Saint-Roch 1973-2009 par Robert Fleury (1 de 7) : « Es-tu tombé sur la tête ? »
Journaliste retraité, Robert Fleury a longtemps travaillé dans le quartier Saint-Roch, au journal Le Soleil. Il y a aussi habité de 1990 à 2009. Dans une série de sept billets, il partage ses souvenirs avec les lecteurs de Monsaintroch. Voici le premier.
1973. Mes premiers souvenirs du quartier Saint-Roch. Même la ville de Québec m’était peu familière.Nous venions de nous installer dans la proche banlieue, car j’avais été embauché au journal Le Soleil, situé alors au 390 rue Saint-Vallier Est. Comme tous les banlieusards, ma connaissance du quartier se limitait aux allers-retours au travail et, à l’occasion, à la fréquentation de quelques restos et tavernes.Je me souviens, non sans nostalgie, d’un vieux collègue qui rédigeait sa chronique devant la fenêtre qui donnait sur la rue de la Couronne… attablé au Chat Blanc, avec sa vieille Remington. Pour quelques dollars, de savoureuses saucisses et une ou deux drafts. Des chaises capitaine au fini patiné et usé, mais confortables.Saint-Roch avait encore à l’époque l’allure d’un centre-ville. Avec ses grands magasins, les Paquet, Pollack, le Syndicat et Laliberté. Et son mail Saint-Roch encore tout neuf qui se voulait une alternative aux nombreux centres d’achats qui poussaient en périphérie. Mais ils étaient de moins en moins fréquentés. Une décennie plus tard, seul survivrait Laliberté.Aujourd’hui tendance et pimpante, la rue Saint-Joseph n’était plus alors que l’ombre d’elle-même.De nombreux commerces fermaient les uns après les autres. Pas seulement sur Saint-Joseph, mais aussi sur Charest, sur Dorchester, sur de la Couronne, sur Saint-Vallier Est. Qui se souvient de l’Alitalia ? De Rochette ? De Kresge ?Si certains cinémas de films XXX sont disparus sans qu’on les regrette, on peine à imaginer que la culture se limitait aux films de série B, là où se trouvent aujourd’hui La Bordée et L’Impérial Bell. Il fallait peut-être que le quartier meure de mort lente pour éprouver ses premiers signes de renaissance. Une renaissance qui s’est fait attendre et qui, aujourd’hui encore, demeure fragile.
« Plywood City »
Vers la fin des années 1980, la rue Saint-Joseph avait perdu la moitié de ses magasins. Oui, un local commercial sur deux était fermé, placardé… ou prêté à un artiste ou un organisme communautaire pour y maintenir un semblant de vie en vitrine. Je les avais comptés. Désolant. Le taux d’occupation des édifices à bureau et commerciaux n’était guère plus reluisant : 45 % !1990. Retour en ville. Fini le trip de la campagne. Une maison au cœur du quartier, à deux coins rues du Mail Saint-Roch. Travailler à distance de marche. Redécouvrir un quartier où je n’avais fait que passer.C’est en marchant au bord de la rivière, en arpentant les rues, en examinant l’architecture ouvrière des édifices et des maisons centenaires, leurs corniches et logettes, qu’on découvre à quel point ce quartier est beau. Et mal aimé.Je me souviens encore de la stupéfaction d’une collègue en apprenant que je venais de m’installer dans le quartier : « Saint-Roch ? Mais es-tu tombé sur la tête ? »Il faut dire que vue des fenêtres du journal, la future Grande Place n’était plus qu’un champ de ruines avec ses édifices démolis. « Plywood City », écrivait un collègue.
La suite demain mercredi 21 décembre : « Vous n’avez pas eu peur ? »
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