La tradition Jos Dion

À tout seigneur tout honneur, il fallait absolument que je commence cette série sur les tavernes de Saint-Roch par la Taverne Jos Dion. Plusieurs diront que c’est à Saint-Sauveur : vous avez raison ! Cependant, c’est tellement collé sur Langelier que même le groupe Alaclair Ensemble se confond dans sa nouvelle vidéo sur le quartier.Droit d’aînesse, donc, pour l’institution née en 1933, il y a 81 ans ! On me dit que c’est la plus vieille taverne en Amérique du Nord. Je me suis commandé une O’Keefe en attendant mes amis et je me suis tout de suite adressé à Gaëtan Dion. Le barman finissait son chiffre d’après-midi et était heureux de répondre à mes questions. Pour son nom de famille, c’est une coïncidence. Il y a toujours des adons dans ces endroits…D’entrée de jeu, je lui ai demandé si c’était vrai l’histoire du cul de biche au-dessus des toilettes des femmes. C’est en 1986 que la loi a permis aux femmes d’entrer dans les tavernes, mais ce n’est que le 23 novembre 1988 (hier !) que la première est entrée. Bravo ! Il fallait du courage.« On la cherche encore, si vous la connaissez… », me dit Gaëtan.J’avais entendu dire qu’un petit mouvement insurrectionnel avait éclaté et que, lorsque finalement les propriétaires avaient cédé à la pression, on avait installé le cul de la biche au-dessus des toilettes des femmes nouvellement construites. Des féministes auraient tenté de le décrocher plus tard. Pourquoi est-il toujours là ?Une autre petite rébellion est survenue lorsque les nouveaux propriétaires ont fait entrer progressivement les produits Molson en faisant disparaître la Belle Gueule, une bière de microbrasserie de R.J qui en était à ses premières armes vers les années 2005. Il semble que pour calmer le jeu, Molson ait décidé de brasser une bière spéciale : La Taverne Jos Dion. C’est ce que Simon, un ami habitué de l’endroit, a pris. Il m’a dit que c’était probablement de la Molson normale avec du colorant noir dedans. « Tu vas être déçu, mon Dom ».Mon ami Simon recevait même des téléphones au Jos Dion et on le laissait brancher son Ipod. Sa trame sonore des années 1980 encourageait parfois les clients à faire le train d’une porte à l’autre du bar. C’était la belle époque. Il y avait des machines à sous qui permettaient de baisser un peu  le prix de la bière. Il a connu plusieurs des habitués dont certains disparus. Gaëtan m’a dit :

 J’ai 89 décédés en 15 ans. Il y a même un gars qui tient un catalogue des clients. L’autre jour, on le regardait et il y en avait plusieurs de partis. »

Taina, une régulière depuis une dizaine d’années, vient pour l’ambiance : « c’est un deuxième chez nous, une deuxième maison. » Gilles y vient depuis 4 ans pour y voir ses amis, mais surtout en 5 à 7. Plusieurs clients célèbres sont passés chez Jos Dion, dont Don Cherry et Steven Stamkos. Les Trois Accords viendraient souvent après leurs spectacles, et c’est un passage obligé pour le Bonhomme Carnaval chaque année.J’ai demandé à Minou, le barman de soir, s’il avait vu un changement de clientèle ces dernières années : « Avant, la moyenne d’âge était de 30 ans et maintenant, elle est dans la vingtaine. »Est-ce qu’il y a des problèmes de comportements ? « Non, vraiment pas. C’est très rare que ça arrive. Les jeunes semblent plus respectueux puisque c’est une institution. »Il faut parler du décor. Le lieu est entouré de photos d’archives, de vieux formats de bières, d’animaux empaillés et de souvenirs d’époque. On dirait un musée-bar. On m’a montré une chaise sur une veille photo du temps d’Al Capone qui était toujours là, à côté de la machine à pop-corn. De célèbres paires de fesses s’y sont succédé.   J’ai mangé un œuf dans le vinaigre avec une tresse de fromage salé, un classique à 4 $ environ. Puis nous avons mis la chanson Le Privé de Michel Rivard dans le juke-box. Le reste de ma soirée est devenu un peu flou. La O’Keefe est encore très bonne. On y boit aussi de la Laurentide. Gaëtan, qui continue de tenir le fort tous les après-midis, voulait que je vous dise : le midi, c’est une bière et une pizza Salvatore pour 7 $.Il faut aller chez Jos Dion souvent. L’ambiance y est toujours très conviviale et on y présente les parties de hockey sur une toile. Pour les amateurs d’histoire, la Taverne Jos Dion en suinte.Taverne Jos Dion65, rue Saint-Joseph Ouest418-525-0710