Carrefour international de théâtre 2017 : mes coups de coeur
Le rideau tombe sur la 18e édition du Carrefour international de théâtre et l’heure est au partage des propositions qui nous ont le plus charmés dans la programmation relevée. Trois coups de coeur – et bien des moments de contemplation, de réflexion et d’émotions – ont marqué Saint-Roch cette année.
We love Arabs : Gaga d’Hillel Kogan
Alors que la programmation régulière de notre bien-aimée Rotonde est achevée, le Carrefour a su prolonger le plaisir des amateurs de danse en accueillant l’Israëlien Hillel Kogan. Non seulement on a pu l’apprécier sur scène dans We love Arabs, mais on a aussi profité d’une classe de mouvement Gaga avec lui quelques jours plus tard dans la toute nouvelle Maison pour la danse. La pièce aborde sérieusement mais sans se prendre au sérieux les thèmes de l’identité, des relations entre Juifs et Arabes en Israël, avec en trame de fond toute la question du rapport à l’autre. Et c’est dans l’autodérision et le charisme fou d’Hillel que cela prend son sens et tire toute sa puissance, à travers les grossiers clichés qu’il expose et les conventions qu’il brise.
Sur scène ou dans le studio de danse, on reconnaît l’humanité et la réflexion qui l’habitent grâce à une authenticité et une disponibilité très vives. Les ateliers Gaga/People qu’anime Hillel ont d’ailleurs cette qualité de démocratiser la classe de danse de manière telle qu’on ne distingue plus qui des participants est danseur professionnel ou non. On prend plaisir à jouer dans l’espace et explorer les possibilités de son corps sous la guidance d’Hillel alors qu’il nous invite à « flotter dans l’air » ou « se laisser guider par nos hanches ». Difficile pour ceux qui ont assisté au spectacle de retenir un sourire en repensant à son personnage sur scène : un chorégraphe intense qui réprimande son danseur en lui répétant qu’il « a perdu le bassin ». Quel magnifique alliage que cette classe de danse proposée en parallèle au spectacle. Un grand coup du Carrefour, à répéter !
Projet BBQ : comme une grande fête de quartier
La tendance est aux foodcrawls, et l’audacieuse équipe de Projet BBQ a su tirer sur ce filon pour sortir le théâtre des murs et l’inviter au restaurant. Cinq arrêts, cinq propositions théâtrales brèves et cinq accords culinaires, entrecoupés de balades pour se rendre d’un restaurant à l’autre. On a mangé des grillons en riant du malaise créé par un philanthrope aux propos xénophobes, une huître en observant un personnage mourir empoisonné par l’une d’elles, et l’un des précieux morceaux de la dernière production d’un fromager décédé cet automne, en se faisant raconter le drame d’une saisie chez des artisans fromagers.
Pendant que certains spectateurs trouvaient les déplacements longs entre les établissements, d’autres ont apprécié pouvoir découvrir au passage des quartiers qu’ils fréquentent peu. Rapidement, les participants discutent entre eux du boudin du Pied bleu (sacré parmi les meilleurs au monde d’année en année) ou du chantier du Kaméléon, sur lequel le Coin de la Patate offre une vue privilégiée. Comme le laissait entrevoir la version « en construction » de l’an dernier, la magie de Projet BBQ opère. Quelle belle façon de mettre en valeur Saint-Roch et Saint-Sauveur !
Nombre : créer la rencontre
Les laboratoires du Carrefour international de théâtre sont l’occasion de voir poindre l’idée un peu brouillonne qui, souvent, quelques années plus tard, se trouve en salle dans sa forme achevée. C’était le cas l’an dernier avec Hôtel-Dieu, qui se retrouve dans la programmation 2017-2018 du Théâtre Périscope et que l’on attend avec impatience. Je nous souhaite à nous, public, un parcours similaire pour le laboratoire Nombre, présenté Studio d’essai de Méduse et qui s’avère particulièrement prometteur.
Participatif à l’extrême, le spectacle mise entièrement sur le public, sur les épaules duquel repose l’expérience. Guidé par des consignes numérotées, chacun posera des gestes, se confiera et rencontrera l’autre, les autres. Quelques interventions des comédiennes et conceptrices ponctuent l’expérience et contribuent à inciter les spectateurs à traverser la frontière de la gêne pour se livrer, sans trop de pudeur, en réponse aux questions qui leur sont posées. Une bulle introspective et bienveillante, qui brise l’anonymat traditionnel de la salle de théâtre et qui s’achève dans une finale remplie d’humanité et de poésie.
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