La ville qui n’aime pas ses piétons

3e Avenue. 29 avril 2011.
Collaboration spéciale – Olivier Tremblay (Monlimoilou.com) L’actualité des derniers jours à Québec a permis de ressusciter un vieux débat qui enflamme rapidement les conversations : la sécurité des piétons. Le Soleil nous apprenait mardi dernier que les contraventions aux cyclistes étaient en forte hausse en 2012. À ce point-ci, deux explications semblaient plausibles : soit la hausse du nombre de constats d’infraction émis était lié aux événements du Printemps érable, soit les policiers ont eu l’ordre de “serrer la vis”. Si la première explication peut possiblement expliquer une légère hausse, elle ne semble pas être à la hauteur du phénomène observé. De plus, certaines de ces opérations policières ont été rendues publiques, ce qui renforce la probabilité d’un ordre venu de la Ville de Québec.Le jour suivant, en réaction à de nombreux citoyens mécontents et à la prise de position de l’organisme Accès transports viables, un porte-parole de la Ville de Québec réagissait : premièrement, la ville de Québec n’avait aucunement l’intention de modifier ses habitudes, deuxièmement la méthode choisie par la Ville – les feux pour piétons exclusifs – est la plus efficace pour assurer la sécurité des piétons. Voilà une réaction intéressante. Le premier point démontrait une indifférence certaine face aux doléances de nombreux citoyens de la ville. Passons. Le deuxième point mérite par contre qu’on s’y attarde.

Sécurité ou fluidité du trafic routier?

La Ville prétend essentiellement que sa méthode favorise la sécurité des piétons. En théorie, cela est peut être vrai, mais elle ne favorise certainement pas la circulation des piétons. Et elle a aussi de nombreux effets pervers :

  • de nombreux piétons n’ont pas envie d’attendre – longtemps – que le feu pour piéton s’active et traversent avant le signal;
  • les automobilistes attendent parfois inutilement un feu piéton alors que les dits piétons sont déjà passés;
  • cela ne favorise aucunement un transport à pied rapide, ce qui est pourtant un élément important dans le choix du mode de transport.

Si dans ce débat tout le monde prétend avoir le même objectif, soit la sécurité des piétons, dans les faits, la réalité est tout autre. La priorité de la Ville de Québec est d’assurer la fluidité du trafic (comprendre la circulation des voitures). Les piétons passent en deuxième, et les cyclistes, n’en parlons pas…En effet, lorsque les citoyens demandent des durées plus longues aux passages piétons ou d’automatiser le recours au feu piéton afin d’éviter d’avoir à attendre deux cycles complets de feu vert, la ville rétorque : non, on ne peut pas le faire, car cela nuirait à la fluidité du trafic. D’ailleurs, si la méthode adoptée par la Ville était si efficace, pourquoi n’est-elle pas reprise ailleurs dans le monde, et notamment dans les villes denses qui favorisent les transports actifs? Poser la question, c’est un peu beaucoup y répondre.

Les délinquants

Ceci dit, dans les faits, est-ce si scandaleux que les policiers donnent plus de contraventions aux piétons? Non, ce ne l’est pas. Est-ce inutile et contre-productif? Oui. Est-ce que les piétons sont plus délinquants que les automobilistes? Au Québec, de manière générale, tous les usagers de la route sont relativement “délinquants”. De toute façon, là n’est pas le débat.Ce qui importe est de changer les comportements des infractions majeures pouvant entraîner des conséquences graves. La SAAQ le fait bien. Les amendes salées aussi. La Ville de Québec – ou en tout cas son service de police – semble parfois croire que les piétons qui traversent sur une lumière verte ou en diagonale sur un feu piéton font courir de graves dangers à la population. Risible! Et surtout : très mauvais message envoyé à tous ceux qui s’évertuent à promouvoir les transports actifs.Pourtant, la Ville de Québec prétend sur toutes les tribunes vouloir densifier, favoriser les commerces de proximité, faire revenir les familles en ville. D’ailleurs, les études ont depuis longtemps démontré que les personnes qui se déplacent à pied sont généralement de bons clients pour les commerces de proximité. Et les familles qui reviennent en ville recherchent justement un milieu sécuritaire et propice aux déplacements actifs.La Ville de Québec ne manque pas de potentiel piétonnier. Il faut uniquement s’assurer de développer plus d’aménagement pour les piétons afin de favoriser leurs déplacements et, surtout, ne pas leur envoyer le message qu’ils sont des “délinquants” car ils usent de leur bon sens. À cet égard, l’équipe Labeaume avait fait de belles promesses en 2009; il serait peut-être bon de leur rappeler à l’aube d’une nouvelle campagne électorale.

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