Traverser le boulevard Charest représente depuis longtemps un danger pour les piétons. À la hauteur de la rue Saint-Dominique, par exemple, de nombreux automobilistes brûlent le feu rouge pendant que celui des piétons est en fonction. À quand un brigadier armé… de courage et de patience pour faire respecter le Code de la sécurité routière?
La brigade de sécurité de Saint-Roch
Traverser le boulevard Charest représente depuis longtemps un danger pour les piétons. À la hauteur de la rue Saint-Dominique, par exemple, de nombreux automobilistes brûlent le feu rouge pendant que celui des piétons est en fonction. À quand un brigadier armé… de courage et de patience pour faire respecter le Code de la sécurité routière?
Le boulevard des Fossés
À l’automne 1928, afin de décongestionner du trafic la rue Saint-Joseph, le maire de Québec, Oscar Auger, propose l’élargissement de la rue voisine, soit la rue des Fossés[1]. Dès l’année suivante, après l’expropriation de 55 propriétés du côté sud de cette rue, la Ville de Québec peut débuter la construction du boulevard projeté, de la rue Saint-Roch au boulevard Langelier[2].
Traversant le quartier Saint-Roch d’est en ouest, le boulevard des Fossés, rebaptisé Charest à compter de 1933[3], entraîne rapidement un problème de sécurité pour les élèves du quartier, particulièrement ceux de l’école Lagueux. Situé à l’angle du nouveau boulevard et de la rue Grant [Monseigneur-Gauvreau], cet établissement scolaire pour jeunes garçons, dirigé par les Frères des Écoles chrétiennes depuis 1852, compte en 1936 365 élèves répartis dans dix classes[4].
La brigadier portant bretelle et ceinturon blanc
Le 5 avril 1932, pour sauvegarder la vie des écoliers à la sortie des classes, on inaugure à l’école Lagueux de Saint-Roch la toute première « brigade de sécurité » de la ville de Québec. Sous la surveillance du révérend frère Virgile, directeur de l’école, de quelques officiers de la Ligue de sécurité de la province de Québec (dont monsieur Lucien Borne) et du sous-chef Bigaouette de la police de Québec, un groupe de jeunes élèves, la brigade, a pour mission de traverser le boulevard des Fossés. Le groupe est aidé dans cette mission d’un chef de brigade portant bretelle et ceinturon blanc bien visiblement sur son veston. Choisi parmi les étudiants les plus méritants des classes supérieures, ce chef de brigade, ou brigadier, a pour consigne de se diriger au milieu du boulevard des Fossés pour y signaler la suspension du trafic aux automobilistes et charretiers[5].
Suivant cette expérience, on décide au mois de décembre d’établir de façon permanente un système de brigade de sécurité à l’école Lagueux ainsi qu’à l’Académie Saint-Roch, située sur la rue Saint-François, entre les rues Dorchester et de la Couronne, et dirigée également par les Frères des Écoles chrétiennes. Contrairement au printemps précédent, « les brigadiers n’auront pas à se rendre au milieu de la rue pour arrêter la circulation avant de laisser passer leurs camarades. Ils demeureront sur le trottoir, et donneront de là le signal de départ[6]. »
«Il y a une quinzaine d,’années encore, ces brigadiers auraient été inutiles. Le professeur et les parents pouvaient assumer eux-mêmes la surveillance nécessaire. Les dangers de la rue n’étaient pas considérables. Un peu d’attention au départ de la maison ou de l’école, ou au moment de l’arrivée : et c’était suffisant. Mais les automobiles meurtrières se sont si vites multipliées, elles se pressent en nombre si considérables dans certaines rues, et même dans le voisinage des écoles que l’on a dû reconnaître la nécessité d’une solution complétant la surveillance exercée par les professeurs et les parents[7].»
Quatre ans plus tard, le système de brigade scolaire, qui a remporté un grand succès depuis son implantation – ayant permis à maintes reprises d’éviter des accidents graves et même des pertes de vie – se retrouve dans quinze écoles de garçons de la ville de Québec, situées dans différents quartiers, dont Saint-Roch, Montcalm, Saint-Sauveur et Limoilou[8].
Les automobilistes délinquants!
Le 14 janvier 1948, le journal L’Action catholique rapporte qu’il fut question à l’hôtel de ville de Québec du retour des brigades scolaires, disparues quelques années avant sur les instances des parents[9]. Selon l’échevin Joseph Matte, l’un des conseillers du quartier Saint-Roch, « l’attitude dangereuse de certains automobilistes à l’égard des brigadiers scolaires a été la cause principale de leur disparition. Certains jeunes ont couru de véritables dangers en tentant de protéger leurs compagnons[10]. »
Neuf mois plus tard, à la suggestion du maire de Québec, Lucien Borne, « les autorités policières seront priées d’organiser des brigades scolaires partout où il y a dangers pour les enfants aux abords des écoles ». Au sujet du rétablissement de ces brigades, l’échevin Alphonse Boutet, autre conseiller du quartier Saint-Roch, tient à rappeler à ses confrères « que l’expérience a démontré à Québec qu’elles n’ont pas l’efficacité voulue à cause du manque de respect que les automobilistes accordent aux brigadiers » [11].
Un troisième lien pour les cieux?
Pas moins de 91 ans après l’inauguration de la première brigade scolaire à Saint-Roch, la sécurité des élèves et des piétons est toujours un enjeu important de notre société. La vie va si vite… avons-nous vraiment besoin de brûler des feux rouges pour arriver plus tôt à notre mort? Allons-nous devoir élargir l’autoroute ou construire un troisième lien pour nous rendre aux cieux ou au CIUSSS ?
[1] Le Soleil, Québec, 10 octobre 1928, p. 18.
[2] Le Soleil, 24 avril 1929, p. 3.
[3] Le 28 mai 1933, le règlement 332 de la Ville de Québec fait en sorte que les rues Charest et des Fossés deviennent le boulevard Charest. www.ville.quebec.qc.ca/citoyens/patrimoine/toponymie
[4] Ces chiffres proviennent du livre L’œuvre d’un siècle, 1837-1937. Les Frères des Écoles chrétiennes au Canada, Montréal, 1937, p. 193 et 336.
[5] Le Soleil, 5 avril 1932, p. 1.
[6] Le Soleil, 13 décembre 1932, p. 1 et 6.
[7] Le Soleil, 19 décembre 1932, p. 3.
[8] Le Soleil, 16 septembre 1936, p. 18.
[9] Elles ont probablement disparu à Québec en 1946.
[10] L’Action catholique, Québec, 14 janvier 1948, p. 8.
[11] Le Soleil, 14 octobre 1948, p. 1.
Soutenez votre média
Contribuez à notre développement à titre d'abonné.e et obtenez des privilèges.