La guerre, la paix et Loup Bleu

Je dois l’avouer — honteusement —, je n’avais jusqu’ici jamais vu une pièce de Loup Bleu et du Théâtre du Sous-marin jaune. J’avais entendu parler d’eux, de leur façon irrévérencieuse d’adapter de grands classiques de la littérature, mais jusqu’ici je n’avais eu que des occasions ratées de les voir.

Je me suis rattrapée mercredi passé, 27 octobre, au Théâtre de La Bordée. C’était la première de leur pièce Guerre et Paix, adaptation du roman, du même nom, de l’écrivain russe Léon Tolstoï. Un roman que j’ai lu, il y a bien des années et qui m’a fait découvrir la littérature russe.

J’avais hâte de voir l’adaptation de ce roman de 2000 pages en une heure quarante minutes.

Je ne pourrai pas vous résumer l’histoire ici, et ce même si Loup Bleu a réussi à le faire en deux minutes devant nous mercredi — un exploit qui a bien fait rire la salle, moi comprise. Merci, cher Loup.

Disons rapidement que ça se passe pendant les guerres napoléoniennes en Russie. Des personnages dont le coeur vacille entre la gloire de la guerre, la douceur et la passion de l’amour, la tranquillité de la paix, la beauté de l’idéal et l’excitation de la révolte. Une histoire d’amour et d’amitié entre Pierre, André, Natacha et leurs amis et connaissances sur fond de guerre, de noblesse russe, de servage des paysans, des balbutiements de la révolution russe…

La pièce présente les grandes trames de cette saga avec beaucoup d’imagination — il en faut avec des marionnettes —, d’intelligence, de compréhension de l’oeuvre, de talent, de rires, de plaisir, d’audace.

Quand Loup Bleu est entré sur scène monté sur son cheval-marionnette-parlant, je ne savais pas du tout à quoi m’attendre. Et je suis partie. Ailleurs.

Dans un lieu où les marionnettes sont aussi vivantes que les marionnettistes, où le monde vit sur une autre échelle. Où des marionnettes tombent amoureuses d’une jeune fille tout en chair. Où le marionnettiste devient parfois le personnage. Où des soldats miniatures font la guerre sous les ordres d’un Napoléon et d’un général russe qui ne sont que des grosses têtes…

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J’ai ri, j’ai aimé. J’ai cru. J’ai embarqué à fond, quoi.

J’ai oublié le roman, les marionnettes. J’ai vécu le moment présent avec Pierre, Natacha et André. J’ai écouté Loup Bleu, j’ai ri de Tolstoï. J’ai eu pitié de l’ours Mika — ah l’ours.

Et j’ai passé un super moment.

Unique. Un partage. Les interventions de Loup Bleu — et de Tolstoï — créent un lien avec le public, une interaction. On avait l’impression de participer.

Puis il y avait les textes. Arriver à prendre un récit de 2000 pages et d’en garder l’essence en une heure et quarante minutes… Le tout joué sur scène avec des marionnettes tout en humour et en faisant des références actuelles… Magnifique. Jamais de raccourcis trop faciles — selon moi. Et quand raccourcis il y avait — avec un tel récit pas le choix de trouver le moyen de faire des ellipses —, c’était fait avec imagination.

Mention spéciale à la scène qui clôt le récit (mais pas la pièce). Dans cette scène on veut nous faire comprendre que le temps passe alors que la scène dure deux minutes (?). Deux personnages — que je ne vous nommerai pas pour ne pas vous gâcher le plaisir — sont dans leur maison et ils discutent. Leur dialogue est formé de bouts de conversations qu’ils ont à travers les mois, les années qui passent et qui nous font comprendre leur vie, mais aussi ce qui se passe en Russie en ce temps de paix qui suit la guerre…

Et n’oublions pas de mentionner que le tout est joué avec plaisir, talent et audace. Car parler de justesse, ne rendrait pas hommage au travail des quatre comédiens-marionnettistes sur scène. On va au-delà du ton juste. Ils nous amènent ailleurs.

Je ne suis pas critique de théâtre et loin l’idée de moi de l’être. Je suis seulement une femme qui aime le théâtre et le partager. Des fois, j’aime, des fois moins, d’autres j’adore. Et là, j’ai adoré.

Ce que je veux vous dire au fond est simple : allez voir la pièce. Même si on a parfois dans l’idée que des marionnettes c’est pour les enfants, ici ça ne l’est pas. C’est une pièce d’adulte réfléchie, drôle, irrévérencieuse, audacieuse, actuelle… qui éveille quand même en nous cette parcelle de l’enfance appelée imagination. Vous ne regretterez pas votre soirée.  

Vous avez jusqu’au 22 novembre pour la voir au Théâtre de la Bordée. Dépêchez-vous.

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