Au fil des spectacles présentés par le Carrefour international de théâtre, les expériences s’accumulent pour faire de cette édition l’occasion parfaite de réflexion sur notre rapport à l’autre. Cet autre qui vient d’ailleurs ou celui dont on se méfie : plusieurs propositions abordent les thèmes de l’altérité, de l’identité, de la diversité culturelle et des trop nombreuses divisions qui marquent notre époque. Comme si l’équipe de programmation avait senti que Québec avait bien besoin de se regarder dans le miroir au sujet du vivre-ensemble, et de profiter de l’efficace reflet social qu’offre le théâtre.
Carrefour international de théâtre : au-delà des identités, le vivre-ensemble
Au fil des spectacles présentés par le Carrefour international de théâtre, les expériences s’accumulent pour faire de cette édition l’occasion parfaite de réflexion sur notre rapport à l’autre. Cet autre qui vient d’ailleurs ou celui dont on se méfie : plusieurs propositions abordent les thèmes de l’altérité, de l’identité, de la diversité culturelle et des trop nombreuses divisions qui marquent notre époque. Comme si l’équipe de programmation avait senti que Québec avait bien besoin de se regarder dans le miroir au sujet du vivre-ensemble, et de profiter de l’efficace reflet social qu’offre le théâtre.
Les mains de Nassim
Nassim Soleimanpour est Iranien, sans passeport jusqu’à tout récemment. Son texte a voyagé sans lui dans une cinquantaine de pays avant qu’il puisse enfin à son tour le faire vivre à travers la tournée que nous avons eu la chance d’accueillir à Québec. On le rencontre à travers ses mains, projetées sur grand écran, qui font défiler des cartons sur lesquels est écrit le texte de la pièce, confié à une actrice locale qui n’a aucune idée de ce qui l’attend. Ainsi se produit la rencontre, en français et en farsi, dans l’inattendu qui laisse place à toute l’humanité des deux protagonistes.
Au passage, Nassim nous ramène dans son village d’enfance, nous met en contact avec « mamann », sa mère, et pose habilement le constat que malgré la barrière de la langue, un lien fort est possible. Une expérience rassembleuse et remplie de délicatesse qui permet de déceler ce qui, fondamentalement, nous lie : l’enfance, le langage, le voyage…
À la rencontre d’Hakim
Hakim à Québec a été présenté à quelques curieux – trop peu nombreux à notre avis – dans la série des « dire-lire » (lectures), le 27 mai dernier. Fruit d’une enquête de l’auteur et metteur en scène Maxime Beauregard-Martin, qui a su bien s’entourer pour cette démarche, la pièce présente avec beaucoup d’humilité, de sensibilité et de justesse des témoignages autour de la question du vivre-ensemble à Québec. Des non-acteurs, principalement, nous racontent avec tendresse et lucidité leurs expériences d’intégration à Québec, de rapport à soi et à l’autre, de questionnements identitaires.
En évoquant à peine à quelques occasions la tuerie à la mosquée et le projet de loi sur la laïcité, la pièce place tout de même adroitement en trame de fond le malaise qui plane actuellement à Québec en matière d’immigration et la division qui y règne concernant la reconnaissance du racisme systémique qui y rampe encore. Heureusement, on retrouve dans Hakim à Québec une bonne dose de légèreté grâce à la candeur que l’on reconnaît chez l’auteur, qui joue son propre personnage, et du naturel de chacun des intervenants sur scène. On y parle de l’humain plus que de politique et, enfin, on se donne un peu d’air pour aborder ces thématiques sous l’angle de la rencontre, de l’ouverture, de l’imperfection.
Une véritable communion entre cultures arabo-musulmane et québécoise, d’autant plus que Hakim à Québec était présenté en plein mois du ramadan dans La Nef (ancienne église Notre-Dame de Jacques-Cartier), un choix on ne peut plus judicieux. Tout le public vibrait au son du luth oriental et des percussions qui ponctuaient le spectacle en nous laissant pensifs entre les scènes. Un moment de grâce collective qui a atteint son apogée lors de l’appel à la prière qui a résonné en pleine représentation, nous invitant à rompre le jeûne ensemble, en partageant thé à la menthe et dattes fraîches. Une appel à estomper les lignes qui tracent les contours de nos identités et à embrasser tout ce qui nous rassemble.
Wajdi et ses oiseaux
La très attendue présentation de Tous des oiseaux de Wajdi Mouawad a eu lieu le 3 juin dans un Grand Théâtre de Québec bien rempli. Ayant pour point de départ l’histoire d’amour déchirante entre un jeune juif allemand d’origine israélienne et une jeune américaine d’origine palestinienne, la pièce bascule habilement vers une tragédie familiale comme celles auxquelles nous a habitués Mouawad. Un voyage sur les terres de leurs origines, en plein conflit israélo-palestinien ramène brusquement les deux tourtereaux, « oiseaux du hasard », aux sources de leurs identités métissées. Tandis que la famille du jeune homme s’entredéchire, les révélations brutales surgissent comme les bombes qui éclatent tout autour.
La présentation, d’une grande qualité scénique, est entièrement surtitrée alors que les dialogues en anglais, en hébreu, en arabe et en allemand appuient astucieusement le propos sur la division et la haine de l’ennemi. Cet ennemi que l’on se construit, mentalement et socialement, alors qu’intimement nous nous équivalons tous, avec nos 46 chromosomes. L’enfermement de l’esprit que dénonce ici Mouawad résonne encore longuement après la pièce, nous rappelant que « nous sommes tous dans un coma que l’autre ne peut comprendre ».
Il est encore temps de profiter du Carrefour international de théâtre, qui se poursuit jusqu’au 8 juin.
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369, Rue de la Couronne, Québec (Québec), G1K 6E9
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