« Pourquoi du stationnement au centre-ville ? » Réaction et observations
Source : Québec Urbain, Simon Vallée (commentaire), 6 décembre 2013 L’article a raison sur beaucoup de choses. Les stationnements sont effectivement un usage d’espace très inefficace en ville et ceux en surface déchirent le tissu urbain en créant des zones tampons entre les quartiers, des zones où la marche est déplaisante, créant des barrières psychologiques pour les résidents. Le large nombre de stationnements n’incite pas nécessairement les gens à utiliser leurs voitures, mais il le permet plus aisément. L’expérience d’Ottawa est probante à ce niveau : dans les années 70 et 80, la ville et le gouvernement fédéral ont sciemment choisi de limiter le nombre de stationnements dans les bureaux du centre-ville, forçant les employés à trouver des alternatives aux déplacements en voiture. Le résultat est une part modale des transports en commun très élevée, et ce même avant l’arrivée du transitway (le SRB d’Ottawa) qui n’a en fait pas augmenté l’usage des transports en commun.Les normes minimales de stationnement sont excessives et limitent grandement les projets réalisables en ville. Plusieurs projets peuvent échouer car le changement de vocation impose un certain nombre de stationnements qui ne peuvent être aménagés à faible coût. Mais en ville, les dérogations sont assez fréquentes…Le vrai problème avec ces normes se situe en banlieue. En banlieue, comme les terrains sont abordables, les promoteurs peuvent aménager les stationnements sans que ça leur coûte la peau des fesses, ils le font donc sans rechigner. Le résultat est qu’en zone industrielle ou commerciale, il n’est pas rare que seulement 10% de la superficie de la zone est occupée par des bâtiments, et plus les bâtiments ont d’étages, plus le stationnement doit être gigantesque, ce qui est un obstacle infranchissable pour la densité. Quand ça prend 5 minutes à pied juste traverser le stationnement de certains commerces, entre les voitures qui circulent, qui sortent et qui entrent, ça décourage fortement la marche, même pour ceux qui sont pourtant à distance de marche des commerces.Donc les secteurs commerciaux et industriels en banlieue sont tout à fait hostiles aux transports autres que la voiture, à cause des stationnements.Je crois qu’un des problèmes est que l’on assume que les déplacements en voiture doivent être du porte-à-porte. C’est-à-dire que l’on sort de chez soi et notre voiture est juste devant la porte du domicile, puis on se rend à destination et on a un stationnement directement devant la porte de la destination. Donc, chaque destination doit avoir son propre stationnement, et afin d’éviter que ceux-ci ne « débordent », on les surdimensionne. Dans plusieurs petites villes européennes, le modèle de déplacement en voiture est plutôt de quartier-à-quartier. Les stationnements existent, mais ils sont à 5-10 minutes de marche des rues commerciales et des bureaux, et ils sont soit une propriété publique ou une propriété partagée des commerces, ce qui permet d’en réduire la taille*. La voiture ne sert qu’à changer de quartier, le reste se fait à pied. En quelque sorte, la voiture n’est qu’un raccourci dans un déplacement à pied et non une alternative à la marche en tant que telle.Ainsi, malgré de nombreux déplacements en voiture, les villes sont capables de conserver des zones commerciales denses, des endroits public où il fait bon se promener et magasiner, et qui restent facilement accessibles à pied, en vélo ou en transport en commun.*La mise en commun des stationnements permet de réduire la taille de ceux-ci car il est rare que les commerces aient des pointes en même temps exactement. Par exemple, vous avez un bar, un restaurant et une boutique de vêtements. Le bar calcule qu’il a besoin d’au maximum 30 places de stationnement, le restaurant calcule qu’il en a besoin de 40 et la boutique de vêtements, 20. Si chacun construit son stationnement pour ses propres besoins, le bar construira un stationnement de 30 places, le restaurant, de 40 places et la boutique, de 20 places, pour un total de 90 places de stationnement. Mais le bar est surtout actif le soir, le restaurant à l’heure du dîner et la boutique est surtout active la journée en fin de semaine. Donc ça n’arrivera jamais qu’il y aura 30 voitures pour le bar, 40 pour le restaurant et 20 pour la boutique EN MÊME TEMPS. En fait, quand le bar est plein (30), le restaurant est peu achalandé (10) et la boutique est fermée (0). Quand le restaurant est plein (40), le bar est presque vide (10) et la boutique est peu achalandée (10). Quand la boutique est pleine (20), le restaurant est presque vide (10) et le bar est pratiquement fermé (5). Donc si le stationnement était partagé, 60 places suffiraient pour répondre à la demande, alors que si chaque stationnement est séparé, il faut 90 places.
Soutenez votre média
Contribuez à notre développement à titre d'abonné.e et obtenez des privilèges.