Non, vous ne verrez pas de foodtruck à l’endroit le plus achalandé dans Saint-Roch
POINT DE VUE | La Ville de Québec a annoncé hier les sept candidatures recommandées et les 12 sites potentiels pour le projet pilote de cuisine de rue qui débutera à la mi-juin. C’est avec une certaine stupéfaction et une déception que je constate l’absence de l’emplacement que j’aurais cru rêvé, pertinent, idéal, achalandé : la place de l’Université-du-Québec et le parc Saint-Roch.
Imaginez la rue Sainte-Hélène fermée les midis de semaine, camions de cuisine de rue stationnés de part et d’autre. Les travailleurs sortent profiter de l’heure du dîner pour faire le plein de soleil et remplir leur estomac… Avouez que c’est un spot on ne peut plus rêvé ! La concentration des entreprises y est forte. L’artère commerciale voisine, la rue Saint-Joseph, contribuerait aussi fortement au succès de cet emplacement. Oh, mais fermer une rue, c’est compliqué, hein ? Je vous entends ! Alors on pourrait facilement stationner les camions sur la place de l’Université-du-Québec ? Ah, mais on a décidé que c’était trop dangereux pour les restaurateurs du coin…M’intéressant au sujet, j’ai investi quelques heures dans la lecture du rapport du comité, pour me permettre de questionner l’orchestration derrière les critères mis en place et leur influence sur le résultat souhaité.
La table est mise, les jeux sont faits
Bien que les discussions sur la cuisine de rue remontent à belle lurette à Québec, il faut se rappeler qu’en 2016, le maire Labeaume avait abordé le sujet avec une certaine préconception de ce que les citoyens voulaient. Il avait même affirmé qu’il s’agissait d’une lubie des médias. C’est donc sans surprise qu’on constate un contrôle exercé par la mise en place d’un projet pilote.Nos élus ont invité à la table du groupe de travail sur la cuisine de rue dix personnes, dont deux restaurateurs (Nourcy, Groupe Restos Plaisir) et des organismes comme les Sociétés de développement commercial (SDC) et l’Association des restaurateurs du Québec (ARQ). Ces dernières ont comme mission de représenter les intérêts de leurs membres, un peu comme des lobbyistes. Demandez à l’association des hôteliers s’ils aiment Airbnb, aux coops de taxis s’ils aiment Uber…
Une couille dans le potage
On peut lire dans le rapport :
Les restaurateurs ne partagent pas l’avis des citoyens en matière d’emplacement. Ils sont plutôt d’avis que les camions de rue devraient opérer en périphérie des zones clés de Québec. L’emplacement des camions-cuisine est donc le principal enjeu des restaurateurs, considérant que la concurrence est féroce dans le milieu de la restauration à Québec, en raison du très grand nombre de restaurants et du bassin de population limité. »
On a donc formé un comité de restaurateurs et de représentants de groupes de lobbying de la restauration traditionnelle pour savoir s’ils accepteraient de la compétition. La seule voix en possible faveur de la cuisine de rue était Nourcy, qui a déjà un camion qu’il opère lors des événements.J’ai eu la chance de côtoyer des centres-villes offrant les deux alternatives… Il faut vraiment ne pas être allé sur le terrain pour s’imaginer que le repas qu’on achète dans un foodtruck est dans la même considération de service que celui d’un restaurant, où l’on s’assoit et où l’on est servi. La seule compétition véritable est celle des épiceries et sandwicheries. Avons-nous par ailleurs oublié que nous sommes au Québec, dans un climat qui limitera inévitablement le temps d’opération à la période estivale ?Je crois qu’il est légitime de se questionner sur les intentions réelles de la Ville derrière la mise en place de la cuisine de rue à Québec. Généralement, lorsqu’on tente un projet pilote, on cherche à aller à la découverte de la meilleure formule, on donne toutes les chances à l’initiative en explorant l’ensemble des possibilités, plutôt que de les restreindre dès le départ.À lire aussi : Cuisine de rue : les restaurateurs et les sites sont connus.
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