Frozen (Océan Arctique): au coeur de la douleur

Les photos sont une gracieuseté du Théâtre de la Bordée et l’oeuvre de Nicola-Frank Vachon
C’est une belle journée d’automne en Angleterre. Rosie, 10 ans, fouille dans la trousse de maquillage de sa sœur aînée Ingrid. Elle tombe sur le tube de mascara et décide de l’ouvrir. C’est à ce moment qu’Ingrid se met à chercher sa trousse puis, ne trouvant pas sa trousse, se met à chercher sa sœur. Oups. Prise la main dans le sac, la Rosie. Tenant Rosie par les cheveux, Ingrid amène sa sœur devant sa mère Nancy. Pas difficile pour la mère de comprendre la raison de la querelle : la petite Rosie est barbouillée de noir tout autour des yeux. Pour tenter de calmer la tempête, Nancy demande à Rosie d’aller chez sa grand-mère pour tailler quelques fleurs. Sécateurs en mains, Rosie quitte la maison familiale. « Bonjour!… Bonjour!… Bonjour… » Lui, c’est Ralph. Il aborde gentiment Rosie. Rosie finit par répondre à l’inconnu. Rosie suit Ralph. De force. Rosie n’arrivera jamais chez ses grands-parents. Rosie ne reverra jamais Nancy, ni Ingrid. Rosie disparaît.Frozen (Océan Arctique), c’est l’histoire de Nancy (Marie-Ginette Guay) qui doit vivre avec la disparition de sa plus jeune fille. C’est aussi l’histoire de Ralph (Éric Leblanc), pédophile et criminel dangereux, qui se fait arrêter après avoir enlevé, violé et tué sept jeunes filles. Pendant longtemps, Nancy garde espoir de revoir sa fille. Jusqu’au jour où deux policiers se présentent chez elle avec la nouvelle de l’arrestation de Ralph et la découverte des ossements de Rosie. « Pendant tout ce temps, je la faisais grandir dans ma tête. Mais non. Il l’avait déjà enterrée… »La pièce de l’auteure britannique Bryony Lavery que présente le Théâtre de la Bordée nous plonge dans l’univers de cette mère éplorée qui passe par toute une gamme d’émotions. Tristesse, désespoir, colère, résilience, pardon. Nancy perd ses repères. Les retrouve. Elle craque. Puis se ressaisit. Autour de Ralph gravite aussi Agnetha (Nancy Berner), une psychiatre et chercheuse qui étudie « l’océan arctique qu’est le cerveau criminel ». Agnetha visite souvent Ralph en prison pour le questionner et l’évaluer. « Ralph fait preuve d’une certaine rigidité, comme si le cerveau était prisonnier des glaces. » Tout au long de la pièce, Agnetha livre les conclusions de sa thèse au public, comme si ce dernier assistait à une de ses conférences. Quand Agnetha demande à Ralph s’il regrette ses gestes, il répond : « La seule chose que je regrette, c’est que ce ne soit pas légal de tuer des filles. » Le public se retrouve alors en plein cœur de la folie criminelle de Ralph.Sur scène, le décor est minimaliste et intelligemment utilisé. Trois écrans verticaux délimitent la plupart du temps trois espaces de jeu distincts. Un grand écran horizontal surplombe le tout. Souvent on y voit des glaces qui s’entrechoquent ou du givre. Les trois écrans verticaux servent admirablement bien la mise en scène. Tantôt on y projette la tapisserie de la chambre de Rosie, tantôt celle de l’appartement de Ralph. Puis on s’en sert comme toile de fond à la cellule de Ralph ou à la chambre d’hôtel d’Agnetha.Frozen (Océan Arctique) montre l’agresseur et l’agressé, et veut faire réfléchir sur la façon dont les familles victimes d’actes criminels survivent à pareille tragédie.Si vous voulez y aller, la pièce est présentée au Théâtre de la Bordée jusqu’au 29 mars.

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