CHSLD : le quotidien de survivants légèrement détraqués — et acrobates sur les bords
Le décor ne trompe pas : on se trouve dans un salon de résidence pour personnes âgées. Chaises berçantes, murs d’une couleur années-quatre-vingt-indigeste… Et avant même la levée de rideau officielle, on rit — je ne vous dis pas comment, à vous d’aller constater. Bref dès qu’on s’assoit dans la salle, on ressent déjà l’atmosphère dans laquelle veut nous plonger la pièce. Bienvenue au CHSLD, Centre d’humbles survivants légèrement détraqués.
Rires, pirouettes et Ô Canada
Dès le moment où l’on anticipe l’entrée des premiers survivants — ombres, bruits de pas (et de canne!) lents —, on entre dans un univers qui mimique la réalité de personnes qu’on oublie, néglige trop souvent comme société. Nos aînés.
Vieillesse, mémoire, souvenirs, pilules, mobilité réduite, couches… Tout y passe. Pas vraiment en mots (oui, ici et là), mais en gestes, en pitreries, onomatopées, un peu de musique (le Ô Canada et Jacques Brel) et culbutes. Car cette pièce emprunte au cirque (et à ses clowns).
Quelque part entre la vraie vie et la caricature, on rit, on réfléchit. Et quelque part, on pense tous à notre grand-mère. Ou à notre grand-père. À leur solitude, leur passé. À l’infinie mélancolie qui les accompagne. Et, pour certains, on a peut-être des remords.
Rires oui, mais aussi sourires et moments touchants. Vrais. Réels. Car, au fond on le sent, ces moments qu’on voit devant nous, ça existe. Ça arrive.
Personnalités et jeu physique
Même sans grands dialogues ou tirades, on ressent bien les personnalités de chacun des personnages. Le vieux couple formé d’un ancien soldat patriote et de sa beauté latine, maintenant plus abuela. Le nouveau résident dragueur. Le grand-père jovial et joueur de tours. La vieille fille pleine de ressources (et de souvenirs). Sans oublier le gentil-préposé-qui-fait-sa-job-avec-amour-mais-pas-trop-car-on-est-professionnel-et-on-sa-propre-vie.
Et les comédiens se donnent pour les interpréter. Autant dans leur jeu, qui se transpose surtout dans leurs gestes et leurs expressions, que dans les pirouettes qu’ils effectuent pour nous faire rire. Entre le cirque et leur jeu comico-dramatique, les comédiens jouent avec souffle. Car il en faut, du souffle.
Pirouettes, culbutes, petites acrobaties, leur jeu demande coordination et chorégraphie. C’est impressionnant de les voir. Je les imagine à la fin de la soirée, épuisés mais heureux. On le sent, ils ont un plaisir immense sur scène. Une chimie entre eux, mais aussi avec le public.
Mise en scène : simplicité, silences et chorégraphie
Entre le décor réaliste et sobre, les silences pleins de sous-entendus et de rires du public et les chorégraphies sorties tout droit du cirque, la mise en scène se révèle simple et efficace. Elle laisse la place aux personnages et à l’expérience personnelle du public.
Chaque personne dans la salle, à un moment ou à un autre, s’est rappelé un être cher. Une grand-mère, un arrière-grand-père, une tante.
Il y a quelque chose dans cette pièce. Ce n’est pas la pièce qui va vous sortir de votre zone de confort, comme ils disent, et qui va vous shaker pendant des jours. Mais avec simplicité, gaieté, émotion et personnalité(s), Centre d’humbles survivants légèrement détraqués nous amène à regarder et à réfléchir, en douceur, à la manière dont nous laissons nos aînés à eux-mêmes — et à leur solitude.
Centre d’humbles survivants légèrement détraqués (CHSLD) est présenté jusqu’au 18 novembre 2017 au Théâtre de la Bordée.
Pour en savoir plus ...
315, rue Saint-Joseph Est, Québec (Québec), G1K 3B3
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