Réveiller le somnambule
La Ville avait des airs de Ghostbuster, un ciel orangé avec des nuages qui menaçaient d’exploser, de détremper les comédiens. Mes deux appareils photos m’ont fait faux bond, mon iPhone aussi, comme si on essayait de me dire : « lâche la technologie pis laisse-toi imbiber par l’eau de la pluie qui va immanquablement finir par tomber et par ce que les comédiens, scénographes, artistes visuels, auteurs, athlètes de cirque ont à te pitcher en plein visage ». Voilà que l’immersion a été totale, un abandon, un vrai, parce que j’ai une confiance aveugle en ce que les artistes de Québec sont capables de faire avec pas de moyen. « Où tu vas quand tu dors en marchant? » qu’ils m’ont demandé encore cette année. Je ne sais toujours pas, mais j’ai l’impression d’être un peu plus éveillée chaque fois. J’ai eu la chair de poule, le motton, j’ai été fascinée, j’ai versé deux larmes, j’ai ri comme ça faisait longtemps…
Arrêt numéro un
Je pensais que Québec était blindée contre la crise économique, du beau déni, jusqu’à ce que je réalise qu’elle était là, devant nous, devant moi. Parce que les artistes et la culture sont souvent les premiers touchés par les crises. Samuel Matteau a visé dans le mille avec Le Parquet en nous présentant un Wall Street stressé, les nerfs à vif, qui finit par crouler sous la lourdeur des chiffres, qui devient animal, hystérique. Et quand on croit que tout est bien qui finit bien, quand on croit que la crise est terminée, on ramasse les dégâts et on reprend le cercle vicieux. Voilà que l’intensification de la tension, le jeu des comédiens, les projections vidéo et la conception sonore de Mathieu Robineau m’ont fait dresser les poils et que la triste réalité décrite dans ce tableau m’a vraiment donné l’envie de pleurer.
Numéro dos
Mourir tous les jours d’Anne-Marie Olivier, c’est l’industrie de la mort version Beetlejuice, une fiesta de la muerte burlesque, des personnages touchants et drôles célébrant la fatalité, une joyeuse fanfare endeuillée. Une invitation à tourner la roue malchanceuse, à connaître l’âge auquel vous allez vous éteindre, à découvrir la cosmétique mortuaire et même à trouver l’inspiration pour votre épitaphe. Les tableaux sont colorés et festifs et les magnifiques costumes de Dominique Thibault, dignes de mention.
Trois
Le hasard déterminera lequel des 5 parcours de La (délicieuse) Foire imaginée par Marie-Renée Bourget Harvey vous découvrirez. Vous n’aurez probablement pas le temps de tout voir, faites votre deuil tout de suite. Pour ma part, je me suis abreuvée des paroles d’une coiffeuse qui donne la recette contre l’abrutissement, j’ai écouté les propos grossiers d’un animateur de radio poubelle aux allures de Joker vicieux, Alice aux pays des merveilles, fragile comme un oiseau m’a fait un finger, j’ai eu mal aux joues à force de rire devant Christian Michaud en grenouille qui m’a demandé de le frencher et j’ai assisté à la crise d’un Jean-Michel Girouard en nain de jardin. Déformation professionnelle : je ne peux que souligner le travail de la maquilleuse qui œuvre sur ce tableau. Je n’ai pu reconnaître tous les comédiens tellement les transformations sont réussies.
Quatre & cinq
Olivier Normand-Laplante honore le stationnement Le Cartier avec son Insomnie, mettant en vedette des artistes de cirque s’activant dans une structure verticale parfaitement adaptée à la spirale de béton qui trône devant le défunt Cinéma Charest. Un étourdissant 360 degrés qui nous permet d’apprécier les performances des artistes affublés de combines crasseuses sous différents angles.La cerise sur le sunday c’est le trio d’artistes visuels BGL qui vous invitent à fumer la chicha de manière peu usuelle dans leur cour à scrap. Je n’en dis pas plus, à vous d’aller prendre une puff dans Le dernier étage!Il ne reste que deux soirs. Soyez là ou soyez carrés.
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