Le déclin de l’empire américain : plus ça change, plus c’est pareil!
Il est presque désemparant de réaliser qu’en 2017, 30 ans après le succès phénoménal du film de Denys Arcand, les propos tenus en toute désinvolture par les protagonistes en 1986 sont toujours sonnants de vérité. Patrice Dubois et Alain Farah signent une adaptation théâtrale du Déclin de l’empire américain cinglante et juste.
Quatre hommes et quatre femmes, intellectuels de haut niveau et au statut social élevé, se retrouvent en campagne afin de passer une fin de semaine entre amis. Dans l’après-midi, les hommes préparent le souper – ou plutôt un seul homme prépare le souper alors que les trois autres se présentent leurs trophées de chasse – et les femmes s’étirent et s’évertuent à se convaincre mutuellement de leurs grandes histoires de baises. Le soir venu, il en faut très peu pour mettre le feu aux poudres.
Une tragédie sans clichés
Détestablement magnétiques, les personnages sur scène représentent bien une élite qu’on aime haïr. De très grands penseurs qui semblent complètement déconnectés de la réalité, par moments, mais qui démontrent une formidable fragilité. Pour plusieurs, leur vie semble un échafaudage monté avec des cartes à jouer, et il suffit d’un coup de vent pour tout faire tomber. Pour certains des personnages, on en vient presque à croire qu’ils ont choisi de faire en sorte que tout foute le camp… Dans une entrevue dans le dossier de présentation du spectacle, Alain Farah souligne :
(…) j’étais parti sur ce mode en me disant que Le déclin était un film un peu aristocratique, pour voir que finalement, il est beaucoup plus raffiné que ça. Derrière les effets de manche, derrière la logorrhée des personnages, ce qui est en jeu est assez tragique .
La tension dramatique du spectacle est en effet construite comme une tragédie; on sait que ça finira mal, dans le déchirement. Les interprètes démontrent une vulnérabilité touchante au moment où tout éclate. Soulignons notamment Dany Boudreault, interprétant l’ami homosexuel qui réussi à rendre le spectateur très mal à l’aise et à renverser plus tard complètement la vapeur par son jeu empreint d’humilité. Marilyn Castonguay, en étudiante en histoire et escorte, est également fort juste et touchante dans son interprétation nuancée d’un personnage qui aurait facilement pu tomber dans les clichés. Il faut dire que le niveau de jeu des acteurs est saisissant au moment où la tension dramatique atteint son comble et où tout fout le camp.
Le pire d’une génération
L’adaptation théâtrale de Le déclin de l’empire américain présente la génération X dans ce qu’elle a de pire, voire d’insignifiant, tout comme les baby boomers du film de Denys Arcand en 1986. C’est un portrait qui ne représente pas la majorité, mais montre au grand jour le cynisme d’une génération qui est venue après les boomers, ceux pour qui tout était possible. Et il est fort intéressant de constater que ces mêmes boomers tenaient des propos similaires dans le scénario présenté il y a trente ans. Comme quoi, plus ça change, plus c’est pareil…
Le déclin de l’empire américain est présenté au Théâtre de la Bordée dans le cadre du Carrefour international de théâtre ce vendredi 9 juin à 21 h et ce samedi 10 juin à 17 h.
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