Quelle place pour l’urbanisme tactique?

Le Highline Park à New-York est un bel exemple de la transformation d’un espace abandonné, une ancienne voie ferrée dans ce cas précis, en espace public attrayant.
Depuis quelque temps, on entend parler d’urbanisme tactique, et l’on voit apparaître au centre-ville, particulièrement dans Saint-Roch, plusieurs manifestations de celui-ci.

Qu’est-ce que l’urbanisme tactique ?

Prenez un espace abandonné, un parc, une ruelle ou une cour. Rassemblez un groupe d’acteurs soucieux de redonner un peu de lustre à l’endroit, généralement majoritairement composé de citoyens ou de commerçants vivant dans le quartier. Laissez-les reprendre possession de l’espace en l’aménageant, en l’embellissant, et idéalement, le but ultime, en l’occupant à nouveau. Autre particularité, il s’agit souvent d’une intervention très localisée. Chirurgicale, pourrions-nous dire pour reprendre un terme cher aux militaires.

Urbanisme participatif

Il y a d’ailleurs dans ce vocable d’urbanisme tactique quelque chose qui me dérange un peu dans notre contexte. Il renvoie au combat, à la lutte pour récupérer un espace qui n’est plus accessible au citoyen. Si cette lutte est réelle dans certaines grandes villes du monde, ce n’est pas le cas chez nous. Cela l’a peut-être été il y a une vingtaine d’années dans le quartier lorsque certains de ses habitants ont décidé de se réapproprier des espaces abandonnés aux junkies, à la prostitution ou à certains groupes criminalisés. Le contexte est totalement différent aujourd’hui, du moins dans les espaces visés par de telles interventions. Il n’en reste pas moins que nous avons des espaces délaissés, car mal pensés, mal aménagés, mal connectés aux autres espaces. Je préfère utiliser le terme d’urbanisme citoyen ou participatif.

Des démarches à encourager

Ces démarches sont remarquables pour l’implication citoyenne qu’elles traduisent. Un groupe comme le collectif Le banc, par exemple, laisse espérer que cette dimension a un sens auprès de certains futurs professionnels de l’urbanisme. Aujourd’hui dans le centre-ville de Québec, on se réapproprie des espaces délaissés par la Ville ou par des propriétaires privés. Elles témoignent d’une volonté de prendre en main l’aménagement et l’embellissement de quartier. C’est un droit d’occupation de l’espace commun, et pas toujours public, précisons-le. Un droit d’ingérence dans la beauté de ce qui nous entoure.

Les défis de l’urbanisme tactique ou citoyen

Une telle approche comporte toutefois plusieurs défis de taille. Des défis auxquels est finalement confronté l’urbanisme (et l’urbaniste) depuis très longtemps.Le caractère citoyen de ces démarches est encourageant, comme nous le disions, car il est la preuve d’une prise en main collective de son environnement. Il présente toutefois plusieurs limites.

1. Tisser les liens

L’aménagement d’un espace a un impact sur les bâtiments voisins, la mobilité, la sécurité, les moments où il est fréquenté. Il nécessite donc une réflexion globale, dans laquelle l’implication de professionnels, architectes, urbanistes et autres reste essentielle. En outre, celle-ci permet de mieux saisir les rôles des différents acteurs et de bien comprendre les règles du jeu (celles de l’administration municipale et des élus en l’occurrence).

2. Dépasser le caractère « fait maison »

Bien que le souci d’aménagement et d’embellissement soit sincère, et à encourager, les moyens mis en œuvre par des groupes citoyens sont limités. Et les aménagements finaux s’en ressentent souvent. On voit alors une utilisation de matériaux plus ou moins appropriés, plus ou moins durable, et plus ou moins esthétiques.

3. Assurer l’entretien des espaces

L’aménagement s’appuyant généralement sur une base de personnes très engagée, mais restreinte, la pérennité de celui-ci est largement tributaire du degré d’implication du groupe. Il suffit parfois que quelques leaders déménagent, ou soient moins disponibles, pour que les espaces « reconquis » retrouvent leur état « sauvage ».

Une bougie d’allumage

L’utilité, et même la nécessité, de cet urbanisme citoyen est de rappeler aux pouvoirs publics le besoin d’intervention sur des espaces délaissés. Il doit être un catalyseur de ressources humaines et financières sur des lieux que les citoyens jugent importants pour l’embellissement de la ville et l’amélioration de la qualité de vie. Et pour qu’il conserve son essence, cet urbanisme doit garder impliqué le citoyen tout au long de la démarche. 

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Pour ceux qui veulent aller plus loin

  • Un organisme qui favorise l’urbanisme participatif depuis plus de 25 ans au Québec : Fondation Rues principales
  • Un organisme américain qui implique les citoyens des grandes villes dans l’aménagement de l’espace public : Projects for public Space
  • Un livre intéressant : Reconquérir les rues de Nicolas Soulier
  • Deux organismes qui oeuvrent directement pour un meilleur aménagement dans Saint-Roch :

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