Bousille et les justes : au-delà de l’intimidation

Toutes les photos de cet article sont une gracieuseté du Théâtre de La Bordée et ont été prises par Nicola-Frank Vachon.
Toutes les photos de cet article sont une gracieuseté du Théâtre de La Bordée et ont été prises par Nicola-Frank Vachon.
Crédit photo: archives
Je l’avoue. Je suis entrée à la Bordée avec un tout petit préjugé défavorable : comme tout le monde, j’ai lu Ti-Coq de Gratien Gélinas quelque part dans mon cursus scolaire. Je me souviens même d’avoir lu un extrait de Bousille et les justes. Je n’avais pas aimé à l’époque, ça me semblait vieux et dépassé. En plus, je viens de Saint-Séverin, le village juste à côté de Saint-Tite, ville natale de Gratien et des personnages de la pièce… Traumatisme de cégépienne et de lectures obligatoires ? Peut-être. Idées préconçues de jeunesse ? Sûrement.J’avais tort. Car Bousille et les justes est une pièce à voir. En tout cas, la mise en scène jouée au Théâtre de la Bordée jusqu’au 10 octobre.

Une autre époque

L’action de la pièce se situe à une autre époque, c’est certain. Le Québec est encore très religieux et la réputation familiale est d’une grande importance. Surtout dans les petites villes ou villages comme Saint-Tite où tout le monde se connaît.C’est dans ce contexte social que la famille Grenon de Saint-Tite de Champlain arrive à Montréal pour assister au procès d’Aimé, le cadet, accusé d’un meurtre. Frère, beau-frère, soeur, belle-soeur, mère et cousin sont là pour aider Aimé. Une famille de bourgeois bien-pensants prêts à tout pour épargner à la réputation familiale le scandale de la prison pour meurtre. Sauf Bousille, seul témoin du meurtre, venu dire la vérité. Que la vérité.Aujourd’hui les références à la religion et à la réputation familiale sont devenus éléments de comédie, alors qu’à l’époque de la pièce, ils ont dû faire grincer bien des dents. Même si ces éléments de l’intrigue n’ont plus le même impact qu’auparavant, il reste que d’autres nous font, encore aujourd’hui, réfléchir. Entre autres l’intimidation et la violence. Car on ne peut le cacher : la pièce est empreinte de violence. Dans les mots, les gestes, les comportements de certains personnages.

Violence et intimidation en huis-clos

Bousille et les justes_1Parfois crue, parfois insidieuse, la violence de la pièce sert l’intimidation. Celle faite à l’épouse soumise, à l’amante amoureuse et effrayée, au gentil cousin aux intentions pures, à la mère aimante, dévouée et croyante… Et même si on rit beaucoup, souvent notre coeur se serre. Pas seulement de peine, mais aussi de frayeur et de dégoût devant les voix qui haussent, la manipulation, les sous-entendus, la soumission, l’indifférence, la violence corporelle, l’ignorance et la fermeture. On se sent, assis dans notre siège, faible et révolté devant le drame qui se joue et l’arrivée de l’inévitable.Le huis-clos de l’action ne se passe donc pas seulement sur scène, mais aussi dans la salle, où le spectateur impuissant ne peut que rire et pleurer. Vous me direz que c’est habituellement le cas au théâtre. Mais ce sentiment a été pour moi très fort tout au long de la pièce : l’envie de leur dire d’arrêter et de ne pas pouvoir le faire – et pas juste à cause de mes voisins, mais surtout pour cette impression de fatalité.Dans la version originale de Bousille et les justes, l’action se passe dans la simple chambre 312 de l’hôtel où loge la famille Grenon. Pour sa mise en scène, Jean-Philippe Joubert a choisi d’ouvrir son huis-clos : visuellement, aucun mur ne sépare les chambres, la réception, les escaliers, la rue. Invisibles, ils n’existent que par les gestes et les déplacements des comédiens. Murs absents, il n’y a pas de frontières. Ainsi, l’action prend part au monde. Elle fait partie d’un monde réel où d’autres gens vivent, travaillent. On les voit. Et c’est peut-être ça qui renforce notre sentiment d’impuissance. Et donne plus de puissance au huis-clos.

Du rire et des pleurs

Bousille et les justes_3N’allez surtout pas croire que la pièce est seulement triste et violente. Elle est drôle. On rit beaucoup. Grâce à la mère et à sa foi aveugle en Dieu, à Bousille avec sa maladresse et sa gentillesse naïve, au Frère Nolasque et à ses sermons sans queue ni tête, au beau-frère, à ses galipotes et ses affaires.Vous rirez et vous aurez peut-être des larmes. Vous vous attacherez à Bousille et à son trop grand coeur. Bref, vous vivrez des émotions.

Du jeu juste et bon

Beaucoup du succès de la pièce repose en effet sur la mise en scène ouverte, mais il provient aussi du jeu des acteurs qui, chacun à leur manière, ont fait vivre les personnages, leur histoire. Une mention spéciale à Christian Michaud qui joue un Bousille plein de bonne volonté, attachant, vrai, replié sur lui-même. Aussi, même si son rôle est secondaire, bravo à Jean-Denis Beaudoin qui, avec son interprétation du Frère Nolasque, a su engendrer bien des éclats de rire.

Bref…

Bousille et les justes est une pièce à ne pas manquer. Elle permet à la saison 2015-2016 de la Bordée de commencer en grand, jusqu’au 10 octobre au Théâtre de la Bordée. Pour l’achat de billets ou pour plus d’information, visitez la page de La Bordée.Vous pouvez aussi visionner la vidéo ci-dessous pour un avant-goût.https://www.youtube.com/watch?t=2&v=7o7zFR8d3Io

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