MEC, le centre-ville et nous
Jeudi matin, un article de Jean-Michel Genois Gagnon du Soleil révèle que le Mountain Equipment Coop (MEC) de Saint-Roch, le seul à Québec, envisage l’exode vers Lebourgneuf. Une source interne anonyme aurait vendu la mèche, parlé de manque d’espace, de stationnement problématique.
La directrice des communications du MEC ne nie pas ni ne confirme. Ses homologues servent la même non-réponse aux membres inquiets, déçus, choqués sur la page Facebook de MEC Montréal ou sur celle de Gardons MEC au centre-ville de Québec, apparue dans l’avant-midi. Tim des publics affairs de MEC Vancouver me joue la cassette dans la langue des Rocheuses.
L’environnement ?
Jeudi midi, je parle avec Sébastien St-Onge, qui a travaillé à Vivre en ville et pour l’ATI Limoilou (CDÉC). C’est toutefois le père de famille limoulois qui me répond. Il aime pouvoir acheter des vêtements pour ses enfants à proximité, sans devoir aller au centre commercial ni rouler jusqu’à… Lebourgneuf. Il apprécie l’offre de MEC : une marchandise de qualité, résistante, durable, des valeurs éthiques, écologiques. Mais justement, quitter un quartier urbain central dense pour Lebourgneuf, n’est-ce pas s’éloigner de ces valeurs écologiques ?
Regarde où sont situés les autres MEC. Plusieurs se sont implantés dans des secteurs très excentrés, dans des nouvelles constructions certifiées LEED. Elles sont là, pour MEC, les valeurs écoresponsables; là et dans les produits. », constate Sébastien St-Onge.
Pierre-Yves Chopin, chargé de projet à Vivre en ville mais surtout auteur, à titre personnel, de la page Facebook Gardons MEC au centre-ville de Québec, est moins conciliant. Sa première publication sur la page comme sa réponse à Ian Bussières dans le second article du Soleil, jeudi après-midi, pointent la caractéristique écologique numéro un : « Le magasin est situé dans une zone urbaine facilement accessible en autobus, à pied ou à vélo. »
Les valeurs coopératives ?
De récents articles du journal Ensemble et du Globe and Mail soulèvent des questions sur l’évolution de la gouvernance et du développement de MEC. Exigences croissantes pour l’éligibilité aux postes du CA, difficultés accrues pour proposer résolutions et votes, peu de consultation. Selon des rapports de 2013 et 2014, moins de la moitié des manufacturiers de MEC rencontreraient ses exigences. Le nouveau logo adopté en 2013 sème le doute : la montagne y a disparu, le mot coop aussi. Sur le blogue You got a better idea ?, un membre de Vancouver se demande si MEC a contracté la fièvre de la croissance à tout prix ou si ses décisions sont dictées par les lois du marché, auxquelles il n’échappe pas malgré sa structure de coop.Vendredi, Sébastien St-Onge poursuit sa réflexion sur Facebook en ce sens :
Arrimer une conscience environnementale aux activités de ventes (localisation et externalités environnementales) est, semble-t-il, beaucoup demander (…) Coop ou non c’est du commerce de détail. »
Une stratégie ?
Sous le couvert de l’anonymat, un entrepreneur qui a crû (et cru) à Saint-Roch ces deux dernières décennies me suggère une hypothèse : et si c’était une stratégie de communication de MEC? Une fuite médiatique calculée, pour alerter le propriétaire de l’immeuble et/ou la Ville de Québec, qui avait attiré MEC en 2004 pour la revitalisation de Saint-Roch. L’an dernier, on entendait dire que MEC souhaitait s’agrandir à son emplacement actuel. Il aurait cherché à louer, voire à acheter des espaces autour, sans succès.Dans un troisième article du Soleil, samedi, David Rémillard s’entretient avec Guillaume Michaud, président de la Société de développement commercial (SDC) de Saint-Roch. Il plaide pour l’importante clientèle de MEC qui habite les quartiers centraux, se déplace à pied, à vélo, en transport en commun. Il précise que c’est d’espace d’entreposage que MEC a besoin. Il semble confiant qu’une solution existe, mentionne de nouveaux espaces à venir sur Saint-Joseph et la possibilité d’interpeller la Ville… mais le temps presse.
Et nous ?
Si demain un espace d’entreposage adéquat s’offrait à MEC, annoncerait-il aussitôt qu’il reste? À quel point sa décision est-elle influencée par « nos » mauvaises habitudes collectives?Du stationnement dans Saint-Roch, il y en a, comme le note Guillaume Michaud. Suffit de consulter la carte sur le site web de la SDC St-Roch, sa version imprimée dans les commerces, des applications comme Copilote, la signalétique sur place. Ce que veulent les insatisfaits, en fait, c’est une place assurée devant les commerces, sans frais… en même temps qu’ils réclament une densification agressive et des gratte-ciel « comme dans les vrais centres-villes ». Dans quels vrais centres-villes au monde trouve-t-on facilement du stationnement sur rue gratuit ?Et si c’était un peu beaucoup nos valeurs, notre évolution à nous, qu’il fallait questionner ? Tant pour la rétention du MEC que pour un développement du centre-ville réussi à tous points de vue – économie, environnement, qualité de vie, santé… N’y aurait-il pas lieu de remettre en question notre culture du déplacement ?À lire par ailleurs :
- Dans le journal Ensemble, l’article MEC trahit ses racines coopératives (Nicolas Falcimaigne, 23 janvier 2014)
- Dans le Globe and Mail, l’article MEC governance changes spark dissent among long-time loyalists (Sean Silcoff et Marina Strauss, 16 octobre 2015)
- La page Facebook Gardons MEC au centre-ville de Québec
- La page Facebook MEC Members for a Democratic Co-op et le site web MEC Members for a Democratic Co-op
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