit lieu de retraite ou Hermitage, sur le bord de l’eau où ils puissent avoir un petit débarquement de leur chaloupe et canots et y faire un jardin, d’où ils puissent tirer des légumes et racines nécessaires pour leur subsistance, s’étant par le dit échange de leur couvent privés en faveur des pauvres et ces commodités-là qu’ils ne peuvent recouvrer que par ce seul moyen[9]. »
[1] Henri Bourbon, Saint Roch : son histoire mêlée à sa légende, son culte, ses représentations. http://roch-jaja.nursit.com/IMG/pdf/saint-roch-h_bourbon.pdf
[2] Saint Roch, pèlerin (vers 1380). https://nominis.cef.fr/contenus/saint/1678/Saint-Roch.html
[3] La ville de Québec est frappée en 1699 et à l’hiver 1730-1731 par une épidémie de variole (petite vérole).
[4] Archives nationales d’outre-mer (France), COL C11A 54/fol.266-267, Placet adressé au ministre Maurepas par les Récollets de Québec demandent le paiement du terrain qui leur a été pris par Bégon pour l’agrandissement du jardin du palais: cette somme leur permettrait d’agrandir la chapelle consacrée à la dévotion à Saint-Roch, 1731.
[5] Bibliothèque et Archives Canada (BAC), Plan of Quebec, 1760, H2/340/Quebec/[1760](1805).
[6] Bibliothèque et Archives Canada (BAC), Plan of Cape Diamond and of the Heights of Abraham […], 1778, H1/340/Quebec/1778.
[7] Le bulletin de recherches historiques, avril-mai-juin 1956, vol. 62, n° 2, Lévis, p. 111.
[8] BAC, Demandes de terres du Bas-Canada, 1766-1841, RG 1 L3L, vol. 95, p. 92817.
[9] Archives nationales d’outre-mer (France), COL C11A 54/fol.270-271, Concession de trois arpents de terre par Frontenac et Champigny aux Récollets de Québec pour l’établissement d’un petit ermitage, 4 novembre 1693.
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